Le roquefort ne sera pas taxé à 300% aux Etats-Unis

Après plus de vingt ans de bataille, l'UE et les Etats-Unis sont en passe de régler leur différend autour du boeuf aux hormones américain, qui restera interdit en Europe. Washington pourra en revanche exporter davantage de bœuf non traité.


La fin d'une bataille datant de plus de vingt ans ? Les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) ont annoncé mercredi avoir signé un accord préliminaire qui écarte définitivement la commercialisation en Europe du boeuf aux hormones américain. En échange, l'UE accepte de recevoir davantage de bœuf américain, non traité aux hormones. Quant aux Etats-Unis, ils renoncent à des mesures de représailles douanières sur une liste de produits alimentaires, dont le roquefort français. «Nous avons atteint un compromis qui fournit une issue pragmatique dans le conflit de longue date sur le boeuf», ont indiqué dans une déclaration commune le représentant américain au Commerce extérieur (USTR), Ron Kirk, et la commissaire européenne au Commerce, Catherine Ashton. «Un accord est dans notre intérêt mutuel, et nous allons maintenant discuter avec les différentes parties prenantes et Etats d'un effort pour le mettre en oeuvre aussitôt que possible», ont-ils poursuivi.
Le compromis prévoit que les Etats-Unis renoncent à de nouvelles sanctions, prévues le 9 mai, en représailles à la poursuite de l'interdiction de commercialisation de leur boeuf aux hormones dans l'UE. La plus spectaculaire était le triplement des taxes douanières contre le roquefort français, déjà visé depuis 1999 par des droits de douane élevés, de 100%. Une éventualité qui a déclenché une vague de protestation en France*, car cela aurait entraîné des prix astronomiques dans l'assiette du consommateur US. Les Etats-Unis sont l'un des principaux importateurs de ce fromage. D'autres produits agroalimentaires étaient également visés : des eaux minérales italiennes, des viandes, des fruits et légumes, des champignons, des céréales, des chewing-gums, du chocolat, des châtaignes, des jus de fruits et des graisses.
Des sénateurs américains protestent



En échange de l'abandon de ces sanctions, les Etats-Unis obtiendront d'importants quotas supplémentaires pour exporter vers l'UE leur viande de boeuf produite à partir d'animaux non traités avec des hormones. Un quota d'importation de 20.000 tonnes supplémentaires de boeuf non traité leur sera accordé lors des trois premières années, puis de 45.000 tonnes à partir de la quatrième année. L'accord prévoit ensuite qu'avant la fin de quatrième année, l'UE et les Etats-Unis devront se mettre d'accord sur les conditions appliquées au-delà de cette période.
Des sénateurs américains se sont dits peu satisfaits de l'accord. «L'UE devrait rouvrir son marché à tout le boeuf américain, qui est complètement sain», a estimé le sénateur républicain de l'Iowa, Chuck Grassley. Son homologue du Missouri, Kit Bond, a appelé les partenaires commerciaux des USA à «baser leurs décisions sur la science plutôt que sur l'émotion». De son côté, le ministre de l'Agriculture français Michel Barnier précise qu'il restera «attentif aux conditions de mise en oeuvre» de l'accord préliminaire. «L'accord que nous avons obtenu préserve le modèle et la sécurité alimentaire européenne, qui ne sont pas négociables», déclaré Michel Barnier. «Dans l'immédiat, les Etats-Unis acceptent de diminuer de 68% leurs sanctions» appliquées à de nombreux produits européens.
L'UE bloque le boeuf américain aux hormones sur son territoire depuis le début des années 1980. Le conflit a donné lieu à plusieurs jugements de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Américains et Canadiens ont porté plainte en 1996 devant l'OMC, qui leur a donné raison, les incitant à imposer des sanctions à certaines exportations européennes. L'accord préliminaire conclu mercredi prévoit également une suspension par l'UE de la procédure contentieuse engagée à l'OMC contre les USA