Depuis dix ans, un SDF avait fait de la faculté de Nice sa maison

NICE (AFP) — Il se faisait appeler Jean Valjean. Il errait depuis plus de dix ans dans la faculté des lettres de Nice, où il avait élu domicile. L'itinéraire de ce marginal s'est terminé devant la justice qui l'a condamné à 4 mois de prison ferme pour avoir dévalisé des distributeurs de nourriture et de boissons.

"Jean Valjean" vivait dans une grande salle au sous-sol de la faculté, d'environ 70 m2, où il avait installé ses sacs, ses vêtements, son matelas et même un magnétoscope et des cassettes.

"C'était vraiment sa maison, il se sentait chez lui", confie le responsable technique de la faculté, Daniel Lo Jacono, qui le connaissait depuis 1998.

Tous les soirs, vers 23H00, Jean Valjean rentrait "chez lui". Tôt le matin, il quittait la faculté. Quand il avait besoin d'une douche, il allait dans les locaux de la Cité universitaire, voisine de la faculté.

Durant l'hiver, la soufflerie de l'amphithéâtre qui passe à proximité de son refuge, lui évitait les rigueurs du froid.

On avait fini par le surnommer "le fantôme de la fac".

"A première vue, c'était pas un méchant gars", déclare Daniel Lo Jacono.

Tout aurait pu en rester là si, en plus du gîte, comme dit le quotidien Nice-Matin --qui a révélé l'histoire lundi--, ce grand garçon maigre, un peu hirsute, un peu voûté, n'avait pas voulu aussi le couvert.

Depuis six mois, plusieurs distributeurs de nourriture et de boissons, destinés aux étudiants et aux professeurs, ont été fracturés. Sept plaintes ont été déposées. Le préjudice a été évalué à près de 200.000 euros.

Le voleur prenait soin de mettre les caméras de surveillance hors d'usage avant d'opérer.

Dans la nuit de samedi à dimanche, "Jean Valjean" a finalement été démasqué par une caméra qu'il n'avait pas repérée. Les policiers l'ont interpellé avec 530 euros volés dans les caisses des distributeurs.

L'homme, qui avait commencé ses "casses" de façon assez artisanale, s'était progressivement équipé. Dans son barda, la police a retrouvé une petite masse, un pied de biche et un tournevis qui tournait "pile-poil" dans l'axe des serrures des distributeurs, précise M. Lo Jacono.

Il avait même investi dans des gants et une cagoule.

A l'audience devant le tribunal correctionnel, est apparu lundi le parcours nébuleux d'un enfant de la DDASS, qui a servi un temps dans un bataillon de chasseurs alpins mais savait à peine lire et écrire. Un homme en marge.

"Il n'avait pas le sentiment d'être un voleur", conclut M. Lo Jacono. "Il n'avait pas le sens de la propriété. Il était tranquille, il se sentait vraiment chez lui".

Son nouveau "chez lui", depuis lundi, est la maison d'arrêt de Nice.