Elisabeth Badinter : "Une mère formidable c'est aussi rare qu'un Mozart !"
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Elisabeth Badinter : "Une mère formidable c'est aussi rare qu'un Mozart !"
'interview du dimanche
Elisabeth Badinter : "Une mère formidable c'est aussi rare qu'un Mozart !"
Paru aujourd'hui, dimanche 21 mars 2010 à 15:00 0 commentaire(s)
J'aime beaucoup cette feme qui ose dire ce que chacune pense au fond de soi .
Elisabeth Badinter : "Une mère formidable c'est aussi rare qu'un Mozart !"
Paru aujourd'hui, dimanche 21 mars 2010 à 15:00 0 commentaire(s)
Propos Recueillis Par Nicole Laffont
Elisabeth Badinter exhorte chaque femme à préserver en choisissant par elle-même, sans subir les pressions médicales et sociales, sa façon d'être maman.
On entre dans l'atelier d'écriture d'Elisabeth Badinter. Un espace clair au sommet d'un immeuble qui contemple les jardins du Luxembourg à Paris. Pull couleur lavande, chaud, doux. Regard turquoise magnétique en parfaite harmonie chromatique avec les formes généreuses d'une « super-nana » bleue signée Niki de Saint-Phalle. Une poitrine bien galbée, un ventre. La sculpture symbolise la femme faite pour engendrer... Partout, des livres, des encyclopédies. Et le téléphone qui n'arrête pas de sonner depuis la sortie du livre.
Avec son dernier ouvrage, « Le Conflit. La femme et la mère », Elisabeth Badinter a mis le feu au lait en poudre. En critiquant non sans arguments chiffrés et pensées incisives le diktat de l'allaitement maternel qui, selon l'auteur, s'inscrit dans une idéologie naturaliste fumeuse du dernier chic. Elisabeth Badinter, taxée par certains et surtout certaines, de féministe réactionnaire alors qu'elle milite depuis toujours pour la libération de la femme, nous a avoué avoir « adoré être enceinte ».
Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Je pouvais prévoir que ce livre mécontenterait certaines personnes qui se présentent comme l'avant-garde de la maternité alors que moi je dis qu'elles sont réactionnaires. Donc je savais qu'il y aurait des polémiques sur ce point. Mais à présent, le livre m'échappe. Les gens en parlent entre eux, c'est devenu leur affaire... Aucun auteur, aucun éditeur ne peut s'attendre à un tel événement. Je pense qu'au fond toutes les femmes sont amenées à prendre position sur les sujets que je traite. « Aurais-je des enfants ou pas ? » et si oui « Quel modèle maternel me semble adéquat ? » Il s'agit d'un choix fondamental dans la vie que l'on défend mordicus une fois qu'on l'a fait. Du coup certaines femmes se sentent attaquées par mon livre (parfois sans l'avoir lu) et réagissent vivement.
Y a-t-il véritablement un conflit entre la femme et la mère ?
Il y a tension entre les intérêts personnels et individualistes d'une femme qui, dans notre société, veut et doit s'épanouir, et la mère actuelle qui a pour obligation d'abandonner le « moi d'abord » pour « l'enfant d'abord ». C'est ainsi depuis toujours. Mais depuis quinze ou vingt ans les devoirs maternels se sont tellement accumulés qu'il devient de plus en plus difficile de concilier le fait d'être mère et le fait d'être soi. Lorsque les femmes de ma génération étaient enceintes, c'était d'une légèreté... On pouvait boire un verre de vin le soir ou fumer une cigarette de temps en temps sans culpabiliser.
Est-ce la société qui a engendré ce conflit ?
Ce conflit a été engendré principalement par la crise économique. Cette crise terrible à rebondissements a permis l'arrivée d'une idéologie nouvelle car il y a eu une profonde désaffection à l'égard du monde du travail. On a remis en question le matérialisme, la consommation... C'est ce qui a permis l'émergence d'une nouvelle idéologie, de valeurs qui prônent un retour à la nature et à « l'authenticité ». Pour certains cela passe par des produits naturels, voire par l'accouchement à domicile...
Vous mettez en cause ce comportement naturaliste. Quelles en sont les dérives ?
On parvenait à maîtriser la douleur. Eh bien j'ai appris que dans les pays scandinaves il est devenu très difficile d'obtenir une péridurale. Ce discours naturaliste n'est pas du tout à l'avantage des femmes ! Bien pire, en France une enquête révèle qu'une femme sur trois accepte son bébé dans son lit pendant très longtemps. ça m'inquiète considérablement et je m'étonne que les psychanalystes soient muets sur ce sujet. Le bébé vit dans le dos de sa mère. Belle façon de contribuer à son autonomie, de l'aider à grandir ! Quant aux couches jetables, même si ça semble dérisoire, elles ont participé à la libération de nos mères. Il faudrait produire des couches biodégradables. Personne ne s'en soucie. Aujourd'hui c'est la nature d'abord, les femmes ensuite. On dit : « Sauvons les arbres » et les femmes n'ont qu'à s'adapter. Pour moi, entre les arbres et les femmes, mon choix est fait différemment.
L'instinct maternel n'existe pas selon vous. Comment la mère en vient-elle à aimer son enfant ? Est-ce un apprentissage une rencontre ?
Oui, c'est une rencontre, rencontre qui n'est pas forcément immédiate. Je pense que l'amour se construit au jour le jour avec un enfant et ne va pas de soi. L'inconscient compte. C'est beaucoup plus lourd que les hormones du maternage ou les valeurs d'une société. On fait connaissance avec son bébé avec des accidents, des problèmes parfois, et cette relation se construit tous les jours. L'amour est un sentiment fragile qui n'a rien d'un instinct. On fait comme si la femme était la femelle du babouin.
Une mère peut-elle ne pas aimer son enfant ?
Une mère peut ne pas aimer ses enfants. On en a des exemples tous les jours. Et il y a énormément de mères inadéquates qui feraient mieux de ne pas avoir d'enfant. Mais comme c'est considéré comme un processus naturel personne ne s'inquiète ou ne s'indigne que des grandes névrosées, des grandes perverses ou de grandes droguées font des enfants et sont totalement incapables de les assumer. Personne n'est reconnaissant aux femmes qui refusent la maternité car elles ne s'en sentent pas capables. Moi, je les trouve infiniment plus responsables. On s'extasie devant ces actrices qui se font photographier le ventre en avant, qui font un bébé pour leur image...
Vous critiquez l'allaitement maternel. Est-ce un processus naturel ou un diktat de la société ?
La société fait incontestablement le forcing. On dit qu'un allaitement long (d'au moins six mois) est protecteur pour le bébé. Mais les enquêtes se suivent et se contredisent. Vient de sortir au Canada (ça me fait hurler de rire !) un travail sans précédent du professeur Michael Kramer. Une étude sur 16 000 enfants en Biélorussie qui montre que ce que l'on raconte depuis vingt-cinq ans, à savoir que l'allaitement protège de l'asthme et des allergies, est faux. Tout le monde sait depuis Plutraque que le lait maternel est adapté aux besoins de l'enfant mais l'allaitement est la décision la plus privée, la plus intime qui soit. Elle appartient à la mère, point à la ligne. Je vois des désastres. On ose faire pression et dire à la jeune accouchée qui ne veut pas allaiter : « Vous ne voulez pas le meilleur pour votre bébé ? »
Quelle mère êtes-vous ?
Je suis comme l'immense majorité des Françaises une mère médiocre. Je ne suis pas du tout la mère idéale et cela fait bien longtemps que j'ai pris conscience que nous autres, mères humaines, nous sommes limitées.
Dans tout mon entourage, je connais UNE femme que je trouve formidable en tant que mère. Une mère qui a un don, qui a trouvé la bonne distance avec ses enfants. C'est aussi rare qu'un Mozart !
Quelle est la bonne distance ?
C'est celle qui est fonction des besoins de l'enfant et qui s'adapte à l'évolution de l'enfant. Ce n'est vraiment pas donné à tout le monde. D'ailleurs les filles sur le divan du psychanalyste disent toujours : « Maman était toujours là » ou « Elle n'était jamais là »...
La maternité n'est-elle pas parfois une façon d'éviter d'affronter la vie professionnelle ?
Certaines pensent que c'est plus facile. En Allemagne on voit que presque 40 % des femmes qui réussissent le mieux leur vie professionnelle n'ont pas d'enfant. Car dans ce pays on estime qu'il faut être mère à 100 %. Il n'y a pas de crèches et le désir d'enfant s'effrite...
Souhaitiez-vous à votre fille de devenir mère ?
Elle est mère et j'en suis ravie. Elle m'a donné des petits enfants C'est vrai, je le lui souhaitais car, bon an mal an, c'est tout de même la grande expérience de ma vie personnelle. Mais si elle n'avait pas voulu avoir d'enfant, je me serais gardée d'exercer la moindre pression.
On vous accuse de faire reculer le féminisme...
Moi, je critique le féminisme naturaliste qui vient des États-Unis. Je suis une féministe héritière de Simone de Beauvoir. Je suis pour le partage des tâches, des fonctions. La maternité est une partie de notre vie. Ce n'est pas toute notre vie.
"La maternité est une partie de notre vie. Ce n'est pas toute notre vie"
J'aime beaucoup cette feme qui ose dire ce que chacune pense au fond de soi .
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