Crise de la zone euro : pour Delors, le ver était dans le fruit

A quoi imputer la crise actuelle qui secoue la zone euro ? Aux marchés ? Aux gouvernements qui ont laissé grossir la dette de leurs Etats ? Pour Jacques Delors, cette crise est avant tout imputable à "une erreur d'exécution" commise par les responsables qui ont supervisé l'introduction de l'euro. Ils ont délibérément fermé les yeux sur les faiblesses de certains Etats membres et sur les déséquilibres qui en découlaient.

Une accusation qui a son poids, venant d'un ancien président de la Commission européenne, qui est en outre l'un des pères de la monnaie unique. Jacques Delors, âgé aujourd'hui de 86 ans, fait cette analyse sans concession dans un entretien publié par Le Daily Telegraph, en pointant que les erreurs commises lors de la création de la zone euro sont en partie responsables de la crise de la dette.

Torts partagés

"Les ministres des Finances refusaient de voir tout ce qui était désagréable et qu'ils auraient été contraints de régler", poursuit Jacques Delors. Et l'homme qui fut aux commandes de l'exécutif européen de 1985 à 1995 juge en outre insuffisantes et trop tardives les initiatives des dirigeants européens actuels pour soutenir la zone euro. Dans un entretien accordé au Monde en octobre, Jacques Delors plaidait déjà pour une réforme des traités européens qui permette d'exclure des Etats membres de l'Eurogroupe.

"Chacun doit procéder à un examen de conscience", poursuit l'ancien ministre socialiste, selon lequel tous les Etats membres partagent les torts. Il pointe toutefois l'Allemagne pour son hostilité à toute intervention de la Banque centrale européenne en faveur des pays les plus endettés. La crise de la zone euro tient, selon lui, à "une combinaison de l'obstination allemande en matière de contrôle monétaire et d'absence de projet clair de la part des autres Etats". L'ex-président de la Commission européenne dit en outre partager les réserves exprimées au Royaume-Uni avant même le lancement de l'euro. Lorsque les "Anglo-saxons" disaient qu'une banque et une monnaie uniques sans gouvernement central seraient instables par nature "ils n'avaient pas tort", ajoute-t-il.