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Fabius prend le parti...de l'art

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Message  livaste Ven 13 Juin - 9:23

Fabius prend le parti...de l'art
Par Elise Karlin, mis à jour le 12/06/2008 - publié le 12/06/2008

Il aurait voulu être président. Il aurait - aussi - voulu être un artiste. L'ancien Premier ministre reste un amateur, mais il investit dans une célèbre maison d'enchères. Histoire d'une passion de moins en moins cachée.


C'est une femme de profil, un visage presque familier dans sa simplicité. C'est un fusain sur papier gris, quelques ombres frottées, un trait qui estompe et qui appuie - l'expression d'un art dans la douceur du regard. Au bas du coin gauche, la signature de Steinlen. Il y a une tache sur le vélin, comme une trace d'humidité. « Vous voyez, là ? » Laurent Fabius s'approche du dessin, cerne du doigt l'auréole un peu piquée. Pointe d'autres endroits: « Un peu là, aussi, si vous regardez bien... » L'oeuvre vit dans ses défauts. « Je l'ai trouvée à Drouot. Elle m'a coûté 250 euros ! » précise-t-il en souriant, lui qui parle pourtant si rarement d'argent.

Décidément, l'homme est avenant, ce matin de printemps, dans son bureau de l'Assemblée nationale. Pure courtoisie, car il est plus que sceptique: le sujet lui paraît anecdotique, voire anachronique. « Dans la situation économique et sociale qui est la nôtre, je suis sûr que tous les Français se réveillent chaque matin en se demandant quels sont les goûts artistiques de Laurent Fabius... », ironise-t-il en guise de propos liminaire. Certes non. D'ailleurs, pourquoi s'interrogeraient-ils, eux qui croient le connaître depuis bientôt trente ans, sans avoir la moindre idée de ses passions cachées ? Mais, lorsque ces terres intérieures s'égarent au-delà de la sphère privée, avec le rachat de Piasa, quatrième maison d'enchères en France, le « hobby » devient l'amorce d'une autre vie - parallèle, peut-être ; réelle, assurément. Pour Laurent Fabius, l'art n'est pas un passe-temps. C'est une clef de l'âme, la promesse d'un monde meilleur. L'inventaire de ses goûts picturaux importe peu. Seul compte leur rôle dans le cheminement d'un destin.

Le dimanche, au Louvre, avec son père

Aussi loin que remontent ses souvenirs, ils parlent d'art. Le père, André, est antiquaire, propriétaire avec ses frères du magasin parisien Fabius Frères. Jean-Gabriel Fredet raconte, dans Fabius. Les brûlures d'une ambition (Hachette Littératures), comment l'oeil exceptionnel d'André Fabius repéra, un jour, lors d'une vente sans importance, une toile posée à même le sol, qu'il emporta en joutant contre quelques marchands. Nettoyée, expertisée, l'oeuvre, dite depuis « la Madeleine Fabius », se révéla de Georges de La Tour... Villa Scheffer, au domicile parisien des Fabius, c'est un fouillis de tableaux, accrochés au gré de l'inspiration paternelle. Le dimanche, André guide ses enfants, François, Catherine et Laurent, à travers les salles du Louvre. « Adolescent, j'avais ma dose ! » se souvient le cadet de la fratrie. La politique puis Matignon, où il est nommé Premier ministre en 1984, l'éloignent du tropisme familial.

Laurent Fabius y revient à la fin des années 1980, par le biais de l'art contemporain. Il intègre Honoré 91, sorte de « club » créé par l'économiste Jean de Kervasdoué, qui fonctionne sur le principe de la cagnotte : chaque trimestre, une vingtaine de couples versent une somme au pot commun. Un acheteur est désigné pour choisir l'oeuvre d'un artiste vivant - « Je vous rassure, ce n'était pas Balthus... », lâche, pince-sans-rire, l'un des ex-membres - que chacun exposera à tour de rôle et échangera à l'occasion de l'un des dîners annuels. Tous les quatre ans, les oeuvres sont réparties, distribuées en fonction d'une méthode de calcul aussi secrète que compliquée : « L'essentiel n'était pas de récupérer quelque chose qui vous plaise, mais un objet très petit, afin de ne pas avoir à louer un camion pour le transporter, témoigne encore le participant récalcitrant. On écoutait l'artiste nous parler de son oeuvre. En général, nous n'y comprenions rien, tant c'était confus. Mais nous dînions bien et, surtout, nous nous amusions. » « Tout ça m'a ouvert l'esprit », résume, pour sa part, Laurent Fabius, que sa culture et son éducation avaient habitué à un plus grand classicisme.

A cette époque, la politique le sollicite toujours, mais il recommence à chiner. Et, depuis bientôt vingt ans, il écume les salles de vente, les brocantes, les vide-greniers, les foires à tout. Il décortique La Gazette de l'hôtel Drouot. Il fouine, il déniche, il repère, enchanté de trouver ce que les autres ont raté - « J'ai fait une gentille affaire », dit-il parfois aux amis qui s'enquièrent de ses dernières trouvailles. « Il faut voir son oeil s'allumer, raconte Christian Blanckaert, PDG d'Hermès International, proche de Fabius depuis les années de lycée à Janson-de-Sailly (Paris XVIe), lorsqu'il vous montre quelque chose qu'il a nettoyé, ou restauré, ou encadré - quelque chose à quoi il a redonné vie ! » Il n'y a pas si longtemps, cette « seconde chance » qu'offrent aux oeuvres les plus abîmées des mains habiles a conduit Fabius à Versailles, où il a emmené son ami Jérôme Clément, le PDG d'Arte, admirer, au sommet des écha- faudages, l'avancée des travaux de restauration du plafond de la galerie des Glaces.

Un établi dans la cave de sa maison ariégeoise

Laurent Fabius achète. Il offre parfois : à Jérôme Clément, pour un anniversaire, un texte de Victor Hugo sur l'amitié, dédicacé par Hugo à son ami le plus proche. A Claude Bartolone, pour son mariage, un tableau de Hans Hartung aux couleurs fortes, dont Fabius raconte l'histoire devant des convives conquis. « Cette peinture était faite pour aller chez moi », confie Bartolone. Lequel avait juste évoqué ses goûts picturaux avec son camarade avant que celui-ci commence à arpenter les galeries et les ateliers, réfléchisse, hésite, choisisse enfin le cadeau commun. « Il aime autant ces moments qui précèdent l'achat que l'achat lui-même », s'amuse Christian Blanckaert. Ensuite ? Ensuite, l'homme et l'oeuvre tentent de s'apprivoiser. « Je regarde comment je vis avec ce que j'ai acheté, reconnaît Fabius. Parfois, à un emportement positif succède un "plus rien". Alors, je donne. »

Il revend, aussi, lui qui s'est initié à Internet, au début des années 1990, lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, avec la Bourse et le commerce de l'art en ligne. Ou bien encore il fabrique. Sculpteur à ses heures, Laurent Fabius a installé un établi dans la cave de l'une des deux maisons qu'il possède dans l'Ariège : « J'achète de vieux outils, que j'arrange sur des cadres en bois. Je les choisis pour la mémoire qu'ils charrient, pour leur histoire, leur passé, leur beauté aussi, des compas de tonnelier, des rabots, des scies... » « Ce qui est extraordinaire, explique sa belle-soeur, Armelle Fabius, c'est qu'il donne des noms à ses compositions ; ça vous paraît idiot, mais, quand vous regardez, c'est absolument évident ! »

Armelle Fabius, veuve du benjamin de la fratrie, François Fabius, qui fut antiquaire et grand expert, s'occupe du magasin Fabius Frères depuis la mort de son époux. Elle a encouragé Laurent Fabius à exposer sous couvert d'anonymat, mais, à ce jour, l'amateur se laisse voir (presque) uniquement dans le vestibule de l'une de ses résidences ariégeoises, où il a suspendu plusieurs pièces. Avec juste ce qu'il faut de modestie, il écarte sans l'exclure l'idée d'exposer : « Je montrerai lorsque j'aurai le sentiment d'apporter quelque chose ! »



Il est arrivé, dans la vie publique de Laurent Fabius, que la politique mène à l'art. Ainsi, lorsqu'il a présidé le Palais-Bourbon, Fabius a renoué avec la tradition, un temps abandonnée, d'ouverture aux oeuvres contemporaines : à son initiative, Jean-Charles Blais a signé la rénovation de la station de métro Assemblée-Nationale, Pierre Alechinsky a peint la rotonde qui mène à l'hôtel de Lassay, Jean Nouvel et Gérard Garouste ont exposé au coeur de la présidence. Pour autant, l'art peut-il être une alternative à une vie politique dont les horizons restent flous ? Certainement pas, répond l'entourage de Fabius, en rappelant son investissement récent aux côtés des « reconstructeurs » socialistes. L'ancien candidat malheureux à la candidature contre Ségolène Royal, en 2006, confirme que sa prise de participation dans Piasa n'a rien d'une porte dérobée vers une retraite annoncée : « C'est juste une affaire privée, avec quelques amis qui partagent le goût de la chose artistique. »

Par chance, ces « quelques amis » n'ont aucun souci de pouvoir d'achat : l'avocat Jean-Michel Darrois compte parmi les plus onéreux de la place de Paris et Marc Ladreit de Lacharrière est l'un des grands mécènes du Louvre. Louis Schweitzer, Christian Blanckaert, Jérôme Clément, Serge Weinberg - l'invitation au cocktail organisé par les nouveaux actionnaires de Piasa, le 11 juin, a des allures de Bottin mondain ! Fabius lui-même se garde bien de toute précision chiffrée, écartant la question d'un petit geste de la main. C'est lui, cependant, qui a appelé ses amis pour les inciter à participer à l'aventure ; et c'est Serge Weinberg, ex-dirigeant du groupe Pinault, qui s'est occupé du montage financier, une part de cash, une part d'emprunt. Sur une autre planète, au sein du PS, les commentaires sont peu amènes. Surtout après les déclarations de Fabius devant le forum des « reconstructeurs », le 1er juin, qui mettaient en garde contre ce moment « où les trois couleurs de la République reculent devant une seule couleur, la couleur de l'argent »...
L'image du bourgeois fortuné, Laurent Fabius la supporte avec fatalité - depuis le temps... Il assure même, agacé, qu'elle lui « est égale », juge qu'il importe seulement d'« être sincère » pour que survienne, fût-elle fugace, « la chair de poule » devant une oeuvre. Au regard de la brièveté d'une vie, le frisson du plaisir n'a pas de prix.



Je vous laisse quelques commentaires !!!

Commentaires -
augustine - 13/06/2008 10:34:34

Il en a des sous, dites donc, Fabius ! Il est vrai qu'il ne paie pas d'impôt sur la fortune puisqu'il a bien pris soin de faire exonérer les oeuvres d'art. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Qu'importe si les autres sont lésés. L'ISF c'est bon pour le brave et pauvre paysan qui hérite de son père, paysan lui aussi, des terres de l'ile de Ré, pas pour les oeuvres vagabondes que l'on achète ici ou là auprès de ses petits copains fortunés eux aussi. Et ça parle de pouvoir d'achat en baisse, d'injustice sociale, de pauvreté, etc... tu parles !!!!
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JILL - 13/06/2008 09:44:38

Un finaud le Fabius ... Il avait sûrement une idée derrière la tête lorsqu'il a exonéré les oeuvres d'art de l'ISF ... Déjà ,il ne fallait pas gâcher l'affaire de papa ,l'un des plus gros antiquaire de France .
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patrick - 12/06/2008 22:15:02
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Message  Invité Sam 14 Juin - 6:30

Fabius marxiste, on y a tous cru Laughing

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