Sarkozy entame l'année 2009 sur les chapeaux de roue

Le président français se rendra lundi en Egypte, dans les Territoires palestiniens puis en Israël. Mardi, il ira en Syrie ou au Liban. Objectif affiché: "chercher partout les chemins de la paix".

Mais il aura du mal à les trouver. Israël a déclenché samedi une offensive terrestre contre la Bande de Gaza après plusieurs jours de bombardements aériens et a prévenu que le conflit risquait d'être long. Dans ces conditions, on voit mal comment Nicolas Sarkozy pourrait obtenir une trêve, alors que les Etats-Unis ont bloqué l'approbation d'une déclaration du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu immédiat.

D'ailleurs, s'il doit s'entretenir lundi avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président français n'aura aucun contact avec le Hamas, qui contrôle la Bande de Gaza. Le Mouvement de la résistance islamique est considéré comme une "organisation terroriste" par la communauté internationale.

Nicolas Sarkozy se rend dans la région "sans plan préconçu", a expliqué dimanche le ministre du Budget Eric Woerth. L'offensive israélienne rend ce voyage "plus difficile" mais aussi "plus nécessaire", a-t-il affirmé. Car, en l'absence de leadership américain, Nicolas Sarkozy "est le seul à être capable de prendre ce genre d'initiatives".

Ce déplacement prouve en tout cas que, après avoir cédé la présidence de l'Union européenne à la République tchèque, Nicolas Sarkozy n'entend pas rester en retrait sur la scène diplomatique, quitte à marcher sur les plates-bandes tchèques.

Mais son voyage au Proche-Orient est d'autant plus périlleux que le conflit à Gaza risque de réveiller des tensions entre communautés en France. Ses faits et gestes seront examinés de près à Paris, alors que de violents incidents ont éclaté samedi à l'issue d'une manifestation de soutien aux Palestiniens à Paris et que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) appelait à son tour à un rassemblement "en solidarité avec les victimes israéliennes du Hamas" dimanche près de l'ambassade d'Israël.

De retour du Proche-Orient, Nicolas Sarkozy se penchera à nouveau sur la réforme du capitalisme mondial à l'occasion d'un colloque coprésidé jeudi à Paris avec l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, avant de s'entretenir à l'Elysée avec la chancelière allemande Angela Merkel.

Sur le front intérieur, il pourrait évoquer mercredi la réforme de la procédure pénale lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation.

Mais Nicolas Sarkozy est aussi attendu sur la réforme de l'hôpital, qu'il doit aborder lors d'un déplacement à Strasbourg vendredi alors que plusieurs drames ont entraîné ces derniers jours des critiques sur les dysfonctionnements hospitaliers et le manque de moyens du secteur. Le 1er janvier, le chef de l'Etat avait dénoncé des "polémiques médiocres".

Après le décès du petit Yliès, trois ans, à l'hôpital de Saint-Vincent-de-Paul à Paris le 24 décembre et la mort d'un homme victime d'un malaise cardiaque à Massy (Essonne) dans la nuit du 27 au 28 décembre, un nourrisson de six mois est mort à Paris après une erreur présumée à l'hôpital de pédiatrie et de rééducation de Bullion (Yvelines).

La ministre de la Santé Roselyne Bachelot a annoncé dimanche son intention d'inviter dès la mi-janvier plusieurs syndicats du secteur hospitalier et des représentants du Samu à une réunion "sur la permanence des soins". Mais "l'hôpital aujourd'hui a les moyens de fonctionner", a affirmé dimanche Eric Woerth. "C'est un problème de gestion interne", a-t-il jugé, estimant qu'il fallait surtout "rationaliser" et "réorganiser" les services hospitaliers.

Reçus mercredi à l'Elysée, les parlementaires doivent quant à eux s'attaquer dans les prochains jours au plan de relance de l'économie, alors que les perspectives pour 2009 sont bien sombres. Les recettes fiscales fin 2008 devraient ainsi être inférieures de "10 à 12 milliards d'euros" aux prévisions, selon Eric Woerth, qui s'attendait dimanche à une progression du chômage dans les prochains mois. "L'année 2009 sera particulièrement difficile", a-t-il prévenu.

La rentrée sociale risque donc d'être agitée, alors que les syndicats ont déjà appelé à un mouvement national pour le 29 janvier.

Après la trêve de Noël, le débat politique va quant à lui très vite reprendre ses droits. Les ministres ont rendez-vous mercredi à l'Elysée pour le Conseil de rentrée et le président du MoDem François Bayrou donnera mardi le coup d'envoi des voeux des chefs de parti, suivi jeudi par le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer et celui du Front national Jean-Marie Le Pen. AP

L'arrivée de Nicolas Sarkozy au Proche-Orient laisse les éditorialistes de la presse française sceptiques, lundi 5 janvier, quant à ses chances de parvenir à un résultat et si certains le soupçonnent de vouloir se mettre en scène, la plupart salue sa volonté de "chercher des chemins de paix".

- Dominique Quinio dans La Croix n'y croit pas vraiment et affirme que "la communauté internationale s'efforce - sans donner le sentiment d'y croire - d'obtenir un accord de cessez-le-feu, demandant de la retenue aux Israéliens et, aux Palestiniens."

- Dans Libération, Fabrice Rousselot note que Nicolas Sarkozy "n'a qu'une très faible marge de manoeuvre".

- Pierre Rousselin du Figaro estime également que "la tâche est inextricable et dépasse les capacités d'un homme ou d'une nation". Malgré tout, puisque Nicolas Sarkozy "va tenter d'apporter sa contribution", il pense que "le Président de la République est bien placé" ceci "grâce à ses relations de confiance avec Israël et avec le président Moubarak", au "dialogue renoué avec le président Assad" et au "rapprochement franco-américain".

- De son côté, Patrick Le Hyaric de L'Humanité s'inquiète des "concordance de vues entre l'Élysée et Tel-Aviv" mais laisse au président le bénéfice du doute: "si les mobilisations pour la paix des derniers jours poussent le président de la République à une réorientation politique visant à éteindre les flammes de cette guerre, le soutien des démocrates et des partisans de la paix lui serait acquis".

- Jacques Camus, à La République du Centre, fait partie de ceux qui croient que Nicolas Sarkozy est plutôt bien placé pour jouer les Monsieur bons offices "les liens (très discutés) qu'il a pu nouer avec le président syrien Bachar el-Assad pourraient autoriser une intercession auprès du chef politique du Hamas qui vit à Damas.", écrit-il, tout en admettant qu'"un éventuel cessez-le-feu à Gaza ne pourra résulter que d'une pression internationale très forte et coordonnée et non d'un spectaculaire 'one man show'."

- Daniel Ruiz de La Montagne jure que "Tsahal marque des points en attendant l'arrivée d'Obama, le seul à avoir les clés" et croit savoir que "Nicolas Sarkozy se cherche une scène internationale".
Pour Rémi Godeau de L'Est Républicain "l'idée de 'chercher les chemins de la paix' est déjà dépassée. "Il faut maintenant éviter de prendre la route de l'escalade guerrière.", juge-t-il.

- Nombreux sont ceux tel Jean-Michel Bretonnier de La Voix du Nord qui pensent qu'au "bout du compte, il faudra bien négocier avec le Hamas, puisqu'on ne négocie jamais qu'avec ses ennemis, et que tout autre moyen de régler le conflit a jusqu'ici échoué."

- Dans le même esprit, Jean Levallois (La Presse de la Manche) souligne que "Nicolas Sarkozy a compris que la paix au Moyen-Orient ne saurait être le simple résultat d'un accord entre Israël et les Palestiniens"