Sarah Palin n'exclut pas une guerre contre la Russie

Sarah Palin a participé jeudi à une cérémonie militaire près de Fairbanks, en Alaska, pour le départ en Irak de la brigade de son fils Track. (AP)
Sarah Palin, la colistière du candidat républicain John McCain a accordé sa première grande interview télévisée. Elle se dit «prête à être présidente», si nécessaire.

La trêve entre John McCain et Barack Obama pour l'anniversaire du 11 Septembre n'était pas le seul événement politique du jour. Jeudi a aussi été marqué par la diffusion de la première grande interview télévisée de la colistière du candidat républicain, Sarah Palin, sur la chaîne américaine ABC.

Assises en tailleur noir et marron, jambes croisées et cheveux relâchés, la gouverneure de l'Alaska a tout d'abord balayé les critiques sur ses aptitudes à devenir numéro 2 de la Maison-Blanche, et éventuellement présidente des Etats-Unis. «Je suis prête», a-t-elle répondu au journaliste vedette d'ABC, Charlie Gibson, dans un entretien enregistré quelques jours plus tôt à Fairbanks, en Alaska. «Je n'ai pas hésité (à accepter le poste, ndlr), parce ce que j'ai confiance dans le fait que je suis prête». (Voir la vidéo)

Sarah Palin, critiquée pour son manque d'expérience en matière de politique étrangère, a prôné la fermeté vis-à-vis de la Russie, n'excluant pas la possibilité d'une guerre en cas d'agression sur un membre de l'Otan.

Interrogée sur le fait de savoir si les Etats-Unis devaient essayer de «restaurer la souveraineté géorgienne», elle a répondu : «Nous devons garder un œil sur la Russie. Car le fait que les Russes aient envahi un petit pays démocratique, sans provocation, est inacceptable».


«Les droits aliénables, un don de Dieu»

La candidate à la vice-présidente, désignée le 29 août par John McCain, a appelé à l'entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'Otan. Elle n'exclut pas d'entrer en guerre si l'un des deux pays est la cible d'une invasion russe. «Peut-être. C'est la règle lorsque vous êtes un membre de l'Otan, a-t-elle affirmé. Si un autre pays est attaqué, vous devez vous attendre à être appelé pour aider (…) Nous ne pouvons pas répéter la guerre froide».

Pour Sarah Palin, il faut «mettre la pression sur l'Iran». Les armes nucléaires entre les mains du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad «sont extrêmement dangereuses pour tout le monde sur la planète», a-t-elle martelé.

Quant à la légitimité pour les Etats-Unis de frapper des terroristes de l'autre côté de la frontière afghane, au Pakistan, Sarah Palin a estimé qu'il fallait «faire tout ce qui est en notre pouvoir, et ne pas ciller (…) pour stopper les extrémistes islamistes, ces terroristes qui chercheraient à détruire l'Amérique, et nos alliés.»

Interrogée sur ses récentes déclarations, selon lesquelles les soldats américains en Irak, dont son fils va bientôt faire partie, étaient envoyés en mission pour Dieu, la mère de famille a répondu : «Je pense qu'il y a un grand espoir et un grand potentiel pour que chaque pays puisse vivre et être protégé avec des droits inaliénables dont je pense qu'ils sont un don de Dieu... et je pense que ces droits sont les droits à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur», a-t-elle dit.

Jeudi, Sarah Palin a justement participé à la cérémonie organisée pour le départ de son fils Track, engagé dans l'armée l'an dernier, à 18 ans. Cérémonie au cours de laquelle elle a qualifié la guerre en Irak de «cause juste».

Dans les salles d'attente, dans les bureaux, les femmes ne parlent que d'elle : ses lunettes sans armature, sa coiffure relevée. Barack Obama s'est plaint, sur un mode ironique, d'avoir été chassé des couvertures de magazines. "Aucun doute", a-t-il dit, Sarah Palin est "un phénomène".


L'effet "hockey mom" (mère qui accompagne ses enfants au hockey) peut-il tenir jusqu'à l'élection présidentielle, dans deux mois ? La question agite les milieux politiques américains. Certains élus républicains le croient et ne cachent pas leur jubilation. Le stratège de John McCain, Steve Schmidt, a délaissé le candidat à la présidence pour voyager avec Mme Palin et protéger autant que préparer la nouvelle star du parti. Après avoir rempli les salles, "Sarah" va commencer les tournées de collecte de fonds.

Les démocrates, inquiets, espèrent que la candidate à la vice-présidence va faire une gaffe qui va révéler son manque d'expérience. M. Obama, qui reste en tête dans la plupart des Etats stratégiques, à l'exception de la Floride, a l'air de vouloir laisser passer l'orage, mais les commentateurs lui reprochent un manque de pugnacité. Dans un Etat comme l'Ohio, les "femmes blanches" peuvent faire basculer l'élection. Joe Biden, le colistier de M. Obama, fidèle à sa réputation, accumule les gaffes. Il a été surpris à déclarer qu'Hillary Clinton, "très franchement, aurait pu être un meilleur choix" que lui pour la vice-présidence.

Dans ce contexte, la première interview de Sarah Palin depuis sa nomination était très attendue. Recueilli jeudi 11septembre par la chaîne ABC News à Fairbanks, en Alaska, où la gouverneure s'est adressée à une brigade de 4 000 soldats – dont son fils Track, 19 ans – en partance pour l'Irak, l'entretien a surtout montré qu'elle s'était beaucoup préparée et avait ingurgité, autant que possible, les positions de John McCain (sur les forages pétroliers dans le refuge de l'Arctique en Alaska, elle reste en désaccord avec lui).

Son ton est si peu diplomatique que ses déclarations, classiques de la campagne républicaine, ont inspiré un début de polémique parce qu'elle avait employé le mot "guerre" (au cas où la Géorgie serait membre de l'OTAN et attaquée par la Russie). Elle n'a pas paru très à l'aise sur l'éventualité d'une attaque israélienne contre les sites nucléaires iraniens, se bornant à redire plusieurs fois, dans des termes identiques, qu'il n'était pas question de "mettre en doute" les agissements des Israéliens, s'agissant de leur sécurité.

Le présentateur Charles Gibson ne lui a rien épargné. Connaissait-elle des dirigeants étrangers? Non. Est-elle allée à l'étranger? Au Canada, au Mexique, a-t-elle dit, et au Koweït, pour rendre visite aux soldats américains, et en Allemagne, "un voyage qui a changé ma vie". Quand il a demandé plusieurs fois son avis sur l'autorisation de frapper des sites au Pakistan sans prévenir Islamabad, elle a répondu dans ce que le journaliste a appelé avec agacement "un blizzard de mots", manquant de précision. Il a tout de même réussi à la déstabiliser quand il lui a demandé tout à trac : "Que pensez-vous de la doctrine Bush ?" Un silence a suivi puis Mme Palin a dit, sur un ton enjoué : "Dans quel sens, Charlie ?" Sarah Palin a paru plus à l'aise lorsqu'elle a défendu ses propos précédents sur Dieu et la "mission" en Irak. Elle n'avait fait que reprendre une citation de Lincoln. "Je ne prétendrais jamais connaître la volonté de Dieu ou parler les mots de Dieu, a-t-elle précisé. Mais ce qu'a dit Abraham Lincoln et ce que j'ai repris c'est : ne prions pas pour que Dieu soit de notre côté dans une guerre ou tout autre moment. Prions pour que nous soyons du côté de Dieu." Charles Gibson lui a demandé de regarder les téléspectateurs dans les yeux et de dire si elle se sentait suffisamment qualifiée. Elle n'a pas cillé. "Je suis prête", a-t-elle assuré.