Au théâtre ce soir ou la conférence de presse du président de la gauche
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Au théâtre ce soir ou la conférence de presse du président de la gauche
Hollande, la conférence Jurassic Park
Le Point.fr - Publié le 14/11/2012 à 13:03 - Modifié le 14/11/2012 à 13:31
La conférence de presse du président de la République a projeté dans le monde une image poussiéreuse et pétrifiée de la France.
Au théâtre ce soir : c'était le titre d'une émission diffusée voilà 40 ans à la télévision française, aux temps anciens de la défunte ORTF. Il aurait pu précéder le générique de la conférence de presse de François Hollande mardi à l'Élysée. Tout y était : les rideaux rouges, le décor désuet, la mise en scène, la prestation attendue des acteurs. Tout y était sauf les entractes et la dimension récréative... Côté jardin : un parterre de ministres compassés alignés comme des petits pois, pour reprendre un mot de Nicolas Sarkozy brocardant naguère une séance solennelle d'ouverture de la Cour de cassation.
Quarante minutes interminables de propos liminaires distillés sur un ton professoral. Côté journalistes, ce n'était pas, avouons-le, toujours très brillant non plus. Des questions plus ou moins décousues et filandreuses à quelques heureuses exceptions près. Il a fallu attendre deux heures pour que l'on parle de l'Allemagne. Pour certains confrères, l'essentiel n'était pas d'obtenir des réponses, mais de se mettre, à tout prix, dans une dérisoire lumière. Pitoyable, aussi, le refus de se lever à l'arrivée du président comme si le fait d'être poli impliquait une quelconque allégeance.
Un parfum de tiers-monde
Un protocole et des comportements qui évoquent le tiers-monde ou les pays totalitaires plutôt qu'une démocratie moderne. Ni aux États-Unis ni dans aucun pays européen, les choses ne se passent ainsi. Le président ou le Premier ministre concerné n'est pas accompagné d'un aréopage. Les questions sont courtes, précises, les réponses aussi. Les journalistes pratiquent un "droit de suite" si les explications ne sont pas satisfaisantes. Généralement, c'est le chef du service de presse - qui connaît ses ouailles - et non la personnalité interrogée qui joue le monsieur Loyal pour ordonner un minimum le débat. Rien de tout cela mardi à l'Élysée.
Sur le fond, un flou artistique a été savamment entretenu sur des sujets essentiels. Comment réduire la dépense publique sans diminuer le nombre de fonctionnaires ? Mystère. Comment sécuriser les zones libérées en Syrie, comme le suggère le président ? Une réponse plutôt embrouillée malgré les efforts de notre consoeur du Monde pour obtenir quelques éclaircissements. François Hollande affectionne la méthode Mitterrand. Celle du rideau de brouillard pour dissimuler ses mouvements. Mais trente ans ont passé et le monde a changé. Pour sa prochaine prestation, dans six mois, le président de la République ferait bien d'ajuster le tir.º
Re: Au théâtre ce soir ou la conférence de presse du président de la gauche
Hollande a l'air moins inquiet que les Français !
Le Point.fr - Publié le 14/11/2012 à 08:34 - Modifié le 14/11/2012 à 09:15
Hervé Gattegno intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".
Pour Hervé Gattegno, François Hollande a fait sa conférence de presse avec une sorte de détachement qui pouvait passer pour de la désinvolture. © Sipa
François Hollande a donc donné hier la première conférence de presse de son quinquennat. Il a défendu son action et nié tout virage politique. Votre parti pris : Hollande a l'air moins inquiet que les Français. Vous l'avez trouvé trop à l'aise ?
Il y avait un décalage entre le fond du discours, qui se voulait empreint de gravité, et la forme, qui était bonhomme - c'était le François Hollande astucieux, blagueur. Certes, il a dit que "la situation est grave", que son "devoir" est de prendre des mesures douloureuses, mais il l'a dit avec une sorte de détachement qui pouvait passer pour de la désinvolture. Churchill promettait "du sang et des larmes". Hollande, lui, cherchait à faire sourire. Le président normal était un président jovial. Il était sans doute content d'être là. Mais c'était un peu inapproprié.
Est-ce que ce détachement apparent n'est pas une posture destinée à rassurer les Français ? Ou peut-être que François Hollande est simplement convaincu que sa politique est la bonne...
Ce serait bien le moins. Mais rien ne dit que l'autosatisfaction soit un remède efficace contre la morosité. En plus de deux heures, François Hollande n'a reconnu ni atermoiements, ni renoncement, ni même une hésitation. Il a dit : "J'ai fait mes choix, je m'y tiens." C'est un discours de fermeté qui a ses vertus, mais qui, là encore, apparaît en contradiction avec ce que les Français ont sous les yeux. Au moins sur la hausse de la TVA et sur la baisse des dépenses publiques, il y a bien eu un virage dans la politique de François Hollande. S'il l'admettait, ce serait (déjà) un tournant dans sa présidence.
La phrase qui a surpris, dans cette conférence de presse, c'est celle qu'il a prononcée sur le chômage qui, selon lui, "va continuer à augmenter pendant un an". C'est un renoncement ?
Plutôt un loupé. Il n'a pas mesuré qu'en disant cela il adressait le signal inverse de celui qu'il voulait envoyer : la mobilisation totale sur le front de l'emploi. D'ailleurs, il a dit aussi qu'il comprenait le scepticisme des Français, avec cette formule : "Tout a été dit, mais tout n'a pas été tenté", qui rappelle deux citations fameuses, de deux autres dirigeants socialistes, qui exprimaient une forme de fatalisme : Mitterrand : "Contre le chômage, on a tout essayé" et Jospin : "L'État ne peut pas tout." François Hollande a raison de dire, lui, que tout doit être fait. Le problème, c'est qu'on n'a encore rien vu. Il y a deux mois, il se donnait un an pour inverser la courbe du chômage. S'il raisonne toujours sur un an, c'est qu'on a perdu du temps. Qu'on a fait du surplace.
La conférence de presse est un classique de la communication présidentielle. D'une façon plus générale, est-ce que vous trouvez que François Hollande s'y est montré à son avantage ?
On peut dire qu'il a réussi l'exercice. Ou que c'est un exercice qui lui réussit. Il faut dire que la forme est toujours flatteuse pour le président : il est libre de répondre ou non aux questions, de pratiquer l'ellipse, de balayer ce qui le gêne d'un trait d'humour. L'organisation interdit aux journalistes d'exercer un droit de suite quand ils ne sont pas satisfaits des réponses. À l'inverse, François Hollande s'est amusé, comme le général de Gaulle, de répondre à des questions qui n'étaient pas posées. C'était une façon aussi de montrer qu'il dominait son sujet. Il avait à la fois de l'autorité et de l'aisance. Clairement, il a pris la mesure de la fonction. Il lui reste à prendre les mesures qu'elle impose.
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