Le gouvernement mise de plus en plus sur le maintien à domicile des personnes âgées.

À 82 ans, malgré une chute qui l'a envoyée plusieurs mois à l'hôpital, des difficultés à se déplacer et un nombre limité de visites, Gaby ne quitterait pour rien au monde son appartement parisien. «À l'hôpital, on ne s'ennuie pas une minute, mais on est dépendant. On subit le voisinage», explique cette vieille dame au caractère trempé. Entre l'aide ménagère, le kiné, la garde de nuit et les visites de voisins, Gaby s'organise tant bien que mal. Certes, ses mots croisés et son vélo d'appartement ne réussissent pas toujours à faire fuir la solitude, mais elle préfère vivre au milieu de ses bibelots. Tous les octogénaires n'ont pas sa chance.

Aujourd'hui, 60 % des personnes qui ne sont plus tout à fait autonomes utilisent leur aide financière (APA) pour rester chez eux. Mais, quand le besoin d'assistance devient trop important, le départ en maison de retraite est parfois inévitable. «En arrivant progressivement à augmenter le pourcentage de logements adaptés aux situations de dépendance, on arrivera à réduire le besoin d'aide à domicile», espère-t-on au cabinet de Nora Berra. Rester chez soi coûterait donc moins cher, et l'entrée en unité de soin ou en maison de retraite serait ainsi réservée aux personnes touchés par des incapacités lourdes. «Une augmentation du maintien à domicile pourrait faire baisser la facture de la prise en charge de la dépendance de 25 %, selon certaines estimations», indique Alain Franco, coordinateur de la mission.

L'idée de diffuser à grande échelle des gérontechnologies, ces aides techniques destinées aux personnes en perte d'autonomie, va donc être examinée avec le plus grand soin par la mission «Vivre chez soi». Capteurs de tension, de chutes, calcul des déplacements de la personne âgée, transmission de données médicales par Internet ou consultation en visioconférence : tout l'arsenal d'une surveillance médicale à domicile existe déjà.

«Changer de regard»

Cependant, sa diffusion reste marginale. «Le circuit économique n'existe pas», explique Alain Franco. La mission doit donc travailler sur des appels à projets nationaux et la définition d'une norme pour faire baisser le prix de l'équipement et le lancer auprès du grand public. «Parfois, il suffirait d'un plan incliné pour qu'une personne puisse continuer à sortir de chez elle. C'est pourquoi nous voulons aussi mettre en avant le diagnostic habitat autonomie. Il pourrait être inclus dans une assurance logement, par exemple, être proposé systématiquement à l'image du diagnostic énergie d'EDF», estime-t-on au cabinet de Nora Berra.

«Rien ne remplacera les aides humaines, la solidarité de voisinage ou les aidants familiaux», rappelle toutefois Serge Guérin, sociologue spécialiste des seniors. La question des services à la personne sera d'ailleurs étudiée par la mission «Vivre chez soi». En effet, ce secteur dit d'avenir traverse actuellement une crise importante, et la main-d'œuvre préparée à prendre soin des aînés fait défaut. L'Inspection générale de l'administration (IGA), des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) vont examiner les difficultés de l'aide à domicile, évaluer le financement et la tarification des prestations, a promis hier Nora Berra.

«Dans les dix ans à venir, il manquera 10 à 15 % d'aidants familiaux et professionnels. Les services à la personne doivent apprendre à fonctionner avec les technologies modernes et devenir plus efficaces », plaide Alain Franco. Dans un secteur partagé entre associatif et privé, Bernard Ennuyer, directeur de l'association Les Amis, service à domicile suggère de son côté d'instaurer des normes communes, un encadrement des tarifs et un relèvement de l'APA, considérée par beaucoup comme insuffisante pour payer une prise en charge. «Les personnes âgées n'auront pas envie de rester chez elles si elles se sentent trop seules», prévient Serge Guérin. «Mettre en place les conditions du bien-vieillir demande aussi de changer de regard sur les personnes âgées, renchérit Bernard Ennuyer. Il faut sortir de l'âgisme et du racisme anti-vieux.» Une révolution qui pourrait prendre vingt ans.