Un vaccin thérapeutique pour les malades du sida

Lepoint.fr : En quoi consiste précisément votre projet de vaccin thérapeutique ?



Luc Montagnier: Ce vaccin, dans sa première version, n'est pas un vaccin préventif. Il ne vise pas à protéger des personnes non infectées. Il est thérapeutique en ce sens qu'il pourra être donné à des personnes déjà infectées et traitées par la trithérapie. Celle-ci est toujours indispensable pour diminuer la multiplication virale et restaurer le système immunitaire. Il ne s'agit donc pas de la remplacer. Le but du vaccin est de permettre à ce système immunitaire, une fois suffisamment renforcé, de répondre efficacement au peu de virus qui reste après la trithérapie pour le contrôler. Le problème est que la fraction du virus qui est insensible à la trithérapie est mal identifiée : c'est une sorte de réservoir qui lui permet de se multiplier à nouveau très vite, dès qu'on arrête la trithérapie.

Lepoint.fr : Comment comptez-vous agir contre la fraction du virus qui résiste à la trithérapie ?

Luc Montagnier : Actuellement, l'espoir est de bloquer le retour du virus par une immunité bien redirigée contre lui. Nous disposons dès maintenant d'un biomarqueur qui permet d'évaluer l'importance de ce réservoir viral. D'autre part, le projet de vaccin implique que l'on modifie les protéines du virus pour présenter au système immunitaire leurs parties les moins variables.

Lepoint.fr : Pour quelle raison l'Europe avait-elle refusé les premières propositions faites sur ce projet ?

Luc Montagnier : J'avais déjà présenté ce projet aux instances européennes, il y a une dizaine d'années, lorsque j'étais encore à l'institut Pasteur. Il avait été refusé pour deux raisons : le rapprochement de mon départ de l'institut à cause de ma retraite, mais aussi le fait que le vaccin impliquait une interruption temporaire de la trithérapie afin de mesurer son efficacité. À l'époque, cela avait été considéré comme non éthique !

Lepoint : Quel avenir espérez-vous pour ce vaccin ?

Luc montagnier : Aujourd'hui, tout le monde est d'accord pour considérer que la trithérapie à vie est impraticable dans les pays les plus touchés, là où 5 à 10 % de la population est infectée. Une immunisation thérapeutique est donc le seul espoir d'éradiquer l'infection après une trithérapie de quelques mois. J'espère donc que ce projet, dans sa version actuelle, plus élaborée qu'il y a dix ans, sera soutenu financièrement au niveau européen.