France-Allemagne : la guéguerre de François Hollande

Une délégation formée de François Fillon, Jean-François Copé et François Baroin a été reçue pendant une heure à la chancellerie par Angela Merkel. Celle-ci souhaitait discuter de la crise actuelle et de la meilleure façon de relancer la croissance tout en respectant la discipline budgétaire qui s'impose. Le triumvirat a, aussi, été officiellement et chaleureusement accueilli par le président du Bundestag. À Paris, François Hollande et son Premier ministre Jean-Marc Ayrault ne décolèrent pas. Ils ont manifesté un agacement justifié et fulminé des imprécations contre cette manière de se comporter. Traiter avec l'opposition d'un pays ami dans le dos des dirigeants démocratiquement élus et en charge des affaires, on n'a jamais vu cela. Ce n'est pas seulement une goujaterie, c'est une faute politique.

Manoeuvre de contournement

Bien sûr, ce scénario rocambolesque est une pure fiction. Personne ne peut imaginer Angela Merkel affichant une telle arrogance et infligeant un tel affront à la France. Mais ce qui, en revanche, est une triste réalité, c'est que François Hollande s'est, lui, affranchi de tous les usages en déployant le tapis rouge sous les pieds de trois responsables de l'opposition allemande : le chef du SPD Sigmar Gabriel, le président du groupe parlementaire Frank-Walter Steinmeier et Peer Steinbrück, ancien ministre des Finances. Une manoeuvre de contournement qui ressemble fort à une tentative d'isoler la chancelière.

Mais à quoi joue donc François Hollande ? Croit-il que l'Allemagne va opérer un virage à 180 degrés ? Accepter de précipiter encore plus d'argent dans le puits sans fond de la Grèce sans que des règles de gestion aient été définies ? Espère-t-il que l'opposition allemande va bloquer la ratification du pacte budgétaire ? Sur ce plan, il risque d'être cruellement déçu. Si quelques points restent à éclaircir entre Angela Merkel et le SPD - notamment à propos de la taxe sur les transactions financières -, il ne fait aucun doute quc cette ratification interviendra avant le sommet européen de la fin juin. Il est non moins certain que le SPD n'entend pas, s'il parvenait au pouvoir en 2013, jeter aux orties la politique de rigueur, d'ailleurs mise en place dans les années 2000 par un socialiste, l'ancien chancelier Gerhard Schröder.

Au lieu de s'épuiser dans une guéguerre dérisoire et dangereuse contre Angela Merkel, François Hollande ferait mieux de mettre en chantier avec l'Allemagne l'indispensable saut fédéral européen que la chancelière a récemment appelé de ses voeux. Car mieux vaut partager la souveraineté politique que d'être sous la souveraineté des marchés. Car avec qui le président français compte-t-il donc bâtir sa politique européenne ? Avec la Grèce et l'Espagne ? Mais peut-être une fois passée la période électorale reviendra-t-il vers la réalité.