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Michel Rocard: "Oui à un protectionnisme sectoriel et temporaire"

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Message  Invité Mer 25 Fév - 17:51

Michel Rocard: "Oui à un protectionnisme sectoriel et temporaire"
Propos recueillis par Bernard Poulet et Franck Dedieu - 25/02/2009 16:25:00 - L'Expansion



L'ancien Premier ministre prône la suspension du libre-échange entre pays de niveaux de développement différents et, sous contrôle international, dans les domaines stratégiques.


Ancien Premier ministre (1988-1991), ex-premier secrétaire du Parti socialiste (1993-1994), Michel Rocard a quitté la vie politique active en démissionnant du Parlement européen en janvier, mais il n'a pas abandonné le combat des idées. Il analyse les ressorts profonds de la crise économique et l'aveuglement « criminel » engendré, selon lui, par le monétarisme et les excès du libre-échange.

Pourquoi, face à la crise économique et financière, n'a-t-on rien vu venir, apparemment rien compris, et pourquoi n'a-t-on pas réagi plus tôt ?

Paradoxalement, la datation, pour le prévisionniste économique, c'est ce qu'il y a de plus difficile. Les détenteurs d'un certain savoir sont capables de prévoir des tendances, et même de diagnostiquer celles qui sont porteuses d'un avenir positif ou celles qui sont dangereuses. Mais ils sont généralement incapables de dater leur survenue.

L'industrie de la finance et les profs de maths qui ont mis leur savoir au service des coups boursiers relèvent du crime contre l'humanité !

S'agissant du monde bancaire, on s'est contenté d'une explication facile, d'un alibi : l'immoralité de certains acteurs. Cette réponse a permis de soutenir que le facteur perturbant dans le système économique était extérieur à la doctrine qui le fondait. Il n'est certes pas faux de dire que l'immoralité a joué un rôle : dissimuler des créances pourries parmi d'autres, comme l'ont fait les banques, c'est du vol ; l'industrie de la finance et les professeurs de mathématiques qui ont mis leur savoir au service des coups boursiers relèvent même du crime contre l'humanité ! Mais, en se contentant d'incriminer l'immoralité de certains, en désignant des boucs émissaires, on se dispense de trop regarder l'ensemble des faits.

De plus, dans l'ordre bancaire et financier, et a fortiori dans l'ordre macroéconomique, au-delà de la difficulté à dater les événements, beaucoup de gens ont été prisonniers de tabous, incapables de se libérer de leurs croyances antérieures. Or les « croyants » sont d'autant plus prêts à accepter un diagnostic que les explications avancées ne changent pas leur façon de penser, ni les références dites scientifiques auxquelles ils ont accordé leur foi.

Quels sont donc ces dogmes qui ont aveuglé tant de bons experts ?

Essentiellement l'idée que l'équilibre du marché est optimal. L'invalidité de cette affirmation a été démontrée. Le caractère optimal des marchés est un dogme qui régit la pensée économique depuis le prix Nobel d'économie de Milton Friedman, en 1976, puis la conversion des gouvernements de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, du Japon, du Canada, au début des années 80. Depuis une trentaine d'années, les carrières universitaires, les accès aux grades et aux diplômes, sont validés comme politiquement corrects à partir des concepts du monétarisme.

De cette manière de penser a découlé la non-pertinence de l'intervention publique pour corriger des équilibres de marché : les tenants de ce dogme estimaient que si l'on intervenait pour modifier ces équilibres - même ceux qu'on jugeait socialement insatisfaisants -, on ferait plus de perdants que de gagnants. Il ne fallait donc pas y toucher. Dans les années 80, il y a eu un consensus des experts sur la renonciation à la régulation par l'Etat.

On a un peu l'impression que les jurés du Nobel, en couronnant Paul Krugman l'an dernier, ont voulu se faire pardonner leurs péchés « monétaristes » antérieurs...

Dire cela est trop sévère, car ils ont aussi couronné Amartya Sen en 1998 et Joseph Stiglitz en 2001. Mais il est vrai que quatorze monétaristes avaient été récompensés dans les années précédentes. Les jurés du Nobel ont montré qu'ils avaient eux-mêmes compris les dangers du monétarisme. Ils l'ont manifesté en donnant le prix à Amartya Sen. On peut même dire que le jury des Nobel est le premier organisme international d'importance à avoir opéré cette prise de conscience.

Peut-on parler de faillite du monétarisme et du libéralisme ?


Le mot de monétarisme est insuffisant quand on parle de ce qui a gouverné les pensées dominantes, sinon uniques, depuis une trentaine d'années. Car les dégâts provoqués par ces idées sont encore plus grands dans l'économie réelle que dans la sphère financière..

Ce dogme - qui, pour moi, peut être qualifié de « crime intellectuel » - s'est accompagné de l'usurpation du mot « libéral ». Je suis un libéral. Les fondateurs du libéralisme, les Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill ou Thomas Malthus, considéraient que l'exercice de la liberté, même en économie, exigeait une règle. Pour aucun d'eux la liberté n'était le droit de faire n'importe quoi. Si l'on se réfère aux origines du libéralisme, on sait que les premiers libéraux entendaient préserver les libertés de chacun dans le cadre de lois qui punissaient la délinquance et qui définissaient les conditions dans lesquelles l'exercice absolu de votre liberté nuit à autrui.

Ce qui vient de s'effondrer, c'est un système qui s'est débarrassé de l'usage de la règle au nom du caractère optimal des marchés, donc un système antagonique du libéralisme. En France, la confusion mentale, politique et sémantique a fait prendre l'ultralibéralisme, c'est-à-dire le refus de la règle, pour un libéralisme.



En France, justement, les socialistes se sont ralliés à l'économie de marché sans vraiment l'avouer. Dans la pratique, le PS a beaucoup dérégulé, notamment sous Jospin. Le PS n'est-il pas coresponsable des dérives ?



Le Parti socialiste, dites-vous, n'a jamais su s'adapter à l'économie de marché sur les bases d'une pensée véritablement sociale-démocrate. C'est vrai si l'on regarde la somme algébrique de ses votes lors des congrès. Et il est vrai aussi que de 50 à 60 % des membres de sa direction restaient fidèles à l'économie administrée, fascinés par un modèle qui leur permettrait une réunification avec le Parti communiste. Mais incriminer un gouvernement qui a quitté le pouvoir cinq ans avant l'éclatement de la crise, c'est un peu osé ! N'oublions quand même pas qu'en 1981 la droite nous laissait un rythme d'inflation annuel de 13 %. Sous mon gouvernement, ce rythme est tombé au-dessous de celui de l'Allemagne, en même temps que nous rétablissions l'équilibre des finances publiques. Cela s'est fait sans la validation des congrès du PS, effectivement, mais avec des responsables socialistes - Delors, Bérégovoy, moi-même - qui traitaient sérieusement les affaires économiques. Entre 1981 et 2005, vingt-cinq années partagées entre quinze ans de gouvernement de la gauche et dix ans de gouvernement de la droite, la dette française a beaucoup augmenté. Mais elle a augmenté en moyenne de 1,1 % par an sous les gouvernements de gauche, contre 2 % pour la droite. Et pourquoi se focaliser sur la France alors que tous ces événements sont de dimension internationale ? Si l'on appelle crise le phénomène des subprimes, la titrisation, le freinage du crédit et leurs effets sur une économie affectée par le coût du pétrole, que peut-on trouver comme différences en Europe entre les pays gouvernés par des sociaux-démocrates et les autres ?

Peut-on estimer que la page néolibérale est tournée ?


Je n'en suis pas sûr. Je m'inquiète des rigidités intellectuelles de gens qui s'imaginent qu'il est encore temps de préserver le dogme du marché optimal. Le premier plan Paulson et la lenteur de réaction des Etats-Unis, la toute première réaction timorée d'Angela Merkel, tout cela montre que les tabous peuvent empêcher de se rapprocher assez vite des bonnes solutions pragmatiques. C'est pourtant une condition de notre survie.[/b]

Les mieux à même de réagir sont ceux qui ne sont pas prisonniers de ces tabous. Je ne peux m'empêcher de penser que les bonnes décisions de Gordon Brown et sa contribution essentielle à la déclaration finale du dernier G20 sont aussi le produit des vingt-cinq années pendant lesquelles il a participé aux débats de la social-démocratie. D'ailleurs, le colloque « Nouveau monde, nouveau capitalisme : éthique, développement et régulation », qui a récemment mis à la même tribune Gordon Brown, Tony Blair, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, parlait un langage social-démocrate. Et cela pour des raisons pragmatiques.
[b]
Avec le discours sur la régulation revient un débat sur le protectionnisme. Seriez-vous favorable à des mesures protectionnistes, décidées par exemple à partir de considérations sociales ou environnementales ?


La question de la protection fait partie de ces idées qui ont été massacrées par un excès de symbolique. Je conviens que tout au long de l'histoire le protectionnisme a signifié la mort des pays qui s'y sont voués, qu'il est même porteur de guerre. Je suis un libre-échangiste convaincu, mais je partage aussi l'avis de Maurice Allais (1) : le libre-échange est pertinent entre des pays dont le niveau de développement est comparable. Le monde a fait une folie suicidaire en ouvrant le libre-échange à des pays de niveaux tout à fait différents. L'Afrique illustre tragiquement cette erreur. Elle vit un drame alimentaire, une baisse de l'autosuffisance, et elle doit importer pour manger. La clef pour qu'elle importe moins passe par l'agriculture vivrière. Or celle-ci est détruite par les importations, venues d'Europe et du Brésil notamment. Il faut corriger cela.

De manière pragmatique, il faut reconnaître que certains domaines sont stratégiques et doivent faire l'objet d'un protectionnisme sectoriel et temporaire. Mais, pour que cela marche, la mesure doit être mise sous contrôle international. Il faudra que les pays et leurs responsables deviennent un peu plus intelligents, que l'on puisse, par exemple, parler de ces choses avec les Etats-Unis. Car ceux-ci ne veulent négocier que sur les produits où ils sont en position de force. Ils refusent de discuter du lait ou du sucre, arguant de leur souveraineté nationale. Ils n'acceptent de parler de libre-échange que là où ils sont les plus forts. Il faut que ça change. Le libre-échange généralisé et inconditionnel était probablement une folie démesurée. Les conditions pour en sortir passent par des protections. En sachant qu'une protection permanente est nocive. Il faut donc qu'elle soit sectorielle et temporaire, et placée sous vérification internationale.

(1) Maurice Allais est le seul Nobel d'économie français (1988). Il a dénoncé la politique de libre-échange mondialisé et son encouragement par Bruxelles, à l'origine, selon lui, de l'accroissement du chômage en France et en Europe. Cette thèse est développée dans La Mondialisation. La destruction des emplois et de la croissance, Clément Juglar, 1999.





http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/michel-rocard-oui-a-un-protectionnisme-sectoriel-et-temporaire_175679.html

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Message  Invité Mar 24 Mar - 16:27

Tocsin et rêves de remparts

Un libre-échange inconditionnel est incompatible avec la mondialisation. Mais se protéger sans tomber dans le piège du protectionnisme relève de la gageure.


Avec la peur qui rôde, il reviendrait donc, le temps maudit des remparts, des bastides et des citadelles. Aussi, pour conjurer le sort, nos preux chevaliers du G7, puis du G20, font le serment de guerroyer ensemble contre la crise et de ne pas se claquemurer en leurs donjons. Pour les princes qui nous gouvernent, c'est en effet pitié que d'entendre les appels au secours du bon peuple affolé par les furieux assauts de la récession et du chômage. Emue à son tour par cette détresse, Christine Lagarde - que l'on ne peut soupçonner de vouloir pourfendre le libéralisme - est montée hardiment au créneau de son château de Bercy afin d'expliquer qu'un peu de protectionnisme pouvait être « un mal nécessaire ».

N'en déplaise aux bien-pensants et aux eurocrates zélotes de l'orthodoxie bruxelloise, il faut reconnaître avec notre ministre de l'Economie que, à l'heure de la mondialisation et de la financiarisation débridées, un libre-échange inconditionnel relève de l'utopie. « Mon devoir, c'est de protéger les Français », répétait Nicolas Sarkozy lors de sa récente intervention télévisée.

Protéger leurs compatriotes sur le plan social dans une conjoncture périlleuse, sans tomber dans le piège mortel du protectionnisme et du repli identitaire, c'est la gageure à laquelle tous les dirigeants de la planète sont confrontés aujourd'hui. Car, en même temps qu'ils sonnent le tocsin pour mettre leurs travailleurs et leurs industries à l'abri, tous, de Barack Obama à Angela Merkel en passant par Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, s'accordent à reconnaître que l'édification de nouvelles barrières commerciales serait un « danger » et une « réponse totalement inadaptée à la crise ».

Ces discours apparemment contradictoires traduisent la complexité du contexte créé par la globalisation. Comme Michel Rocard le martèle dans l'entretien qu'il nous a accordé (lire page 122), « le monde a fait une folie suicidaire en ouvrant le libre-échange à des pays de niveaux de développement tout à fait différents ». Et l'ancien Premier ministre socialiste de préconiser « un protectionnisme sectoriel et temporaire » sous contrôle international.

En dépit des cris d'orfraie de la présidence tchèque des Vingt-Sept après l'annonce du plan de soutien français au secteur automobile, tant que la politique ne s'exercera pas au niveau mondial, tant que l'Union européenne ne parviendra pas à coordonner les stratégies économiques de ses membres et à fluidifier les échanges intracommunautaires, les gouvernements n'auront d'autre choix que d'agir ponctuellement au niveau national pour protéger leurs entreprises et les emplois, et pour garder la confiance de leurs électeurs. Tels ces chevaliers du Moyen Age qui préféraient supporter l'inconfort d'une pesante armure plutôt que de s'exposer à un coup fatal.

http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/tocsin-et-reves-de-remparts_175419.html

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Message  Invité Mar 31 Mar - 8:33

Ce dogme - qui, pour moi, peut être qualifié de « crime intellectuel » - s'est accompagné de l'usurpation du mot « libéral ». Je suis un libéral. Les fondateurs du libéralisme, les Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill ou Thomas Malthus, considéraient que l'exercice de la liberté, même en économie, exigeait une règle. Pour aucun d'eux la liberté n'était le droit de faire n'importe quoi. Si l'on se réfère aux origines du libéralisme, on sait que les premiers libéraux entendaient préserver les libertés de chacun dans le cadre de lois qui punissaient la délinquance et qui définissaient les conditions dans lesquelles l'exercice absolu de votre liberté nuit à autrui.

Théoriquement, il a raison là-dessus mais théoriquement seulement. Pratiquement comme tous les politiques ralliés à l'euro-mondialisme. Le ps a cautionné la dérèglementation financière de 1976 à 1984, facilité les crédits révolving, voté pour les accords de Shengen, pour le traité de Marrakech, cautionné l'approche orthodoxo-simpliste de la BCE,... et rien proposer depuis 30 ans pour réguler l'immigration, le dumping social et fiscal et surtout réguler la sphère monétaire. On pourrait faire le détail de tout cela.

L'ultra-libéralisme ne tombe pas du ciel et le hazard n'explique pas le sens que l'histoire pas plus qu'un déterminisme de classe ou autre. Il s'agit d'un ensemble de choix pris par nos politiques plus ou moins contraint. M. Rocard fait partie de ceux qui ont installer l'ultra-libéralisme en France et dans le monde. On espère tous qu'il réussira mieux sa mission avec les pingouins que sa mission de premier ministre. Mettre des règles à un système, c'est le rôle du politique. M. Rocard n'a rien fait en ce sens voir pire, il a encouragé fortement comme son alter-égo Jacques Delors, la dérégulation totale.

bien à vous,

saco

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