La fraude aux permis de conduire en expansion

Le rapport Le Fur n'a pas fini d'interpeller les préfets. Cette étude de la commission des finances de l'Assemblée, qui dresse un portrait sans concession de l'action de l'État dans les départements, dénonce un phénomène jugé «préoccupant» et «en expansion»: le détournement des procédures d'«échange des permis de conduire». En clair: le fait pour un étranger vivant en France de pouvoir convertir le permis de son pays d'origine contre un permis français. Cette faculté lui est offerte durant les «douze premiers mois de son séjour», dès lors que son pays a signé une convention avec Paris. «Malheureusement, s'inquiète le député UMP des Côtes-d'Armor Marc Le Fur, une proportion des permis présentés s'avère être des faux que les agents des préfectures sont chargés de traquer».

Le député cite l'exemple de la Seine-Saint-Denis. La préfecture de ce département, où il s'est rendu, le 22 septembre dernier, est «surchargée de demandes et la file d'attente des étrangers désireux de procéder à l'échange est de loin la plus longue», a-t-il pu constater. Or, sur un stock de 4 500 dossiers en attente, les services du préfet du 93, Christian Lambert, ont fait expertiser cette année 750 permis de conduire étrangers. «Sur ce nombre, nous apprend le rapport Le Fur, 73 étaient des faux, soit près de 10 %.»

«Pour renforcer la vigilance de leurs personnels, les services préfectoraux ont établi un palmarès des pays dont les ressortissants présentent la plus forte proportion de faux permis», poursuit le rapporteur. Et d'en livrer la liste : «1 - Le Sri Lanka ; 2 - L'Algérie ; 3 - Le Mali ; 4 - La Turquie.»

Fausses déclarations
Les 10 % de fraude détectés représentent sans doute une estimation basse. Car au-delà des faux intégraux présentés en préfecture, il y a tous les «vrais faux» permis, délivrés à l'étranger par des services officiels, sur la base de fausses déclarations, ou parfois même contre un pot-de-vin. Marc le Fur, en tout cas, n'a pas peur de l'écrire : «Quant aux vrais permis étrangers présentés en préfecture, rien ne permet de vérifier qu'ils n'ont pas été acquis de manière frauduleuse ou simplement achetés.»

Selon lui, la France a généreusement signé environ 90 conventions internationales d'échange de permis. Y compris avec des États de structures fédérales. Un habitant de Caroline du Sud pourra ainsi échanger son permis contre un document français, mais pas un habitant de Caroline du Nord. «Les voisins de la France ont été plus prudents, note le rapporteur, ne signant qu'un nombre réduit de conventions, dix à douze pour le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Allemagne.» La France sera-t-elle amenée à réduire le nombre de ses conventions, notamment avec les pays à risque ? Les négociations seront longues. Pour l'heure, tout repose sur la vigilance des agents en préfecture.