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Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971"

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Message  livaste Mer 22 Oct - 18:31

Michel Rocard, ancien premier ministre
Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971"
LE TEMPS.CH | 22.10.08 | 17h41 •


Au-delà des crédits immobiliers subprimes, on a le sentiment que la crise financière remonte à plus loin... Quelle est votre explication ?

Il y a un consensus presque absolu sur les causes techniques de la crise actuelle. Les banques américaines ont caché les crédits immobiliers douteux dans des packages contenant 15 à 20 % d'actifs douteux, camouflés dans des avoirs sains, qu'on a ensuite vendus comme des actifs financiers uniques. Aujourd'hui, aucune banque n'est en état de mesurer son degré d'incertitude, et encore moins celui du voisin.

Je suis convaincu qu'il faut remonter au décrochage du dollar et de l'or en 1971. Il a entraîné un manque de repères fixes qui a poussé le monde financier à inventer de plus en plus de mécanismes pour se prémunir contre les aléas de change. Ils sont regroupés sous le nom de produits dérivés. Petit à petit, le taux d'incertitude de ces produits est devenu trop grand et on a eu un effet de bulle...

Pardon, vous suggérez de revenir à l'étalon or ?

On ne peut pas ! Malheureusement, c'est le passé. On ne sortira pas des difficultés actuelles sans trouver quelque chose de nouveau. De 1945 à 1975, dans tous les Etats développés, le capitalisme avait une croissance de 5 % par an, il ne connaissait jamais de crise financière et tout le monde était en plein emploi. Nous sommes maintenant dans un capitalisme qui s'essouffle pour atteindre la moitié de cette croissance, sans y parvenir, qui connaît une crise financière gravissime tous les quatre ou cinq ans, et où tous les pays ont un quart de leur population fragilisée devant le travail. Ma question est : peut-on rafistoler le système bancaire sans remédier à cette anémie générale de l'économie physique ?

Pourquoi le capitalisme s'est-il essoufflé ?


L'équilibre entre partenaires du jeu économique a changé. C'est le résultat de deux siècles d'histoire du capitalisme. Quand il est né – dans les années 1810-1840 – on s'est aperçu que le système était cruel et injuste. Assez vite naît une riposte du monde du travail, qui prend la forme des coopératives, des mutuelles, des syndicats, du mouvement socialiste. Leur souci est de se débarrasser du capitalisme. Mais le capitalisme a gagné. Sous la pression ouvrière, mais pas seulement, son efficacité prodigieuse a été mise au service de la lutte contre la cruauté sociale.

Le système est ainsi fait qu'il est instable. C'est même sa caractéristique principale. La crise des années 1929-1932, et la guerre qui a suivi, a rallié les cervelles à l'idée qu'il fallait le stabiliser. L'accord s'est fait dans le monde sur trois stabilisateurs. Le premier, c'est la sécurité sociale. L'Anglais Beveridge a théorisé qu'en faisant des retraites, de l'assurance chômage, de l'assurance maladie, des prestations familiales, on contribuait à stabiliser le système. Le deuxième régulateur, c'est celui de Keynes : au lieu de gérer les budgets et la monnaie sur la base de comptes nationaux, il faut les utiliser pour amortir les chocs extérieurs. Cette idée explique l'absence de crise pendant les trente années qui suivent. Le troisième régulateur, le plus ancien, c'est celui d'Henry Ford, et il tient en une phrase : "Je paie mes salariés pour qu'ils achètent mes voitures." Mis ensemble, à la fin de la Second Guerre mondiale, ces trois stabilisateurs vont donner le compromis social-démocrate, qui a duré trente ans.

Mais ce compromis a été abandonné depuis longtemps...

Les actionnaires ont fini par considérer qu'ils étaient mal traités. Ils ne venaient pas aux assemblées générales – on en rigolait, d'ailleurs. Ça a changé quand se sont créés les fonds de pension qui regroupent des milliers, des millions d'actionnaires. Ils ont envahi toutes les assemblées, en se moquant des problèmes internes de l'entreprise, et en disant "je veux plus". Dans la foulée se créent les fonds d'investissement, plus petits mais beaucoup plus incisifs, et les fonds d'arbitrage, les hedge funds.

Ces fonds ont créé une vaste pression sur les managers. Ils disaient : "Si vous ne payez pas plus, on vous vire." Puis il y a eu un mouvement plus puissant encore, celui des OPA. Celui qui ne distribue pas assez à ses actionnaires devient "opéable". Il en a résulté une externalisation formidable de la main-d'œuvre, qui a rendu précaire un quart de nos populations. Au final, cela donne une économie fatiguée, minée par la méfiance, où l'idée de fidélité à l'entreprise commence à disparaître et où la croissance ralentit.

Y a-t-il des moyens d'en sortir ?


Tout commence par la prise de conscience et le diagnostic. Ce diagnostic doit être scientifique et internationalement partagé. Aussi longtemps que les chefs d'entreprises productives se laisseront intoxiquer par la propagande bancaire, alors que leurs intérêts sont souvent antagonistes, aussi longtemps que les médias nieront le diagnostic, il n'y aura pas de remède.

Le repli national, c'est l'assurance déclin, l'assurance récession, parce que nos économies sont interdépendantes. L'économie administrée, on sait bien que ça ne marche pas. Interdire les produits dérivés, à mon avis ce n'est pas possible, car ils font fonctionner le système. Donc il faut une longue réflexion, qui doit comprendre un aspect éthique. La confiance ne peut pas revenir quand le PDG ou le banquier, qui gagnait 40 fois plus que ses salariés pendant les deux premiers siècles de capitalisme, gagne 350 à 500 fois plus. Il faut reconnaître que le moteur de la croissance, c'est la consommation des ménages. Cela implique le retour de la masse salariale à un niveau plus élevé : en moyenne, sa part dans le PIB a perdu 10 % en vingt-cinq ou trente ans.

Il faudra aussi fournir un élément scientifique pour condamner l'espoir d'une rentabilité à 15 %, alors que le PIB croît de 2 % par an. Cet objectif de 15 % est un objectif de guerre civile. Or, il a été formulé par les professionnels de l'épargne et personne n'a rien dit. Aujourd'hui, si on ne trouve pas d'inflexion, on est dans le mur. Le déclin du Bas-Empire romain a commencé comme ça...

Comment jugez-vous l'action de l'Europe dans cette crise ?

Elle a fait preuve d'une inventivité inhabituelle. Mais ce ne sont pas les institutions européennes qui ont fonctionné. La Commission se tait. Le Conseil des ministres n'a pas été sollicité. Un type talentueux, qui s'appelle Nicolas Sarkozy, a exploité la convergence des volontés de quelques grands Etats européens. La zone euro nous a protégés. Sans l'euro la crise serait infiniment plus grave. Elle a trouvé un bon conseiller en la personne de Gordon Brown, avec son invention géniale de garantie publique aux prêts interbancaires.

A ce propos, je viens d'apprendre une nouvelle délicieuse : le principal conseiller financier de Gordon Brown serait Alan Greenspan [ancien président de la Réserve fédérale américaine]. Or, c'est le surcroît de liquidités qu'il a créé qui a permis aux banques de prendre tous ces risques. Il y a de quoi sourire.

Vous êtes encore plus sévère envers l'économiste ultralibéral Milton Friedman...

Friedman a créé cette crise ! Il est mort, et vraiment, c'est dommage. Je le verrais bien être traduit devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. Avec son idée que le fonctionnement des marchés est parfait, il a laissé toute l'avidité, la voracité humaine s'exprimer librement.

Propos recueillis par Sylvain Besson (Le Temps.ch)


Analyse de la crise , par Rocard .
J'aime beaucoup son appréciation sur Friedman !!
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Message  Invité Mer 22 Oct - 19:16

On le comprend mieux quand il écrit Laughing
Très bon papier.

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Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971" Empty Re: Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971"

Message  livaste Mer 22 Oct - 19:21

c'est quand même un type intelligent et ouvert , mais il est vrai qu'il est pénible à écouter . Razz
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Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971" Empty Re: Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971"

Message  zongo Lun 27 Oct - 21:33

Hier soir j'écoutais un cours d'Onfray et il datait lui aussi le commencement de nos emmerdes à l'après 68. Mais pas du tout pour les mêmes raisons. Son point de vue est assez complémentaire de celui de Rocard, et on pourrait même en imaginer d'autres, tels que le noyautage de l'enseignement de l'économie aux USA par les néo-libéraux.

La fin des années 60 a été marquée dans le monde par une vague de contestation et nombre de ces contestataires se sont retrouvés par la suite être des chefs d'entreprises sans scrupules qui ont fait voler en éclat le capitalisme paternaliste "de papa". D'un côté on a eu des gens qui sont restés fidèles aux idéaux gauchos de leur jeunesse et d'autres se sont très vite mués en vrais faucons libéraux sans foi ni loi. Les exemples sont multiples, de Denis Kesler, ex N°2 du Medef à Steve Jobs d'Apple en passant par Serge July ou les faucons néo-cons pour la plupart issus des mouvances gauchistes. Et je vous passe les Glucksmann, BHL et consorts Wink

D'après Onfray cela fait partie des héritages de ce mouvement d'émancipation générale de la jeunesse à la fin des années 60. Au bout d'un moment il s'est posé un vrai problème de légitimité dans la société paternaliste, quand les gens ont commencé à dire à leur patron, à leurs parents, à leurs supérieurs quels qu'ils soient : "non mais pour qui tu te prends pour me parler comme ça (petit scarabée) ?". Et ça, ça a mené au meilleur (l'émancipation des femmes en particulier) comme au pire dans le néo-libéralisme sans complexe qui nous a mené dans la situation que nous connaissons actuellement.

NB : Avez-vous eu l'occasion de discuter avec un néo-libéral depuis la crise ? J'en ai encore vu un hier soir sur un forum dont je tairais le nom (Wink) qui avait le culot de continuer à vendre sa soupe. Le mec disait en substance que si on était en crise c'est parce qu'il n'y a pas encore assez de libéralisme et de dérégulation. Le remède au mal libéral se trouve dans la surdose de libéralisme...
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Message  livaste Lun 27 Oct - 21:54

Cette analyse d'Onfray se tient aussi .
Et il en est certainement d'autres possible , mais peut être est ce aussi un ensemble de causes qui nous a fichu dans ce marasme . tout comme lorsqu'il y a accident , il y a plusieurs causes qui ont amené au point A de l'accident !

On n'a pas eu la chance de discuter avec un ultra depuis le début de la crise , mais je ne m'étonne pas de ses arguments , il fallait mêm s'y attendre , et j'ai bien peur que ce soit l'argument tenu par bien des politiciens américains !
Pour ces gens , inconscients , qu'importe la crise et les dégats sur la quasi totalité des hommes , ils pensent en tirer profit , ce qui est , tu le penses bien , le principal !
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Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971" Empty Re: Michel Rocard : "La crise actuelle est née en 1971"

Message  zongo Lun 27 Oct - 22:10

Oui bien sûr c'est un faisceau de causes qui créent ces effets dévastateurs. Tel que je vois le tableau : On a d'une part Nixon, puis Reagan et Thatcher qui dérégulent à gogo tout ce qui peut l'être. Et de l'autre des petits jeunes aux dents longues qui ne sont pas étouffés par les scrupules. Et puis sans cesse en sous-main les économistes de l'école de Chicago qui font des ravages partout où ils le peuvent dans les cercles d'influences. La fameuse "loi" TINA : "There Is No Alternative".

Il serait aussi temps de profiter de cette crise pour faire une étude sérieuse portant sur l'impact de l'exercice du pouvoir sur le cerveau. J'ai l'impression qu'il y a un paquet de malade mentaux dans les hautes sphères financières. Pas des psychopathes nécessairement mabouls, mais beaucoup de gens avec des problèmes relationnels évidents. L'absence d'empathie aussi est assez inquiétante.
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