Un pont entre l'université et l'entreprise

La création en novembre dernier de la Manu, première agence indépendante pour le développement des liens entre les étudiants et les entreprises, souligne une nouvelle fois une particularité de l'enseignement supérieur français : la dualité persistante entre les « écoles » et les universités. Recrutant sur concours, les premières sont réputées attirer les meilleurs éléments et offrir les meilleurs débouchés à leurs diplômés, notamment en raison des relations étroites qu'elles ont développées depuis des années avec le monde entrepreneurial.

Réalisme et pragmatisme

Sans réelle sélection à l'entrée, les secondes souffrent globalement d'un déficit d'image, une large part des formations qui y sont délivrées étant jugées trop académiques et/ou trop éloignées des besoins des entreprises. Ce jugement hâtif conforte dans bien des esprits, en premier dans celui des parents d'adolescents devant choisir une orientation, l'idée selon laquelle l'université française produirait une majorité de chômeurs. Une idée fausse, qui est au demeurant démentie par l'intérêt que les entreprises portent aux candidats issus des filières universitaires les plus professionnalisées telles que les IUT, IUP, Miage ou encore les IAE (instituts d'administration des entreprises).

En se donnant pour objectif d'assurer aux étudiants des universités les moyens de réussir leur intégration professionnelle, la Manu s'attaque donc à une tâche difficile : faire tomber les préjugés et construire le lien favorisant une meilleure connaissance mutuelle entre l'entreprise et les étudiants des universités. Soutenue par quelques-uns des plus grands groupes nationaux, c'est cependant vers les petites et moyennes entreprises, voire les très petites entreprises, que la Manu semble en premier lieu diriger ses efforts.

C'est, là, faire preuve à la fois de réalisme et de pragmatisme : les petites entreprises constituent, faut-il le rappeler, l'essentiel du tissu entrepreneurial français - un tissu qui a besoin de monter en compétences pour renforcer sa compétitivité et qui va, dans les dix années à venir, devoir recruter beaucoup pour compenser de nombreux départs en retraite.

La Manu est une initiative d'autant plus louable qu'elle émane des étudiants. Ces derniers prouvent ainsi à ceux qui en douteraient leur volonté de prendre en main non seulement leur avenir professionnel, mais aussi celui de l'université à défaut, malheureusement, de voir l'université se saisir de ces questions cruciales.

Faire tomber les murs

Le projet est en effet potentiellement porteur d'une autre promesse : en misant sur les PME, en s'attachant à faire tomber localement les murs qui séparent la plupart des cursus universitaires du monde de l'entreprise, la Manu donne aussi les moyens aux employeurs de faire connaître leurs besoins de compétences actuels et futurs, d'influencer les programmes, d'y apporter leur contribution sous forme d'intervention, d'offres de stage, de journées portes ouvertes…, tout en découvrant l'incroyable diversité des formations universitaires - une diversité qui représente une véritable richesse pour l'économie française.