Les manuels d'histoire friands d'altermondialisme
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Les manuels d'histoire friands d'altermondialisme
Les manuels d'histoire friands d'altermondialisme
Cyrille Louis, Aude Sérès et Marie-Estelle Pech
17/01/2008 | .
Cyrille Louis, Aude Sérès et Marie-Estelle Pech
17/01/2008 | .
Un survol des manuels scolaires montre que de nombreux enjeux de géopolitique contemporaine sont parfois traités sans nuances.
Certains ouvrages critiquent sans nuances le libéralisme.
D'ores et déjà engagé dans un audit des manuels d'économie, le ministère de l'Éducation nationale sera-t-il un jour contraint de se pencher sur les livres d'histoire et de géographie afin de vérifier qu'ils offrent un traitement équilibré de la période contemporaine ? Certains enseignants, franchement troublés par la tonalité antilibérale et antiaméricaine de certains chapitres, ne sont plus loin de le penser. Sans aller aussi loin, André Kaspi, professeur d'histoire à Paris-I, affirmait récemment dans un colloque universitaire : «On peut se demander s'il ne conviendrait pas de réunir une commission d'historiens qui relèverait les erreurs, les préjugés et les maladresses des manuels.»
Certains thèmes qui ont longtemps fâché périodes sombres de la Révolution française, crimes du stalinisme, rôle de Vichy dans la déportation des Juifs ou bilan de la colonisation font depuis une dizaine d'années l'objet d'une approche plus équilibrée. Mais un survol des principaux manuels scolaires suffit à montrer que les enjeux de géopolitique plus actuels sont parfois traités sans nuances.
Dans un ouvrage conçu par l'éditeur Foucher à l'intention des classes de terminale technique, on peut ainsi lire : «Les altermondialistes défendent le droit à l'existence de toutes les cultures menacées par la logique libérale.» À l'intention des élèves de terminale générale, Magnard résume pour sa part, au début d'un chapitre consacré aux «fragilités de l'hyperpuissance» américaine : «Le libéralisme économique a des conséquences douloureuses : des fractures sociales et géographiques.» Pour expliquer le développement du terrorisme islamique, le manuel de troisième publié en 2003 par Magnard indique : «Les États-Unis sont devenus la cible d'États et de mouvements qui refusent l'hégémonie américaine sur le monde.» Comme pour enfoncer le clou, l'éditeur a choisi une photo de militant altermondialiste, prise lors d'une manifestation organisée en Belgique courant 2001, pour illustrer la couverture de cet ouvrage.
Un discours conservateur
Plus généralement, il apparaît que la plupart des manuels de géographie consacrent autant de pages aux chapitres sur les «critiques et résistances face à la mondialisation» qu'à ceux traitant, par exemple, de «la Chine, puissance en devenir». «Les manuels s'intéressent, hélas, fort peu aux pôles émergents chinois et indiens, qui constitueront pourtant le centre du monde dans lequel vivront nos élèves, se désole Barbara Lefebvre, professeur d'histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur l'enseignement de cette discipline (*). En revanche, ces ouvrages ont tendance à imposer un discours extrêmement conservateur, présentant la mondialisation américaine comm e l'origine de tous les maux. En clair, les polémiques qui portaient autrefois sur le communisme, le nazisme ou le colonialisme se sont déplacées sur l'altermondialisme.»
«En histoire, les sujets difficiles ont toujours existé, mais ils changent d'une époque à l'autre, d'un pays à l'autre», confirme André Kaspi. Dans les années 1970, l'historien et démographe Jacques Dupâquier, désormais membre de l'Institut, se rappelle avoir essuyé de violentes critiques alors que, membre du comité de lecture de l'éditeur Bordas, il avait voulu publier une photo du mur de Berlin ainsi qu'une pyramide des âges de l'URSS dans un manuel de géographie. «Jusqu'au milieu des années 1980, l'enseignement de l'histoire était si imprégné de marxisme qu'on ne pouvait formuler la moindre position critique vis-à-vis du régime soviétique dans les ouvrages scolaires», raconte-t-il.
Jusqu'à la diffusion des travaux de François Furet et de Mona Ozouf, le traitement de la Révolution française par les manuels faisait de même étonnamment l'impasse sur la Terreur ainsi que sur les guerres de Vendée. Par ailleurs, des voix s'élèvent régulièrement pour regretter que les chapitres consacrés à la colonisation n'évoquent pas ses aspects positifs ou n'insistent pas suffisamment, à l'inverse, sur ses épisodes les plus sombres.
Au ministère de l'Éducation nationale, on considère toutefois que «les manuels sont désormais conformes aux exigences du programme et qu'ils ne prêtent donc pas le flanc à la polémique». Directeur général de l'enseignement scolaire, Jean-Louis Nembrini concède tout juste se demander «si la part réservée à la leçon d'histoire proprement dite n'est pas trop réduite par rapport à la part des documents» dans ces ouvrages.
Ainsi, Hatier publie un texte attribué à Oussama Ben Laden dans une page consacrée au «désordre mondial», tandis que Magnard multiplie volontiers, au gré des chapitres, les couvertures antiglobalisation d'Alternatives économiques.
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