Il tue ses parents et devrait toucher leur héritage

Peut-on tuer ses parents et toucher leur héritage ? Un homme, jugé irresponsable il y a neuf ans du meurtre de ses parents pour «schizophrénie à délire paranoïde», vient en effet de se voir accorder le droit de toucher sa succession. Une requête aux yeux de la loi tout à fait valide, puisque l'homme a été reconnu civilement apte à gérer ses biens et que son irresponsabilité pénale lui vaut un casier judiciaire vierge. Un paradoxe qui provoque l'indignation de son frère aîné, qui vient de faire appel de cette décision de justice.

Les faits remontent au 3 novembre 2000. Cette nuit-là, dans le petit village de Belvezet, près d'Uzes (Gard), un jeune homme égorge sa mère et son père à leur domicile avec un couteau. Arrêté par les policiers, il reconnaît rapidement son double assassinat. L'enquête de gendarmerie puis celle de l'instruction établissent que le jeune homme a agi sous le coup d'hallucinations. «Je me rappelle qu'il avait expliqué avoir vu des cavaliers passer sur les toits des maisons d'en face lui dire de tuer ses parents», explique un proche de l'enquête au quotidien Midi Libre. La justice abonde dans le sens des experts psychiatriques et, en 2002, rend une ordonnance de non-lieu. Le jeune homme est placé au centre psychiatrique du Mas Careiron, à Uzès.


«Irresponsable» et «capable» à la fois

Neuf ans après les faits, l'homme est toujours maintenu dans cet établissement. Mais le voici qui réclame aujourd'hui la part d'héritage à son frère, âgé d'un an de plus que lui. Le tribunal de Nîmes a ordonné il y a quelques mois que sa part de succession lui soit versée. Une décision que ne digère pas son frère aîné, qui estime que la mémoire de ses parents est souillée.

«C'est une affaire dramatique, il a été reconnu irresponsable d'un côté et capable de l'autre» résume l'avocat du frère aîné, Me Alexandre Berteigne, au quotidien régional . Mon client ne comprend pas «ce grand écart juridique, même s'il est vrai que la loi ne prévoit pas ce cas de figure. Notre démarche est symbolique, il est choquant qu'il bénéficie de l'héritage de parents qu'il a tués. C'est pour cette raison que nous avons interjeté appel», indique-t-il. Le frère aîné, qui dit être sceptique sur l'issue de cette affaire, s'est en revanche dit d'accord pour que ses neveux touchent leur part héritage

ARTICLE 726 (LOI DU 14 JUILLET I8I9)

(inséré par la Loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 art.I9 J.O du 4-I2-2OO1 en vigueur le Ier Juillet 2OO2)

Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession :

I° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté la mort au défunt ;

2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.



Article 727

Peuvent être déclarés indignes de succéder :

I° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;

2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ;

3° Celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ;

4° Celui qui est condamné pour s’être volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ;

5° Celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits énoncés, une peine criminelle était encourue ;

Peuvent également être déclarés indignes de succéder ceux qui ont commis les actes mentionnés aux I° et 2° et à l’égard desquels , en raison de leur décès, l’action publique n’a pu être exercée ou s’est éteinte.

Article 727-1



La déclaration d’indignité prévue à l’ART 727 est prononcée après l’ouverture de la succession par le tribunal de grande instance à la demande d’un autre héritier. La demande doit être formée dans les 6 mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les 6 mois de cette décision si elle est postérieure au décès.

En l’absence d’héritier, la demande peut être formée par le ministère public.