4 chances pour la France sévissent et tuent en Espagne

La police catalane recherche quatre Français accusés d’avoir mortellement poignardé un adolescent le 18 juillet à Lloret de Mar, en Espagne.
Henry de Laguerie | Publié le 02.08.2011, 07h00

Ce drame est une nouvelle illustration de ces actes violents dont souffre de plus en plus la station balnéaire de Lloret de Mar, sur la Costa Brava, située à 50 km au nord de Barcelone. Il est 4 heures du matin le 18 juillet lorsque Andrew, 15 ans, et cinq de ses amis tentent de s’interposer dans une bagarre qui oppose quatre Français.
Bien mal leur en prend : les jeunes touristes, d’origine maghrébine selon les témoins, se retournent contre les adolescents et les passent à tabac. Andrew reçoit un coup de couteau. Né en Espagne de parents britanniques, il meurt quelques instants plus tard à l’hôpital de Blanes.

« Il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment », déplore Jackie Milroy, sa mère, qui s’empresse de servir un des clients du Route 66, un fast-food qu’elle a ouvert avec son mari il y a trois ans, en bord de mer. « Andrew n’était pas un ado à problèmes et il n’avait pas de mauvaise fréquentation », insiste la mère de famille.
Malgré le drame, cette Ecossaise installée en Espagne depuis vingt ans a rapidement rouvert son restaurant. « Ça nous aide à tenir », soupire-t-elle. Devant les clients, elle tente de garder le sourire : « Perdre un enfant, c’est ce qu’il y a de pire. C’est dur, très dur, mais je ne veux pas me laisser aller. Avec mon mari et ma fille, nous devons aller de l’avant. » Carla, 11 ans, la petite sœur d’Andrew, dort sur une banquette de l’établissement . « Elle a encore du mal à réaliser. Heureusement, nous sommes bien entourés. »
Le crime a soulevé une vague d’indignation dans cette station balnéaire qui se veut populaire et familiale. Le lendemain du drame, 300 personnes se sont réunies devant la mairie pour réclamer plus de sécurité et plus de fermeté contre une « minorité de jeunes Français » qui vient ici pour « se défouler et en découdre avec les autres touristes », comme le dit Maria del Mar, propriétaire du bar qui jouxte le lieu du drame. Dans la rue del Torento, là où le crime a été commis, des bougies, des fleurs et des centaines de messages de soutien ont été déposés. « Il y a toujours des bagarres liées à l’alcool, mais je n’ai pas souvenir d’un tel événement », souligne Maria del Mar. Son bar était fermé lorsque l’altercation a eu lieu. « Il s’agit d’un cas isolé, insiste cependant cette Catalane soucieuse de la réputation d’une ville qui ne vit que du tourisme. Lloret de Mar n’est pas une ville dangereuse! »
Pourtant, ce n’est pas la première fois que la ville est endeuillée. En 2005 déjà, un jeune Français de 19 ans avait trouvé la mort à la suite d’une bagarre entre deux bandes rivales.
L’enquête sur le meurtre d’Andrew avance lentement. La police dispose de peu d’éléments. Le juge espagnol a décidé de placer le dossier sous le secret judiciaire. Les amis de la victime ont été entendus en qualité de témoins et les enquêteurs étudient actuellement les vidéos des caméras de surveillance de la ville. « Ceux qui sont responsables de sa mort étaient peut-être déjà en France quelques heures après le drame », se lamente Jackie.

Entre le Colossos, le Zoo ou bien encore le Tropics, l’offre ne manque pas. Pour la jeunesse européenne galvanisée aux cocktails géants, en quête de sensations musicales et corporelles, la rue principale de Lloret de Mar — qui ne désemplit pas de la nuit — est un paradis. Entre deux fast-food, les boîtes de nuit se succèdent à un rythme aussi régulier que les patrouilles des forces de l’ordre.

Quatre Français recherchés après le meurtre d’un ado en Espagne Il est 2h30 et la fête bat son plein dans cette station balnéaire sans charme du nord de Barcelone lorsqu’un véhicule de la police catalane (« Mossos d’Esquadra ») manque justement d’écraser un groupe d’adolescents bruyants qui traverse la route. La tribu proteste. Deux policiers sortent immédiatement de la voiture le regard mauvais. Et distribuent, sans raison ni préavis, deux grandes claques. « C’est normal, réagit pourtant un Catalan. C’est la seule manière de leur faire comprendre qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent. » Le ton est donné.

Lloret de Mar — 40000 habitants l’hiver, 200000 l’été — vit de plus en plus mal son succès touristique et les excès qui vont avec. Mais le mouvement de grogne vise plus particulièrement les jeunes Français. Le meurtre en pleine nuit, le 18 juillet dernier, d’Andrew, un adolescent de 15 ans né dans la station, a cristallisé le ressentiment. Les quatre suspects recherchés sont des touristes français de passage.

A entendre les commerçants de la ville, l’hostilité est encore plus sélective. Particulièrement « décomplexés », les habitants n’hésitent pas à stigmatiser « les Français d’origine immigrée ». Incontestablement, un vent mauvais souffle sur la Costa Brava et le malaise s’est installé. « Il y a des gens indésirables ici », assène sans sourciller Jordi, un patron de bar. « Ils se tiennent mal, ils parlent mal, ils roulent à toute vitesse, mais surtout ils sont agressifs », renchérit le serveur d’une pizzeria. Derrière le comptoir de son bureau de tabac, Marc, plus mesuré, avoue son embarras. « Les touristes français sont de qualité, mais c’est vrai qu’il y a une minorité qui pose problème, explique le vendeur. Ça m’embête de généraliser, mais je dois reconnaître que ce sont souvent les mêmes jeunes. C’est surtout une question d’éducation. »
Bagarres, dégradations, incivilités, les jeunes Français sont donc accusés de tous les maux. « C’est vrai que c’est la tonalité générale actuelle, mais je ne sais pas sur quoi ça repose, tempère Ismaël, qui a ouvert un bar alternatif sur les hauteurs de la ville. Désormais, certains n’ont pas besoin d’avoir bu pour se battre. C’est tout ce qu’on peut dire. »
Sur la plage ensoleillée remplie d’estivants fatigués par la nuit, cette mauvaise réputation s’est propagée. « On a entendu que les Français étaient mal vus. Il paraît qu’on est agressifs et mal polis. Nous, on ne fait rien de mal, mais avec l’alcool, c’est sûr, certains s’énervent. On a failli s’embrouiller avec des Lyonnais », confient quatre potes originaires de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis). « Je comprends un peu mieux pourquoi je subis des regards insistants pas très agréables », ajoute Frédéric, un Marseillais de 28 ans dont les origines mauriciennes ne peuvent échapper à personne.
Depuis le meurtre d’Andrew, qui a suscité une vive émotion, la mairie a demandé un renforcement des patrouilles. Une recommandation parfaitement visible sur le terrain. Entre deux parties de cartes sur le sable, Mike et ses cinq amis d’Epinay-sur-Seine (Seine-saint-Denis) en ont fait l’amère expérience à la sortie d’une soirée francophone. « Ça s’est terminé à 4 heures et on avait encore envie de s’amuser, raconte-t-il. Il devait y avoir une centaine de personnes et on s’est mis à chanter la Marseillaise. C’était tranquille mais les policiers ont débarqué et nous ont séparés à coups de matraques sans prévenir. » Aucun d’entre eux n’a échappé à la bastonnade. Des bleus bien visibles et guère seyants à la plage. « Ça ne nous a pas refroidis, rassurent-ils. On est en vacances et on va continuer à s’amuser. »