« L’UIMM livrait des textes clés en main à des sénateurs »

Député communiste des Hauts-de-Seine depuis 2007, Roland Muzeau a été interrogé comme témoin, le 14 mai dernier, par le juge Roger Le Loire en charge de l’enquête sur les millions distribués en liquide par l’UIMM (l’Union des industries et métiers de la métallurgie). Le parlementaire a expliqué sur procès-verbal comment en 2004, alors qu’il était sénateur, il a découvert que des amendements avaient été entièrement rédigés par l’organisation patronale pour modifier la loi de cohésion sociale.

Selon lui ces textes étaient fournis « clés en main ».
De source proche du dossier, on ajoute que sur la base de ce témoignage le magistrat devrait « convoquer dans les prochaines semaines » les parlementaires concernés ainsi que certains de leurs proches collaborateurs afin de vérifier si ces amendements ont donné lieu à d’éventuelles contreparties. L’UIMM a toujours affirmé avoir exercé des opérations de lobbying « transparentes et sans contreparties financières ». Les sénateurs nient également toute malversation et affirment que ces amendements ont été présentés dans la transparence.

La justice enquête sur les relations entre certains sénateurs et l’UIMM, en 2004. Vous êtes à l’origine de la révélation de cette histoire, de quoi s’agit-il ?
Roland Muzeau. L’histoire s’est déroulée en octobre 2004. Nous nous apprêtions à débattre de la loi de cohésion sociale. Un lundi matin, un représentant du patronat s’est présenté devant la commission des Affaires sociales du Sénat pour y être entendu, il s’agissait du président de l’UIMM, Denis Gautier-Sauvagnac. Lors de cette audition, il a remis une liasse de documents. Il s’agissait d’amendements destinés à modifier la loi. Ces textes n’attendaient plus que la signature des sénateurs…

A qui ces amendements ont-ils été remis ? Au rapporteur de la commission.
C’est d’ailleurs à lui que j’ai demandé un exemplaire des documents que lui avait remis Denis Gautier-Sauvagnac car, au départ, je ne savais pas précisément de quoi il était question. A la lecture j’ai découvert qu’il s’agissait d’amendements entièrement prérédigés par l’UIMM. Je tiens à préciser que dans cette histoire le rapporteur n’a joué qu’un rôle de boîte aux lettres.

N’était-ce pas une démarche de lobbying classique de la part de l’organisation patronale, comme peuvent également le faire d’autres structures et en particulier les syndicats ?
Non. Pour deux raisons. Tout d’abord ces amendement étaient fournis « clés en main » par l’UIMM. Et ensuite j’ai pu constater qu’ils ont été repris au mot près par des sénateurs en séance publique. C’est pour cela qu’à l’époque j’ai dénoncé, en plein hémicycle, la manoeuvre… « Il y avait un grand malaise au Sénat »

Que s’est-il passé ?
La plupart des 25 amendements ont été retirés. Quelques-uns ont été adoptés.

Quels étaient les sénateurs qui ont défendu ces amendements ?
La plupart étaient issus du RDSE (NDLR : le Rassemblement démocratique et social européen, un groupe centriste regroupant des sénateurs de différents horizons politiques). Quelques-uns d’entre eux savaient que ces amendements avaient été rédigés par le patronat, d’autres non. Il y avait un grand malaise au Sénat. Gérard Larcher, qui était ministre délégué à l’Emploi et qui défendait le projet de loi du gouvernement, était gêné. A plusieurs reprises il a tenté de proclamer son indépendance vis-à-vis du patronat, du Medef et de l’UIMM.

En avez-vous discuté avec les sénateurs concernés ?
Oui. Je me suis entretenu après coup avec des collègues sénateurs que je connaissais bien. L’un d’entre eux, à qui j’ai mis sous le nez les amendements originaux de l’UIMM, était blême. Il ignorait sincèrement l’origine des textes…

Comment est ce possible ?
Je pense que le juge cherche aussi à le savoir. Il s’agit de déterminer par où sont passés les textes de l’UIMM pour arriver entre les mains de sénateurs…

Le juge Roger Le Loire enquête sur les enveloppes de billets qui auraient été distribuées par Denis Gautier-Sauvagnac. Pensez-vous que ces amendements auraient pu donner lieu à des versements occultes ?
Le magistrat m’a, lui aussi, posé la question. Je reconnais qu’on peut s’interroger. Mais en ce qui me concerne je ne peux prouver que ce que je viens de vous dire et que j’ai raconté au magistrat. Il appartiendra à la justice de dire ce qui s’est réellement passé.

Jean-Claude a écrit:Et avec ça la mère Parisot va nous donner des leçons de civilité !