Sport La tentation communautaire

Repli et activisme identitaires menacent certains clubs. Un rapport de la Licra, dont L'Express dévoile le contenu, trahit l'inquiétude de nombreuses communes.
Le communautarisme gagne du terrain dans le sport. La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) conclut au « net renforcement » de cette tendance dans un rapport dont L'Express révèle ici le contenu.

Pour la quatrième année d'affilée, l'organisation a enquêté sur les « dérives racistes dans le sport » en sollicitant 589 communes françaises. 152 d'entre elles, dont la Licra s'est engagée à taire les noms si elles le souhaitent, ont répondu aux questions. Résultat : un tableau d'ensemble plutôt préoccupant, surtout en ce qui concerne le « repli communautaire ». 40 % des communes assurent en effet avoir constaté soit son augmentation, soit une confirmation du phénomène, depuis un an.

Quand le football dérive
Dans son enquête, la Licra donne des précisions sur les sports touchés par ce qu'elle appelle des « tensions communautaires ». 50 % des communes qui signalent une « augmentation » du phénomène citent le football. Le futsal (football en salle), très en vogue dans les quartiers sensibles, est également évoqué (15 %), de même que les sports de combat (20 %), le handball (10 %) et le basket-ball (5 %).
Comme l'écrivent les auteurs du rapport, le phénomène a « toujours existé ». En football, par exemple (lire ci-contre), le pays compte des centaines de clubs créés par et pour des immigrés, qu'ils soient portugais, turcs ou encore algériens. La grande majorité ne pose aucun problème. Mais d'autres s'inscrivent dans une stratégie plus radicale, un « entre-soi sportif » qui cache, parfois, des motivations politiques ou religieuses. « Les instances fédérales et les collectivités font preuve d'une véritable vigilance à ce sujet », se réjouit la Licra.

Il n'empêche que les élus s'inquiètent. Même ceux de départements réputés paisibles. « Le repli communautaire est très présent, ce qui est un frein au développement de certains clubs et pose problème à la collectivité », fait savoir une commune de Dordogne.

Un tournoi féminin interdit aux hommes

A Lons-le-Saunier (Jura), le responsable du service des sports, Patrick Roy, est confronté à l'émergence de groupes de jeunes qui « squattent » les gymnases et se rassemblent de plus en plus en fonction de leurs origines. « Les Turcs refusent de jouer au foot avec les Marocains et inversement, explique-t-il à L'Express. Nous n'avons pas constaté de récupération politique ou religieuse, mais l'agressivité dont certains font preuve va nous obliger à intervenir avec fermeté. »

La Licra avait déjà pointé cette évolution dans ses enquêtes précédentes.
En 2005, elle avait évoqué l'activisme d'intégristes musulmans auprès des sportifs des cités. En 2006, un maire du Rhône avait indiqué s'être opposé à la création d'un « club à caractère ethnique ». D'autres élus, notamment dans le Var, s'étaient élevés contre les « prières dans les vestiaires ». En 2007, une commune du Pas-de-Calais avait souligné le « rôle prépondérant des imams intégristes sur les terrains de quartier ». Plus récemment, en juin, la mairie de Vigneux-sur-Seine (Essonne) a annulé au dernier moment un tournoi féminin de basket-ball « intermosquées », strictement interdit aux hommes.

« Le sujet n'est plus tabou, les communes osent en parler, précise Carine Bloch, présidente de la commission "sport" de la Licra, mais elles sont souvent démunies face à ces phénomènes. Notre enquête prouve leur inquiétude. »