Loi anti-tabac - Interdiction de fumer même dans les magazines

Doit-on interdire toute information sur le tabac ? Il semblerait que oui. Le 14 novembre, la cour d'Appel de Paris a condamné deux magazines de cigares dont le magazine, Club cigare, pour ""publicité directe ou indirecte en faveur du tabac".

Une condamnation conforme à la demande de l'association, Droit des non-fumeurs (DNF) qui s'était constituée partie civile et contraire à la décision du tribunal correctionnel de Paris qui avait relaxé Club cigare le 31 janvier 2008. Le magazine, à travers son directeur de la publication Laurent Taieb, a été condamné à verser 5000 euros de dommages et intérêt et 3000 euros de frais de justice à DNF.

En cause, l'édition numéro 37 du magazine Club Cigare, publié au printemps 2007, ou figure en couverture, l'acteur Kad Merad en train de fumer un cigare. Une légende rapportant les propos du comédien "j'aime le cigare à l'apéro" illustre la photographie. A l'intérieur du magazine, une double page est également consacrée à Kad Merad et à son goût pour la marque de cigare "Navarre". D'autres pages du journal consacrées à des marques de cigares ont également été mises en cause.

Publicité ou information ?

Des éléments qui constituent pour la cour d'appel de Paris, "une publicité indirecte en faveur du tabac". L'agencement et la présentation du n° 37 de Club cigare sont jugés "ostentatoire". D'une part, parce que la couverture d'un magazine a pour objectif d'attirer "l'attention du lecteur en ce qu'elle figure en première page" et d'autre part, parce que cette couverture est illustrée par "une image positive, celle d'un acteur connu de cinéma" faisant la promotion du tabac, a justifié la cour d'appel de Paris. Laquelle a également épinglé l'absence, dans le magazine, de tout rappel de danger lié à la consommation de tabac

Pour Maître Frédéric Gras, avocat de Club Cigare, il ne s'agit pas de publicité mais bien d'information. "La couverture du magazine n'est pas un espace publicitaire mais une information rédactionnelle choisie par le journaliste et non par un chef de publicité. C'est excessif, parler du tabac de manière non négative est assimilé à de la publicité. Cette décision de justice est une censure, elle est contraire à la loi Evin". Par ailleurs, justifie l'avocat, cette décision va empêcher des amateurs de cigare de bénéficier d'une revue libre de vente en kiosque.

La loi Evin ne fait aucune distinction

Des arguments réfutés par Maria Alejandra Cardenas de l'association DNF qui souligne au contraire que la loi Evin relative à la publicité en matière du tabac et reprise dans le code de la santé publique, ne fait aucune distinction entre publicité commerciale et information rédactionnelle. "Nous ne sommes ni contre la liberté d'expression ou que chacun puisse se réunir autour de sa passion, ni contre ce type de magazines s'ils respectent les conditions définies par la loi Evin." explique t-elle. Maître Pierre Mairat, avocat de DNF rappelle également que le cigare "renvoie à la puissance, au pouvoir et peut donc être un produit attractif pour une partie de la population".

Un point de vue partagé par la cour d'appel de Paris qui a notamment justifié sa décision en indiquant que la loi Evin sanctionne la finalité d'une action. "En droit, tout acte quel qu' en soit la finalité ayant pour effet de rappeler les produits du tabac en leurs marques constitue une publicité interdite". Par conséquent, la restriction apportée à la liberté d'information est "nécessaire et proportionnée au but légitime de protection de la santé publique", a conclu la cour d'appel de Paris. Quand bien même celle-ci restreint la liberté de la presse.