Peillon évoque la «régression intellectuelle» du PS

Le lieutenant de Ségolène Royal a de nouveau durement critiqué la nouvelle majorité du parti. Réponse du tac au tac de Benoît Hamon, le nouveau porte-parole du PS : «nous, on bosse».

Les jours se suivent et se ressemblent au PS, avec leur lot d'amabilités échangées quotidiennement entre «camarades». Lundi, le premier point presse de Benoît Hamon, qui a hérité du prestigieux poste de porte-parole du parti, a donné l'occasion aux pro et aux anti-Royal d'échanger à nouveau quelques horions.

C'est Vincent Peillon, l'un des proches de la présidente de la région Poitou-Charentes, qui a ouvert le bal. Invité de LCI, il s'est livré une nouvelle fois à une descente en flammes du texte d'orientation proposé par la nouvelle première secrétaire, Martine Aubry. Pour l'eurodéputé, c'est tout simplement «une régression intellectuelle comme on n'en a pas vu depuis des années dans le parti».

Ce texte, qui comporte selon lui «plusieurs fautes d'orthographe dès la première page», continuerait de « critiquer le bushisme» sans tenir compte de l'élection de Barack Obama ou bien oublierait «le thème de l'éducation» pourtant cher aux socialistes.

Mais derrière les critiques de ce texte, Vincent Peillon en veut surtout à la nouvelle majorité du parti, qui fait tout, selon lui, pour empêcher les pro-Royal d'exister. En cause, la décision de Martine Aubry de ne faire qu'un conseil national tous les quinze jours au lieu d'un par semaine. «C'est la seule instance où nous [la minorité pro-Royal, NDLR] pouvons encore siéger», s'insurge l'eurodéputé.

Samedi, Martine Aubry a provoqué la fureur du camp Royal en présentant une direction nationale resserrée, d'où les royalistes sont totalement absents.


«Ambitions personnelles»

Les journalistes c'était l'objectif de l'eurodéputé ont évidemment questionné lors de son premier point presse Benoît Hamon sur ces sorties de Vincent Peillon. Le jeune porte-parole a trouvé une réplique définitive, empruntée au langage du jeu vidéo plus qu'à celui de la politique : «game over», «fin de partie» en français.

Et Hamon de railler ces «trois ou quatre socialistes qui se répandent sur les plateaux de télévision » pendant que «des dizaines de milliers» d'autres vont «sur le terrain».

«Je laisse à ces trois ou quatre le soin de rester sur la périphérie ou à la marge. Nous, on bosse», conclut le jeune porte-parole, qui promet : «Le PS, vous allez voir, sera un peu moins dans le commentaire de sa propre vie et un peu plus à l'extérieur».

Une gageure, alors qu'un nouveau sondage ViaVoice pour Libération donne Dominique Strauss-Kahn toujours candidat socialiste préféré des Français pour la présidentielle, tandis que 63% des Français estiment qu'Aubry comme Royal vont «avant tout privilégier leurs ambitions personnelles» plutôt que de faire avancer le parti.

Comme promis, la rubrique Desintox se met au service des internautes. Sur le forum Desintox que nous avons ouvert hier, Benz nous a suggéré de décrypter la charge de Vincent Peillon contre le texte d'orientation du PS (téléchargeable sur le site du PS). Lundi matin, l'équipe de Ségolène Royal a ouvert le feu sur le document adopté samedi lors du conseil national du PS. Julien Dray l'a qualifié de "nul". Mais c'est Vincent Peillon, sur LCI, qui a tapé le plus fort. "C'est un texte qui ne fait aucune proposition, qui ne s'est même pas aperçu que Barack Obama a été élu et continue de critiquer le bushisme, dès sa première page, alors qu'on faisait manifestation la semaine dernière, oublie le thème de l'éducation. Plusieurs fautes d'orthographes dès la première page, pour un parti de gouvernement, c'est inacceptable!"


Les faits :

Concernant la forme, c'est à dire les fautes d'orthographe, chacun pourra effectivement en relever quelques-unes dans la première page. On trouve ainsi un malheureux : "dans les années qui vienne", ou encore un accord foireux : "les militants nous ont adressés des messages".

Pour ce qui est du fond, et du thème de l'éducation, la formulation de Peillon n'est pas très claire. "C'est un texte, qui dès sa première page, oublie le thème de l'éducation". Vincent Peillon déplore-t-il que l'éducation soit absente de la première page du texte (auquel cas il a raison), ou suggère-t-il que l'éducation est absente tout court (auquel cas il a tort). La page 5 du texte d'orientation consacre un bon paragraphe à l'éducation nationale (défense de la maternelle, remise en cause de la sectorisation des établissements scolaires, lutte contre la paupérisation étudiante).

Concernant la relation aux Etats-Unis, le texte d'orientation ne mentionne effectivement pas l'élection d'Obama ni les espoirs qu'elle a pu susciter. Il appelle l'Europe à "faire entendre une voix forte contre l'unilatéralisme américain et son discours du choc des civilisations, au profit d'un monde multipolaire". La formulation apparaît de fait un peu datée... Ce passage du texte est en fait un copié collé de la motion D, celle de Martine Aubry, rédigée avant l'élection d'Obama.

Enfin, au sujet de l'absence de propositions : l'attaque de Peillon est forcément subjective. D'une part, le texte est assez vague et se revendique comme tel. On y lit : "il s'agit moins d'élaborer un programme complet de législature que de hiérarchiser les choix et les priorités essentielles".

D'autre part, le texte d'orientation est clairement une "mouture" des motions Hamon, Aubry et Delanoë, et ne fait pas écho aux propositions de la motion E de Royal. Les amendements qui ont été suggérés par les royalistes (en partie lisibles ici, sur le blog de Julien Dray) ont ainsi été refusés. On y retrouvait plusieurs points chers à la président de la région Poitou-Charentes : comme la mise en place de cotisation à prix modique, d'une primaire organisée avec toute la gauche pour la désignation d'une candidature unique à la présidentielle, la prévention précoce de la délinquance (un des thèmes de campagne présidentielle 2007 de Royal). Un amendement proposait aussi une (légère) ouverture vers le modem. Le texte d'orientation est rédigé ainsi :

"S’agissant des alliances, nous devons marquer clairement les différences entre la gauche et la droite,
en cohérence avec l’ancrage à gauche de notre politique. Le congrès de Reims en a affirmé majoritairement
la volonté. En affirmant clairement que notre stratégie est celle du rassemblement de la gauche et que nous
refusons toute alliance avec le MODEM qui prône aujourd’hui une politique économique et sociale qui se
situe aux antipodes de nos orientations".

Les royalistes proposaient d'écrire en fin de paragraphe : "nous refusons toute alliance avec le Modem tant que celui-ci continuera à placer la gauche et la droite sur un pied d’égalité".