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Diplômés en mal de débouchés

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Message  livaste Ven 9 Juil - 7:24

Diplômés en mal de débouchés
LE MONDE MAGAZINE | 04.07.10 | 15h06 • Mis à jour le 04.07.10 | 18h16


Envoyée spéciale à Guéret et Dijon


DR

Erwan Madec s'attendait à une carrière paisible d'archéologue dans la fonction publique mais, au fil des ans, il a déchanté : trois ans après l'obtention de son master 2, il jongle toujours avec les petits boulots et les fins de mois difficiles.

"J'ai cinq emplois, soupire- t-il. Je suis à la fois assistant d'éducation dans un internat, surveillant dans une cantine scolaire, professeur d'informatique dans une association, accompagnateur à la scolarité dans une école primaire et intervenant en école ouverte auprès de collégiens et de lycéens. J'ai un niveau bac + 5, je travaille quarante-six heures par semaine et je gagne environ le smic. Cherchez l'erreur…"



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Depuis son enfance, Erwan Madec, 26 ans, a une passion pour l'archéologie. A 12 ans, il participait à des chantiers de fouilles dans des villas gallo-romaines qu'il avait du mal à quitter à la fin de l'été. "En CP, il disait déjà qu'il voulait être paléontologue ! sourit sa mère, Marie-France. Il fallait lui acheter des livres sur les dinosaures, lui faire découvrir la géologie en ramassant des cailloux dans la campagne, lui expliquer la préhistoire, il adorait tout ça."

Après un bac S avec mention, Erwan quitte Guéret (Creuse) pour rejoindre la faculté de Dijon : inscrit en archéologie, il poursuit ses études jusqu'au master.

A l'époque, Erwan ne doute pas un instant de son avenir : ses premiers pas en faculté correspondent au vote, en 2001, de la première loi sur l'"archéologie préventive", qui permet de faire intervenir des archéologues sur les chantiers de construction du TGV ou les terrassements de nouvelles routes. Erwan et ses amis rêvent de rejoindre les directions régionales des affaires culturelles, le CNRS ou l'Institut national de recherche archéologique préventive créé en 2002. "A l'époque, il y avait des débouchés, affirme son père, Philippe. C'était sa passion, on était content pour lui."

A la fin de ses études, le monde du travail se révèle pourtant plus inhospitalier que prévu. Erwan a du mal à dénicher un emploi, ne serait-ce qu'en contrat à durée déterminée. Ses parents continuent à payer le loyer de son studio, mais il lui faut impérativement gagner sa vie : après avoir obtenu son master, il part donc à la recherche de petits boulots alimentaires.

PETITS ARRANGEMENTS ALIMENTAIRES

En 2007, il trouve un mi-temps d'assistant d'éducation dans un collège, l'année suivante, une surveillance de cantine dans une école primaire de Dijon, trois soirées d'accompagnement scolaire et un emploi d'aide aux devoirs auprès de collégiens et de lycéens.

Cette année-là, Erwan affiche trois employeurs, vingt heures de travail par semaine et une rémunération mensuelle de 440 euros… Pour améliorer ses fins de mois, il y ajoute en février 2009 des surveillances d'internat de nuit dans un lycée agricole et des cours d'informatique dans une association. "J'aime beaucoup travailler avec les enfants mais cinq boulots sur cinq sites différents, c'est épuisant. Cela fait beaucoup de trajets et cela m'éloigne de mes qualifications. Le seul avantage, c'est que je gagne un peu mieux ma vie : environ 1 100 euros par mois."

Lorsqu'il songe à l'avenir, Erwan n'est guère rassuré. Il n'imagine pas poursuivre ces petits arrangements alimentaires pendant des années. " Je continue à envoyer des CV pour postuler dans l'archéologie mais je ne trouve rien, explique-t-il. Je fais des fouilles tous les ans, pendant l'été, mais mes études s'éloignent : cela fait maintenant trois ans que j'ai obtenu mon master 2. Les cours, les surveillances, l'aide aux devoirs, ce n'est pas l'usine ou le McDo, mais c'est quand même du provisoire. J'ai un peu l'impression d'être sur une voie de garage."

Les parents d'Erwan, qui ont consenti d'importants sacrifices pour financer les études de leurs enfants, continuent à espérer que leur fils trouvera sa voie dans l'archéologie. " On tenait vraiment à ce que nos trois enfants puissent faire les études supérieures qu'ils souhaitaient, explique Marie-France Madec. Philippe et moi, on n'a pas eu cette chance et on ne voulait pas qu'eux, ils la laissent passer. Du coup, on s'est arrangé pour supprimer les choses qui ne sont pas indispensables : c'est vital d'avoir à manger, pas d'aller au cinéma ou chez le coiffeur."

De 2004 à 2007, entre les loyers, les assurances, l'électricité, le téléphone et les frais de déplacement, les Madec, malgré les bourses, ont dépensé environ 15 000 euros par an pour financer les études de leurs deux aînés, Erwan, qui est à Dijon, et Lenaïc, qui suit des études de chimie.

Depuis qu'Erwan gagne sa vie, le budget s'est un peu allégé : il s'élevait à 13 000 euros en 2007-2008 et 10 600 euros en 2008-2009. Cet effort financier n'a rien d'évident – il absorbe plus du tiers de leur budget – mais les Madec ne regrettent rien. "C'est ce que nous voulions pour nos enfants."

Philippe Madec, qui a commencé à travailler à 16 ans, est agent de catégorie C au sein de l'administration du Trésor à Guéret. "Mes parents, qui étaient restaurateurs à Clichy-la-Garenne, ne m'ont pas poussé, se souvient-il. Ils s'en fichaient un peu : ils avaient tous les deux travaillé de bonne heure, il n'y avait pas de stimulation." Philippe Madec est donc devenu agent au Trésor public de Clichy-la-Garenne. "J'ai pris le premier boulot qui se présentait, j'ai commencé du jour au lendemain", raconte-t-il.

OBJECTIF CDI

Marie-France Madec, qui était contrôleure du Trésor avant de partir à la retraite pour raisons de santé, a grandi dans une famille nombreuse. "Ma mère a été placée à 14 ans car elle était le souffre-douleur de la famille. Elle a eu six enfants avec des hommes qui l'ont tous abandonnée, sauf le père du sixième, qui a fini par l'épouser. Elle a finalement divorcé en raison de son alcoolisme. Elle s'est remariée, mais son deuxième mari était violent. Je n'avais qu'une hâte : aller à l'école, sortir de là et gagner ma vie."

Marie-France est une excellente élève mais sa mère ne veut pas entendre parler d'études supérieures : il faudra l'intervention de ses professeurs pour qu'elle s'inscrive en Maths sup, puis en Maths spé. L'exercice est périlleux : pour financer ses études, Marie-France, qui est boursière, donne dix heures de cours particuliers de maths par semaine et assume une partie des travaux ménagers de son foyer de jeunes filles, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Elle rêve de devenir prof de maths mais, au terme de ses deux années de prépa, elle échoue, épuisée, aux portes des grandes écoles.

Elle s'inscrit alors à plusieurs concours de la fonction publique. "J'ai pris le premier que j'ai eu, celui du Trésor, explique-t-elle. Je me suis dit : je vais enfin sortir de la misère et être en sécurité psychologiquement." Ses enfants ont une tout autre histoire : Erwan est titulaire d'un master 2, Lenaïc est en doctorat de chimie à l'Institut des matériaux de Nantes et Anaël vient d'être accepté à Polytech' Clermont-Ferrand.

"L'informatique est un secteur où l'on trouve plus facilement du travail que dans l'archéologie, mais je sais que ça ne sera pas facile, dit-il. Je ne compte pas forcément sur un CDI dès la fin de mes études. "

Les Madec observent ces difficultés avec une certaine stupéfaction. "Quelle différence avec notre génération ! conclut Marie-France Madec. Philippe et moi, nous n'avions pas de diplômes, mais nous avons eu tout de suite du boulot. Nos enfants, eux, ont fait des études longues mais ils mettront sans doute des années à décrocher un travail stable."
Anne chemin



Ce n'est certes pas un scoop , tout le monde autour de soi connait des diplômés qui galèrent , autant sinon plus que les non diplômés .
J'ai repéré cet article seulement parce qu'il me semble qu'il dépeint ce que devient la classe moyenne ...Celle dont on ne pare jamais , celle qu'ignorent tous les partis ( sauf pour les élections ) .
livaste
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