La succession de Georges Frêche pourrait virer à la foire d'empoigne

"Il faut dire que Frêche avait su faire le vide autour de lui. C'était sa tactique: dès qu'une tête dépassait un peu, il la coupait", dit à l'AFP le politologue et professeur de sociologie à l'université de Montpellier-III, Michel Crespi.
"Désormais, c'est l'armée mexicaine avec beaucoup de capitaines et aucun général!, renchérit Dominique Sistach, maître de conférences en droit public à l'université de Perpignan.
Les deux spécialistes sont unanimes pour confirmer que Frêche, se pensant irremplaçable, avait délibérément brouillé les pistes quant à sa succession, adoubant l'un un jour, courtisant l'autre le lendemain. Et pour prédire une "belle foire d'empoigne" d'ici l'élection ses successeurs, à des dates pas encore fixées officiellement.
A la région, la clef sera triple, selon Emmanuel Négrier, du centre d'études politique de l'Europe latine: "les intérêts départementaux, la capacité à tisser des liens centre-périphérie et entre départements et la personnalité", sachant que les candidats potentiels n'ont pas d'envergure nationale, voire régionale.
Ainsi, pour M. Crespi, "chaque groupe de conseillers régionaux, dont beaucoup ont été exclus du PS par solidarité avec Frêche, va avoir tendance à se regrouper" par affinités locales afin de se répartir "les dépouilles de l'Empire".
Actuellement, les deux favoris sont le président (DVG) du conseil général du Gard, Damien Alary, et son homologue (DVG) des Pyrénées-Orientales, Christian Bourquin, les Audois et les Héraultais faisant pencher la balance d'un côté ou de l'autre.
Interrogés par l'AFP, aucun n'a souhaité communiquer, tous deux invoquant que le temps était au "recueillement". A travers eux, ce sont aussi les grands courants du parti socialiste qui s'affrontent.
"+Aubryste+ tout en prenant ses distances, frêchisme oblige, avec le national", Bourquin "n'est pas le plus consensuel", selon M. Négrier. Alary, strauss-khanien et frêchiste modéré, serait capable de construire un compromis mais "il a une telle horreur du conflit qu'il peut avoir du mal à résister aux vols de couteau", pour le chercheur.
En effet, la bagarre risque de faire des victimes car, "avant de faire des alliances" comme ils y seront forcément contraints étant donné qu'aucune personnalité ne surnage, annonce M. Sistach, "ils vont s'entretuer !".
A la communauté d'agglomération, un scénario plus simple semble se dégager. Hélène Mandroux, maire (PS) de Montpellier, serait la candidate naturelle de la gauche. Mais la rivale malheureuse de Frêche lors des dernières élections régionales ne dispose pas de la majorité dans son propre camp et son élection suppose une réconciliation PS-frêchistes.
"Mandroux ne peut se permettre de lâcher la tête de l'+agglo+ surtout si un Catalan (Bourquin) ou un Nîmois (Alary) emporte la région", analyse M. Sistach, pour qui ce "risque de +décentrage+ pourrait avoir des incidences économiques, sociales et politiques très profondes".
Face à elle, le maire de Cournonsec (Hérault), Jean-Pierre Mourre, vice-président de Montpellier Agglomération, avec qui "Frêche aurait passé un +deal+" selon M. Crespi.
Une chose est sûre pour M. Négrier: les deux élections sont étroitement liées, région et agglomération devant à l'avenir fonctionner "en interaction".