répercussions de la crise

L'un a 10 ans et fait un petit boulot pour son voisin, l'autre en a 16 et travaille dans un restaurant: de plus en plus de jeunes Américains sont obligés de retrousser leurs manches pour aider leurs parents touchés par la crise, au risque de mettre leur scolarité en péril.
"Il travaille pour un voisin. Il gagne 5 dollars de l'heure et se sent fier parce qu'il n'a pas besoin de me demander d'argent", explique Abebi Wolfe, mère au chômage de Demetri, un garçon de 10 ans, en CM2.
Demetri est allé voir récemment le conseiller d'éducation de son école, à Washington, après avoir appris que son père avait à son tour perdu son travail.
"Le conseiller m'a dit que Demetri était venu le voir, le coeur gros, et lui avait dit qu'il voulait trouver un travail pour aider sa famille", dit Mme Wolfe.
Demetri avait tout prévu: il avait repéré un McDonald's, pas trop loin de chez lui, et comptait servir des frites et des hamburgers, sans savoir que la loi américaine le lui interdit
Autre lieu, autre histoire, même contexte: à Pueblo (Colorado, ouest), Nancy, une conseillère d'éducation, a organisé une collecte pour quatre frères et soeurs âgés de 5 à 10 ans, après avoir remarqué qu'ils venaient à l'école fatigués et le ventre vide.
"Leur mère a perdu son travail et les enfants restent éveillés jusqu'à minuit pour l'aider à fabriquer des objets à vendre pour s'acheter de la nourriture", explique Nancy, qui préfère ne pas donner son nom pour protéger les jeunes dont elle s'occupe.
"Il y a tellement d'enfants touchés par la crise économique. C'est scandaleux quand on sait que nous sommes l'un des pays les plus riches du monde", lâche-t-elle, ajoutant que de plus en plus d'enfants profitent des petits déjeuners gratuits de l'école.
Même s'ils n'en saisissent pas forcément toutes les subtilités, les enfants évoluent dans un milieu où la crise est omniprésente: sur internet, dans les journaux, à la télévision... A commencer par leur propre foyer.
"Demetri regarde les infos, il écoute les chiffres sur les pertes d'emplois, sans vraiment comprendre ce que tout ça veut dire", explique Mme Wolfe.
"Ce qu'il comprend, ajoute-t-elle, c'est que deux personnes qu'il aime ont perdu leur travail".
Dans ces circonstances, les enfants peuvent "se sentir d'une certaine manière responsables", quand ils ressentent - et subissent - le stress de leurs parents, avance Wendy Blome, une enseignante spécialisée dans les sciences sociales de l'Université catholique de Washington.
L'angoisse peut alors les conduire à vouloir assumer eux-mêmes des responsabilités incombant normalement aux adultes, comme travailler, poursuit-elle.
Diamond Patterson est l'un de ceux là. Cet adolescent de 16 ans travaille à temps partiel dans un restaurant de la banlieue de Washington.
"L'économie est mal en point, ma mère a des factures à payer et je voulais l'aider autant que je pouvais, même si elle n'arrête pas de me dire que mon seul travail devrait être d'aller à l'école", dit-il.
Pour ces adolescents, le risque est d'abandonner leurs études. Selon une étude du Rennie Center, spécialisé dans les politiques d'éducation, près d'un lycéen sur cinq abandonne sa scolarité en cours de route dans le Massachusetts (nord-est), la plupart du temps en raison de difficulté à la maison.
La crise expose par ailleurs davantage les enfants à la négligence, voire aux maltraitances, observe Mme Blome. "On sait que les négligences et maltraitances d'enfants ont tendance à suivre les niveaux de chômage, remarque-t-elle. Quand l'un monte, l'autre aussi".