Kouchner prépare le dialogue avec Obama

Celui qui parle le premier fixe les termes du dialogue. Bernard Kouchner s'est livré à cet exercice délicat, mercredi, lors d'un discours devant la Brookings Institution de Washington. Avant même que Barack Obama ait désigné son équipe de politique étrangère, le chef de la diplomatie française, représentant l'Union européenne, a offert au président élu une «boîte à outils» pour une coopération transatlantique rénovée.

Le ministre s'est empressé de saluer la «nouvelle ère» qui s'ouvre avec la victoire du candidat démocrate à la présidentielle. «Il est le premier, et peut-être le dernier, à avoir une chance de façonner l'ordre du jour international, avec le reste du monde et en particulier l'Europe, dans un esprit de responsabilité partagée», estime M. Kouchner. Obama «est un atout pour l'Europe» parce qu'il «représente le changement, a promis de réengager l'Amérique sur la scène internationale» et parce que «la vague d'espoir» qu'il suscite «équivaut à un vote global» en sa faveur. Mais c'est en rappelant à Washington «les occasions manquées» que le visiteur énumère les défis.

Pour la première fois, une inquiétude fait surface. Alors que Barack Obama a promis d'ouvrir un dialogue avec l'Iran «sans préconditions», Bernard Kouchner se livre à une vigoureuse défense de «l'approche duale» suivie par la troïka européenne (Grande-Bretagne, Allemagne, France) qui, si elle n'a «pas encore réussi», n'a pas non plus «échoué».


«Travailler dès le premier jour»

«Aujourd'hui, poursuit-il, les États-Unis détiennent une carte maîtresse» avec la perspective d'une normalisation : «Selon la façon dont cette carte est jouée, Washington peut aider à sortir de l'impasse ou ruiner l'approche duale, en convaincant le régime iranien de jouer la montre. Le dialogue doit signifier quelque chose.»

Le ministre français a d'autres conseils pour la prochaine Administration. Sur le processus de paix israélo-palestinien, «commencez à travailler dès le premier jour comme s'il ne vous restait que quelques jours de mandat». Vis-à-vis de la Russie, «réaffirmons nos lignes rouges, mais évitons la confrontation», car il n'existe «aucune solution aux problèmes d'aujourd'hui sans elle, encore moins contre elle». Sur l'Irak, il plaide pour «le succès d'une démocratie souveraine et indépendante» en des termes que ne renierait pas George W. Bush. En Afghanistan, il promet que les Européens «resteront aussi longtemps que nécessaire». La main est offerte, mais l'Europe n'est pas encore rassurée.