Les plans d'austérité n'affectent pas les salaires des fonctionnaires européens

Le jugement ne pouvait pas tomber à pire moment... Le jour où le gouvernement irlandais annonce un plan d'économies de 15 milliards d'euros, et alors que le Portugal est paralysé par une grève générale contre l'austérité, la Cour européenne de justice confirme les hausses de salaire des fonctionnaires européens entre juillet 2009 et juin 2010 : +3,7 %. Les syndicats, qui avaient milité jusqu'à faire grève pour cette augmentation, ont de bonnes raisons de se réjouir. Mais jeudi, les porte-parole de la Commission européenne sont dans leurs petits souliers en arrivant dans la salle de presse pour le briefing quotidien : difficile en effet de défendre une telle augmentation dans le climat actuel d'austérité...

Pourtant, les arguments ne manquent pas. La revalorisation est en effet basée sur l'évolution au cours de l'année précédente des salaires des fonctionnaires nationaux de huit pays membres, dont la France, qui représentent 76 % du PIB européen. Or, entre juillet 2008 et juin 2009, ces salaires ont augmenté. Ce qui entraîne une augmentation mathématique des salaires bruts des 46.000 eurocrates, qui s'échelonnent entre 2.600 et 18.000 euros brut. Conformément à ce système en décalage d'un an, la Commission ajoute que la prochaine révision sera beaucoup plus modeste : 0,4 % d'augmentation. Ce qui prend en compte les baisses des salaires nominaux des fonctionnaires dans certains pays, Allemagne et Espagne notamment.

Le cas est juridiquement imparable

En décembre dernier, le Conseil des ministres des 27 États membres avait bien senti que le dossier, juridiquement béton, était politiquement difficile à défendre en pleine période de crise économique et sociale. Il avait donc voulu limiter la hausse à 1,85 %. La Commission était donc allée devant les juges européens, qui ont donné tort aux États. En augmentant au passage leur propre salaire. Le cas est juridiquement imparable. Sauf que le système d'indexation contient une "clause d'exemption". Celle-ci prévoit que l'on puisse déroger à la règle mathématique "en cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constatée à l'intérieur de la Communauté".

Cette clause aurait pu être invoquée, directement par la Commission, ou même à la demande des États qui contestaient l'importance de la hausse et en connaissaient l'existence. Mais ni l'une ni les autres ne l'ont fait. Explication de Michael Mann, porte-parole de la Commission : "La clause existe pour répondre à une crise soudaine et très sévère, et à l'époque on a jugé, sur le critère du pouvoir d'achat des fonctionnaires, qu'on n'en était pas là." En 2009, les comptes publics plongeaient dans le rouge, la croissance était en berne, mais les salaires des fonctionnaires nationaux augmentaient. Ce n'était donc pas la crise, aux yeux des experts de la Commission et des représentants des États membres.