Immigration : Royal se démarque du PS

Elle veut défendre le peuple. Dans tous les sens du terme. L'oreille tendue vers les catégories populaires en colère, Ségolène Royal a choisi un axe de campagne qui fera grincer des dents à gauche : fierté pour les symboles nationaux, fermeté sur l'immigration. Chacun son style, commente-t-on au PS. Alors qu'en 2007, la présidente de Poitou-Charentes avait suscité la polémique en voulant se réapproprier le thème de la nation, cette fois, les socialistes banalisent. «Chacun dans une campagne peut plus ou moins mettre en avant tel ou tel symbole» , a commenté David Assouline dimanche, lors du point presse du parti.

Pourtant, Ségolène Royal a pris le contre-pied du PS dans un domaine sensible. Alors que la gauche observe avec compassion les révolutions arabes, elle a choisi de tenir un discours dur. «Je pense que nous ne devons pas faire d'exception au principe de refus d'une immigration illégale» , a déclaré la semaine dernière l'ancienne candidate de 2007. Si les réfugiés tunisiens qui tentent de s'installer en France doivent être traités avec «beaucoup d'humanité» , ils n'ont «pas vocation» à rester, a-t-elle déclaré. Clair et net : ni angélisme, ni naïveté, ni faux semblant.

Dans un contexte de percée de l'extrême droite, Ségolène Royal s'est fixé comme objectif de reconquérir le vote des catégories populaires, celles qui sont tentées par un vote radical. En incarnant une ligne dure, c'est à eux qu'elle s'adresse. «L'immigration illégale doit être fermement combattue. Pourquoi, parce que l'immigration illégale pèse sur les catégories qui sont déjà les plus fragilisées de notre société et en particulier les immigrés qui sont ici légalement, en situation régulière dans notre pays, les catégories populaires, les Français aussi qui souffrent de la précarité et de la baisse des salaires» , a-t-elle notamment expliqué sur LCI.

Regard sévère
Elle porte un regard sévère sur les pages consacrées à l'immigration dans le projet du PS. Elle ne croit pas non plus à la promesse du droit de vote accordé aux étrangers pour les élections locales. Une proposition ancienne du PS jamais appliquée, faute de volonté sous François Mitterrand, faute de majorité politique sous Lionel Jospin. Pour Royal, la mesure serait devenue «impopulaire» chez les Français d'origine étrangère. Le droit de vote serait le dernier symbole de différenciation par rapport aux populations étrangères. Pas question de le partager. Alors elle doute que le PS tienne parole si la gauche l'emporte en 2012.

La nouvelle ligne de Ségolène Royal, qui mord sur un terrain jugé «populiste» , ne plaît pas beaucoup au PS. «Ce n'est pas le discours que la gauche doit tenir» , assène-t-on au sein de la direction. «Elle essaie de vendre l'argument qu'elle est la réponse à Le Pen» , observe un autre responsable.

La direction du parti assume une position plus accommodante vis-à-vis des immigrés tunisiens, compte tenu du faible nombre d'entre eux : environ 20 000, soit une goutte d'eau. «Il faut faire de la pédagogie et expliquer qu'ils ne viennent pas voler le pain des Français» , demande le secrétaire national aux droits de l'homme Pouria Amirshahi qui plaide pour une «diplomatie des droits de l'homme». Vendredi dernier, plusieurs personnalités de gauche, dont la première secrétaire Martine Aubry, ont lancé un appel pour dénoncer le traitement infligé, selon eux, aux réfugiés tunisiens par le gouvernement. Chacun son combat.