Forte mobilisation des agriculteurs dans toute la France

«La mobilisation est là», se rejouissait ce matin Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, alors qu'il se rendait à Rennes où l'attendaient déjà, selon lui entre 2 et 3 000 personnes. Partout en France, les «agriculteurs en colère» ont répondu à l'appel du syndicat pour protester contre la chute des prix de l'ensemble des revenus agricoles. Lait, légumes et fruits, viticulture, viande (bovine et porcine) ou encore céréales : en août, les prix agricoles ont poursuivi leur recul de 2,5 % par rapport à juillet et de 15 % sur un an, selon l'Insee.

Dès 7h30, ce matin, une cinquantaine de céréaliers, venus à l'appel des Jeunes Agriculteurs (JA, une branche de la FNSEA, syndicat majoritaire), ont installé à partir des barrières de chantier et des bottes de paille sur les Champs-Elysées, à hauteur de l'avenue George-V. «Le monde agricole est en train de crever», justifiait Damien Greffin, président des JA d'Ile-de-France, alors que des pneus enflammé, coupaient complètement la circulation sur l'avenue dans les deux sens et perturbant le trafic automobile dans tout le secteur.

Des milliers d'agriculteurs se sont également mobilisés dans les villes de province. A Toulouse, ils ont organisés une opération escargot. 250 tracteurs et engins agricoles, selon les organisateurs, 200 selon la police, convergeaient vendredi vers le centre de la ville, provoquant plus d'une vingtaine de kilomètres de bouchons. «On ne peut plus s'en sortir, ça va mal dans toutes les productions, c'est le ras-le-bol général», confiait alors Joël Escrieut, un agriculteurs de 35 ans.

Venu des quatre départements auvergnats, près de 500 tracteurs ont pris tôt ce matin la direction de Clermont-Ferrand, provoquant la fermeture de l'autoroute A75 (Montpellier-Clermont) dès 7h00 dans le sens sud-nord entre Massiac (Cantal) et Clermont-Ferrand, a indiqué la préfecture du Puy-de-Dôme. Des centaines de tracteurs convergeaient au même moment vers les centre villes de Metz et Colmar, rapporte le correspondant de Libération.

Cette nuit, des agriculteurs de Poitou-Charrentes ont déversé environ 1.000 m3 de terre dans le centre ville de Poitiers, pour protester contre la baisse des revenus et obtenir un plan d'aide d'urgence. «Nous voulons que l'Etat prenne des mesures pour sauver l'agriculture. Il y a bien eu un plan pour les banques et l'automobile», a expliqué Dominique Marchand, président de la FDSEA (fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles). Symboliquement, les agriculteurs venus des quatre départements du Poitou-Charentes sèmeront du maïs et du blé sur cette terre d'un jour.

Tout un symbole. Eux qui disent être fauchés comme les blés ont déposé des bottes de paille devant le Fouquet's, le restaurant où Nicolas Sarkozy avait fêté son élection présidentielle en 2007.

A l'appel de la FNSEA, les agriculteurs ont quitté leurs exploitations ce vendredi pour faire entendre leur détresse face aux difficultés économiques qu'ils traversent, la plus grave crise de ces trente dernières années. Lait, légumes et fruits, viticulture, viande bovine et porcine, céréales: en août, les prix agricoles ont baissé de 2,5% par rapport à juillet et de 15% sur un an, selon l'Insee.

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, premier syndicat agricole, qui attendait au départ 40.000 manifestants, a annoncé en fin de matinée une mobilisation encore plus forte, avec la participation de 52.000 agriculteurs, selon elle.

On était loin du compte à Paris. Une petite cinquantaine de céréaliers, venus à l'appel des Jeunes Agriculteurs (JA, proches de la FNSEA), ont installé à partir de 7h30 des barrières et des bottes de paille sur les Champs-Elysées. Ils ont également enflammé des pneus. Résultat, la circulation de l'avenue n'a pu être rétablie qu'à midi.

«Le monde agricole est en train de crever, a déclaré Damien Greffin, le président des JA d'Ile-de-France, céréalier à la tête d'une exploitation de 150 hectares. Ce qu'on demande, c'est une hausse des prix des matières premières. Actuellement, un kilo de blé se vend 9 centimes, pour un prix de production de 14 centimes. Si ça continue comme ça, on va délocaliser toute l'agriculture et dans dix ans il n'y aura plus un seul agriculteur en France.»

Certains céréaliers ont aussi remis en cause le président de la FNSEA, critiqué pour ne pas avoir soutenu récemment une grève du lait. «Nos collègues de la filière du lait souffrent et on ne les a pas soutenus», a réagi un céréalier, qui a tenu a garder l'anonymat.

Les manifestants parisiens étaient également critiques sur le choix de convoquer les agriculteurs dans la rue à cette période: «En ce moment, nous avons énormément de travail, a déclaré un betteravier. Pas mal de copains qui auraient voulu manifester ne sont pas venus parce qu'ils ne pouvaient pas.»

Des pancartes n'étaient pas tendres avec le président de la FNSEA: «Lemétayer, la PAC (politique agricole commune, ndlr) fout le camp, les adhérents aussi.» En réaction, ce dernier s'est défendu d'avoir voulu faire de cette journée une «séance de rattrapage» pour son syndicat qui avait refusé de soutenir une grève dans le secteur laitier. Cette grève, destinée à obtenir un prix plus élevé du lait, avait été qualifiée «d'aberration» par Jean-Michel Lemétayer.

Une autre manifestation, moins spectaculaire, a eu lieu à partir de 10 heures sur le parvis des Invalides. Une trentaine d'agriculteurs brandissaient des affiches: «Sarkozy, l'agriculture doit-elle payer ce prix?»

«On a de plus en plus de contraintes vétérinaires que les autres pays producteurs n'ont pas. On est en train de nous condamner, dénonçait un éleveur. Si ça continue, en 2012, la France perdra un tiers de ses agriculteurs. Les médias parlent beaucoup de France Télécom, mais chez les agriculteurs aussi il y a beaucoup de suicides.»