Dix millions de millionnaires

La crise, tout le monde l’a ressentie. Mais certains s’en sortent mieux que d’autres. C’est du moins ce qui ressort du denier rapport sur la richesse dans le monde dressé par Capgemini et Merrill Lynch Wealth Management. En 2007, le monde comptait 10,1 millions de millionnaires, détenant ensemble une fortune estimée à 40.700 milliards de dollars. En 2008, avec la crise financière, ils n’étaient plus que 8,6 millions et leur fortune globale était tombée à 32.800 milliards de dollars. En 2009, le monde a plongé dans la récession, mais les marchés financiers ont repris confiance. Résultat : le nombre des millionnaires est revenu à 10 millions pour une fortune estimée globalement à 39.000 milliards, très près du chiffre de 2007.

Dans la réalité, les chiffres doivent être encore un peu supérieurs. Car cette étude ne prend en compte que les patrimoines financiers (actions, obligations, placements monétaires, etc.). La valeur de la résidence principale n’est pas prise en compte dans ces calculs. Il n’est pas tenu compte non plus des menus objets que ces gens peuvent posséder : œuvres d’art, bijoux, voitures, etc. Et cela pour une raison simple : cette étude est faite d’abord pour les gestionnaires de capitaux qui ont besoin de savoir où sont leurs clients potentiels, combien ils possèdent, quels sont les produits financiers qui les intéressent, quels risques ils sont prêts à prendre, ce qu’ils attendent de leur conseiller financier, etc.

Alors, où sont ces millionnaires ? Sans surprise, on les trouve d’abord dans les grands pays industriels : trois d’entre eux, les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne en abritent plus de la moitié. Mais leur poids tend à diminuer. En fait, il existe actuellement trois grandes zones à peu près équivalentes : l’Amérique du Nord, avec 3,1 millions de millionnaires, puis l’Europe et la zone Asie-Pacifique, avec chacune 3 millions. Ensuite viennent l’Amérique latine (500.000 millionnaires), le Moyen-Orient (400.000) et l’Afrique (100.000). Mais cette géographie de la richesse est en train d’évoluer.

Les économistes de l’OCDE, dans leurs perspectives du développement mondial 2010, le constatent : la richesse est en train de basculer. Les grands pays émergents bousculent l’ordre établi. Les experts de Capgemini et Merrill Lynch font le même constat au niveau des richesses individuelles : en 2011, la zone Asie-Pacifique devrait compter plus de millionnaires que l’Europe. Déjà, l’an dernier, le patrimoine des millionnaires de cette zone a dépassé celui des Européens. Ce basculement du monde a une autre conséquence : les capitaux vont davantage vers les zones en croissance, notamment l’Asie, attirés par la perspective de gains importants et rapides.

Mais l’appât du gain n’est pas la seule motivation de ces investisseurs. Cela peut surprendre, mais ces derniers demandent de plus en plus à leurs conseillers de les guider vers des activités philanthropiques. Peut-être veulent-ils suivre Bill Gates et Warren Buffet, deuxième et troisième fortunes mondiales, qui ont annoncé le 16 juin leur volonté de consacrer la moitié de leur fortune à des œuvres caritatives…