Baisse de la croissance.

La ministre de l'Economie Christine Lagarde a annoncé jeudi que la croissance avait baissé de 0,3% au deuxième trimestre 2008, mais a prédit un recul de l'inflation en France "dans les mois qui viennent".

Ecartant toute "récession", Christine Lagarde a précisé sur France-Inter que "la France sera en prévision sur le trimestre 2 à moins 0,3%, donc un peu mieux que l'Allemagne et au même niveau que l'Italie: c'est un phénomène qui est européen et qui est mondial". "Tous les pays développés sont affectés par ces ralentissements économiques".

Et de souligner que "ce sont des chiffres auxquels on s'attendait et qui ne sont pas bons".

"C'est un choc économique en retour de la crise financière de l'été dernier qui a amené une augmentation très significative du prix des matières premières et en particulier du pétrole", a-t-elle analysé. Cela "a entraîné une résurgence de l'inflation comme on ne l'avait pas vue depuis de nombreux mois.

LE FIGARO. L'Europe est-elle entrée en récession ?

Laurence BOONE. Techniquement pas encore. Il faudrait deux trimestres consécutifs de croissance négative pour pouvoir officiellement parler de récession. Mais, dans les faits, si l'on définit la récession comme une période de fort ralentissement économique accompagnée d'une remontée du chômage, nous y sommes déjà. On observe un ralentissement marqué des créations d'emplois en Europe. Après un PIB négatif de 0,2 % au second trimestre, dans la zone euro, nous prévoyons une croissance nulle au troisième trimestre, ce qui devrait entraîner une augmentation du chômage à la fin du quatrième trimestre. Une prévision de croissance nulle, cela veut dire que l'on pourrait passer dans le rouge au troisième trimestre et, du coup, entrer officiellement en récession.

Pourquoi l'Europe plonge-t-elle soudain, et pas les États-Unis ?
Aux États-Unis, le pire de la crise semble passé. Pour éviter la récession, les autorités américaines ont sorti l'artillerie lourde : baisse agressive des taux d'intérêt, un paquet fiscal d'environ 150 milliards de dollars, un fort soutien au secteur de l'immobilier. De son côté, l'Europe accuse le coup du ralentissement mondial mais avec retard, sans bénéficier d'un soutien monétaire similaire ni d'une relance budgétaire, alors que certains États membres à l'exception de la France en ont les moyens. Du coup, la zone euro subit de plein fouet la hausse de la monnaie unique face au dollar + 16 % sur un an , l'augmentation du prix du pétrole et le resserrement des conditions de crédit. Ceci dit, même décevant, ce mauvais deuxième trimestre n'est pas une cassure. Il met simplement fin à l'illusion du découplage : ni l'Europe ni l'Asie ne pouvaient échapper longtemps à la crise américaine.

Le récent recul du prix du pétrole comme de l'euro ne peuvent-ils pas sauver la croissance européenne ?
Ces deux phénomènes sont, il est vrai, de nature à soulager l'économie européenne, mais pas avec la même rapidité. La baisse du prix du pétrole donne un coup de pouce très rapide à la consommation et dans une moindre mesure à la production industrielle. C'est une bonne nouvelle à la fois pour la France et l'Allemagne. Mais il ne faut pas s'attendre à la poursuite de la baisse des prix du pétrole. Les prix du brut resteront durablement élevés, au-dessus de 120 dollars le baril. Quant à la baisse de l'euro face au dollar, ses bienfaits pour la compétitivité-prix des entreprises seront plus lents à se faire sentir, car les exportateurs dont les prix de vente sont en dollars mettent du temps avant de changer leurs prix. Par ailleurs, un rebond de l'euro n'est pas à exclure si l'économie américaine mettait plus de temps que prévu à renouer avec une croissance plus vigoureuse ou devait subir un autre choc, par exemple financier.

La France peut-elle échapper à cette baisse généralisée ?
Non. Moteur de la croissance, la consommation des ménages s'érode en France avec l'inflation et le ralentissement immobilier. Et elle mettra du temps à repartir. L'investissement des entreprises, notamment les PME, qui assurent 60 % de l'emploi du secteur privé en France, ralentit également sous l'effet du resserrement des conditions de crédit. Reste le commerce extérieur qui bénéficiera de la baisse de l'euro, mais dans une moindre proportion que l'Allemagne, dont les exportations sont structurellement plus compétitives. Moins dépendante du pétrole à cause du nucléaire, la France a relativement moins souffert de la hausse du prix du brut que l'Allemagne, mais symétriquement bénéficiera moins de la baisse des prix du brut. Au total, la croissance allemande bénéficierait donc plus de l'amélioration des conditions de change et des prix énergétiques que la France.

Hors de la zone euro, les pays européens s'en sortent-ils mieux ?
Non. La Grande-Bretagne, plombée par la crise immobilière et financière, devrait traverser une période de fort ralentissement. Les pays nordiques souffrent également. Longtemps donné en modèle, le Danemark ralentit de manière significative. Même la Norvège, pourtant soutenue par les revenus du pétrole, subit un sérieux coup de frein.

La richesse nationale s'est contractée de 0,6 % au deuxième trimestre. Le gouvernement travaille à des mesures de relance.

Comme prévu, le PIB du Japon, le deuxième au monde derrière celui des États-Unis, s'est contracté de 0,6 % au deuxième trimestre par rapport au précédent, qui s'était achevé sur une hausse de 0,8 %. Tous les moteurs de l'économie ont tourné au ralenti.

Du côté de la demande intérieure, les ménages ont réduit de 0,5 % leur consommation sous l'effet d'une érosion de leur pouvoir d'achat. Les salaires peinent en effet à suivre l'inflation qui dépasse à présent les 7 % à la suite d'une dizaine de hausses successives. Cette hausse des prix n'avait plus été vue depuis le deuxième choc pétrolier du début des années 1980.

La baisse de la demande des ménages s'est répercutée sur le chiffre d'affaires des entreprises. D'autant qu'elles subissaient un pincement de leurs marges en raison de l'augmentation du prix des matières premières. Les entreprises ont donc réduit de 0,2 % leurs dépenses investissements. Pour finir, l'État a aussi donné un tour de vis à ses dépenses d'équipement du fait de ses contraintes budgétaires.

Dans le même temps, la demande extérieure a subi un coup de frein. Le Japon a essuyé une baisse de 15,9 % de son excédent courant au premier semestre par rapport à celui de la première moitié de 2007. Côté dépenses, les importations ont fait un bond de 11,6 %, sous l'effet notamment de la flambée de toutes les matières premières, y compris l'acier. Et côté recettes, les exportations ont diminué de 4,4 % du fait notamment du ralentissement de l'économie américaine, dont le Japon est un des principaux fournisseurs.


Plan de soutien

Face à ce retournement, le gouvernement japonais doit présenter à la fin du mois une série de mesures. Il envisage des aides financières pour permettre aux industriels de se doter d'équipements plus économes en ressources, tout en poussant le développement de technologies plus efficientes. Il étudie aussi des mesures de soutien aux PME affectées par le resserrement du crédit. Des réductions des péages autoroutiers seraient également à l'ordre du jour.
Mais compte tenu de ses faibles marges budgétaires, l'effet de ces mesures devrait être plus politique qu'économique.