une autre vision des élections américaines

George Clooney, Robert de Niro, Jennifer Aniston… Tous, après avoir massivement financé la campagne du démocrate Barack Obama, feront la fête ce soir à Los Angeles si leur favori est élu. Mais n’y a-t-il que des démocrates à Hollywood? Non, une minorité silencieuse de républicains vit cachée. «On en fait des tonnes sur la liberté d’expression aux Etats-Unis, mais la réalité à Hollywood, c’est que c’est une sorte de dictature où le fait de se dire ouvertement républicain brise votre carrière», témoigne pour Libération un musicien et compositeur célèbre, sous le couvert de l’anonymat.
«Hollywood est un monde où tout marche par relations, donc on se tait, explique-t-il. Mes collègues vouent un culte de la personnalité à Obama, ils détestent Joe le plombier ou Sarah Palin, pas moyen de débattre. Quand quelqu’un dit “oh moi, je ne parle pas politique”, il y a toutes les chances pour que ce soit un républicain.»
Des anecdotes sur tel ou tel acteur qui ne trouve plus de travail après avoir fait un «coming out» sur son appartenance politique, ces républicains anonymes en ont des dizaines. D’autres assument tant bien que mal leur opinion. C’est le cas du scénariste Andrew Klavan, auteur de True Crime, nouvelle éponyme à l’origine du film de Clint Eastwood (Jugé coupable en français). «Depuis que j’ai exprimé mon opinion, estimant qu’il était dommage que tous les films sur la guerre ou politiques expriment le même point de vue, il est plus difficile de vendre des scénarios. Je ne serais pas surpris qu’il y ait un lien», confie-t-il. «Bien sûr qu’il y a une omertà ici! ajoute-t-il. Il y a deux jours, un ami réalisateur dînait chez un producteur. A la fin, celui-ci a levé son verre pour Obama. Mon ami s’est tu, sinon le contrat peut vous passer sous le nez.»
Pourquoi une telle situation? Parce que la droite manque d’intérêt pour l’art répond à regret Klavan. Le phénomène n’est pas nouveau. «Mais cette année, il est encore plus dur d’être conservateur pour un Noir d’Hollywood. Je connais un acteur noir qui faisait une interview pour un journal libéral (au sens américain, soit de sensibilité démocrate, ndlr). Le photographe lui a demandé d’enlever son T-shirt Reagan», raconte Andrew Breitbart, un journaliste de Los Angeles – cofondateur du Huffington Post, il est aujourd’hui à la tête de Breitbart.com – qui a décidé d’en finir avec la pensée unique hollywoodienne en créant prochainement le «Big Hollywood blog», un blog pour libérer la parole républicaine et élargir les points de vue.
«Les libéraux sont ultra-majoritaires à Hollywood. Ils utilisent des méthodes d’intimidation, les gens différents ont tout simplement peur de perdre leur boulot», poursuit-il. «Si vous allez à un casting et qu’on sait que vous ne pensez pas comme les autres, vous êtes grillés.» A ses yeux, Sean Penn, Susan Sarandon ou Tim Robins sont des «connards aigris» qui sèment la terreur. «Ici, Bush est comparé à Hitler, les Républicains sont perçus comme des racistes, des sexistes, le mal absolu. Et si vous n’aimez pas Obama, c’est que vous êtes raciste», déplore Breitbart. «Le plus drôle, c’est de voir leur style de vie. Ils ont les pratiques les moins écolos du pays, ils prennent l’avion tous les deux jours. Ils vivent entre eux, envoient leurs domestiques faire les courses, méprisent les Américains moyens. L’autre jour, David Geffen (producteur de musique très pro-Obama, ndlr) discutait avec Meg Ryan de combien il trouvait horrible le groupe Wal Mart. Un ami lui a demandé s’il y était déjà allé, il a dit non.»
Mieux vaut donc ne pas revêtir un T-Shirt à l’effigie du ticket McCain-Palin à proximité des célèbres studios. Mais une victoire d’Obama ne serait peut-être pas une mauvaise chose, s’accordent à penser les artistes républicains. «Ça calmera peut-être les esprits», estime le compositeur et musicien anonyme, qui dans tous les cas espère que le futur président fera «du bon boulot». «Obama va commencer à faire des choses, donc les gens vont arrêter de se taire», estime, lui, Andrew Klavan.

France Inter: Obamania obligatoire pour tous les auditeurs
Tout à sa joie de vivre en direct de New York l'élection de Barack Obama, Nicolas Demorand a très mal vécu qu'un auditeur insolent s'infiltre dans les matinales de France-Inter pour évoquer une possible Obamania de la station.


France Inter: Obamania obligatoire pour tous les auditeurs
Délocalisée à New-York, la matinale de France Inter a vécu l'élection d'Obama à l'unisson du peuple américain. Et pas question de laisser une fausse note se glisser dans cette partition si parfaite. Les hommages liturgiques se sont donc succédés à l'antenne jusqu'à 8h48, heure à laquelle, pris de folie, un auditeur de l'Eure appelle Demorand et ses boys : « Je voudrais m'excuser parce que je vais troubler l'Obamania de la rédaction de France Inter. ».

Nous sommes tous des Américains: le retour
Offusqué d'une telle outrecuidance, Demorand coupe aussitôt l'insolent: « Je fais quand même une précision, c'est pas celle de la rédaction de France Inter. N'oubliez pas qu'il a été élu par un certain nombre de millions d'américains donc l'Obamania vous pouvez la mettre aussi sur le compte du peuple américain qui vient d'élire son président… ».

L'auditeur enchaîne : « Mais rien ne vous empêche de devenir américain si vous aimez tant les Etats-Unis ! Voici ma question : je voudrais savoir si le vote massif des Noirs pour Obama, est plutôt un vote racial, ou plutôt un vote raciste ? ».

L'incantation à l'émotion moutonnière
C'est alors Bernard Guetta qui prend des accents lyriques : « ce n'est ni vote racial, ni un vote raciste, c'est un vote d'espoir et de reconnaissance par les afro-américains de leur pays. Ce qu'on a entendu dans la bouche de tous (sic) les noirs américains, c'est que cette élection est la preuve de la force des idéaux et de la démocratie américaine. Il n'y a là ni racisme ni biais racial simplement la manifestation de fraternité humaine qui devrait monsieur vous émouvoir autant qu'elle nous émeut ».
Un commandement à courber l'échine, succomber au réflexe moutonnier et s'incliner devant l'évidence d'une supposée émotion internationale qui laisse perplexe.

Sans doute vexé de constater que les audaces d'un indocile aient pu gâcher l'after show mondial, jusqu'à la fin de l'émission, Demorand n'eût de cesse de lancer des piques à l'auditeur récalcitrant « N'en déplaise à Monsieur… » ou de glousser, menaçant ses boys: «attention, carton rouge pour Obamania».
France Inter, la différence ? Pas flagrant.