La campagne des restos du coeur est lancée

Depuis le lancement des Restos du coeur par Coluche en 1985, plus d’un milliard de repas ont été distribués aux plus démunis. En raison de la crise, ils sont de plus en plus nombreux à avoir recours à l’aide alimentaire.Vincent Mongaillard | 30.11.2008, 07h00



«DANS les fins de mois, ce qui est le plus dur, c’est les trente derniers jours », ironisait Coluche. Demain, premier jour du mois de décembre, ils seront des centaines de milliers de démunis, vivant du RMI ou d’à peine plus, à se ruer sur les colis distribués dans l’un des 2 000 centres des Restaurants du coeur, inventés par le comique en 1985.


Une collecte prometteuse

Pour l’ouverture de cette 24 e campagne nationale, sous le signe de la crise financière et de celle du pouvoir d’achat, il y aura plus de monde que d’habitude. « Les inscriptions sont en hausse de 5 % à 10 %, avec des départements à + 20 % ou + 30 %, comme l’Indre-et-Loire et la Meuse. Cette année, on voit arriver des agriculteurs ou des artisans », observe Oliver Berthe, président des Restos. L’association s’est préparée aux embouteillages en votant un budget prévisionnel 2009 en déficit de 5 à 6 millions d’euros, puisant dans ses réserves. « Nous espérons que les Français renforceront leur générosité. Si elle se ralentissait, on risquerait d’être dans le rouge. » Pas simple, en ces temps de morosité, d’en appeler à une mobilisation des porte-monnaie. « Il y a un proverbe chinois qui dit : Quand les gros maigrissent, les maigres meurent. Bien sûr, avec la crise, ça devient difficile pour certains, jusque-là épargnés par la précarité, mais pour ceux déjà au fond du trou, ça se complique un peu plus », insiste Olivier Berthe.

En onze mois, la Croix-Rouge, le Secours catholique ou le Secours populaire ont aussi vu les demandes s’accroître de 15 % en moyenne. Les Banques alimentaires, qui fournissent les denrées à ces associations, ont nourri, indirectement, 100 000 défavorisés de plus cette année comparée à 2007. Un record depuis leur création, il y a un quart de siècle. Depuis vendredi et jusqu’à ce soir, à certains endroits, elles organisent leur collecte annuelle de conserves et autres paquets de riz dans les supermarchés. Enfin une bonne nouvelle : à en croire les premières remontées, les Français ont été altruistes à la sortie des caisses, autant, si ce n’est plus, qu’il y a un an.

SUR LE MUR, Coluche s’affiche en citation : « Je suis la manivelle des pauvres, je leur remonte le moral. » Sur les tables, du couscous, des cannellonis et de la ratatouille en conserve, mais aussi des carottes, des pâtes, des biscuits au chocolat… Ce vendredi matin, les bénévoles de l’antenne des Restos du coeur de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) préparent leurs étals avant l’ouverture et le rush demain de la 24 e campagne hivernale.

Nadège, 34 ans, ancienne cadre dans une entreprise d’électricité, donne, pour la première fois, de son temps aux Restos. « Quand on a deux jambes et deux bras, c’est normal d’aider ceux qui n’ont rien », lance-t-elle.

« On se demande où on va ! »

L’hiver dernier, 237 foyers, soit 450 bénéficiaires, sont venus ici remplir leurs sacs de denrées et récolter des sourires. Et cette année ? Impossible de le savoir précisément, dans la mesure où beaucoup d’inscriptions auront lieu ces deux prochaines semaines. Seule certitude : 137 familles ont déjà postulé, soit une dizaine de plus que l’année dernière à la même époque.

Dans le Val-de-Marne, Monique Guénot, responsable départementale de l’association, s’attend à « une nouvelle augmentation ». C’est un phénomène inéluctable. « Depuis 2003, la hausse est de 58 %. Notre entrepôt est plein à craquer, il va falloir pousser les murs ! » s’inquiète-t-elle. « Il y a de plus en plus de mères isolées, ces dernières années, en raison de l’explosion de la cellule familiale », observe Joëlle, 65 ans, coresponsable de la délégation de Limeil-Brévannes. « On épaule aussi deux anciens ingénieurs, des caissières à temps partiel, des retraités, des jeunes couples… Faut se blinder, on se demande où on va ! On nous force à prendre des responsabilités qui ne sont pas de notre ressort, mais qui appartiennent à l’Etat », juge son camarade Gérard, 68 ans, informaticien à la retraite.

Pour Natacha, 27 ans, son fils de 13 mois dans les bras, les Restos, « c’est vital ». « Grâce à eux, je mange à ma faim et, en plus, je récupère des couches pour mon bébé », souligne cette femme de ménage. Pour la première fois de sa vie, un Antillais de 23 ans pousse, un brin hésitant, la porte de l’épicerie solidaire. Il n’a pas les moyens de faire ses courses. Alors, il demande une aide alimentaire provisoire. « Je débarque de Guadeloupe, je n’ai pas l’âge d’avoir droit au RMI, je cherche un boulot de brancardier ou d’aide-soignant, mais je ne trouve pas », confie celui qui a un BEP carrières sanitaires en poche. Henriette, 41 ans, qui élève seule, dans la petite cité HLM voisine, ses cinq enfants, âgés de 7 à 22 ans, s’inscrit pour la troisième année consécutive. « Coluche, je le remercie chaque jour en priant pour lui », répète cette femme, originaire de la République démocratique du Congo. « Gravement malade », elle ne peut pas travailler et doit faire vivre sa famille nombreuse, avec 800 € de prestations familiales. Elle est soulagée de pouvoir, dès demain, à nouveau repartir sans débourser un centime avec des raviolis, des steaks hachés surgelés, des yaourts aux fruits…

C’est aussi là qu’elle s’habille de la tête aux pieds, comme ses enfants d’ailleurs. « La première fois que j’ai débarqué ici, c’était dur. J’avais l’impression de demander l’aumône. Au début, on est honteux, on se cache, on a peur que les copains de ses enfants disent : Ah, ta mère, elle fait la manche aux Restos. Mais maintenant, je suis à l’aise, il n’y a plus de tabou, j’ai trouvé ici une famille qui m’accueille les bras ouverts », se félicite-t-elle. La prochaine étape ? « Mon objectif, c’est de sortir de cette dépendance et de revenir comme bénévole. »

Jean-Claude a écrit:Oui la campagne est lancée depuis ce matin à mon centre des "Restos", nous étions une bonne quarantaine de bénévoles rassemblés au centre de distribution, et on peut dire que ça n'est pas très encourageant de voir toutes ces nouvelles têtes venir quêter de la nourriture et un peu de chaleur humaine. Aurons-nous assez pour durer tout l'hiver ? Grave dilemne ! Il faut que la population se mobilise et que Bruxelles lêche du lest !

Il y en a qui prétendent que la précarité diminue ... qu'ils viennent au centre des " Restos" seulement une semaine comme bénévole, et ils changeront de point de vue ... ou alors ils sont complètement insensibles à la douleur des autres et ne méritent que le mépris et le dédain !