"Dis-moi combien gagne ton patron, je te dirai si c'est un goinfre"

Pierre-Henri Leroy vient d'inventer une machine à détecter les goinfres. À la tête du cabinet Proxinvest, il traquait depuis des années les petits secrets les moins avouables des gros matous du CAC40 et du SBF 120. Chaque année, avec quelques collaborateurs, il dépouillait les rapports annuels des plus grosses entreprises françaises. Et chiffrait notamment le montant des rémunérations patronales, en établissant un "hit-parade" des émoluments les plus faramineux. Sans négliger, bien sûr, bonus, stock-options, attributions d'actions gratuites et autres retraites chapeau.

Mais voilà... La crise aidant, cet ancien de chez Banker Trust et du Crédit Lyonnais a choisi d'aller plus loin. Constater et s'indigner a posteriori de la rémunération de tel ou tel, c'est bien. Juger sur pièce, c'est mieux. Avec sa petite équipe et l'aide de quelques informaticiens de talent, il vient donc de développer un logiciel qui risque fort de faire grincer des dents. En tout cas celles des grands patrons. Et pour cause : jusque-là, soyons clairs, les rémunérations patronales étaient fixées au doigt mouillé par les administrateurs (quand on leur demandait leur avis)... Mais avec le logiciel de Proxinvest, ceux-ci vont pouvoir entrer une flopée de critères "objectifs" permettant de calculer précisément ce à quoi les dirigeants ont droit ( voir une simulation ). Quant aux habitués des assemblées générales des entreprises cotées, ils vont enfin pouvoir demander, calculette à la main, des comptes précis à ceux qui ont trop d'appétit. Évolution du chiffre d'affaires, EBITDA, résultat opérationnel, résultat net, cours de l'action, dividende versé aux actionnaires, désendettement, performance par rapport aux autres entreprises du secteur... Le tout sur trois années.

Un équivalent smic annuel

En clair, en entrant une vingtaine d'objectifs précis exigés pour évaluer la performance du dirigeant et en les pondérant en fonction de la façon dont on estime qu'il serait bon qu'il gère la boutique, on obtient le salaire, les bonus et les stock-options auxquels ce dernier peut légitimement prétendre... Accessoirement, le petit logiciel de Proxinvest permet aussi de savoir où le patron se placera dans le "hit-parade" des rémunérations et le nombre de smics annuels que cela représente.

Histoire de roder sa petite machine à calculer les salaires, Pierre-Henri Leroy la réserve pour l'instant aux investisseurs qui utilisent ses services (Proxinvest est un cabinet de conseil aux actionnaires et aux investisseurs créé en 1995). Mais d'ici quelques mois, il envisage de le mettre en ligne sur son site internet, accessible à tous les curieux... Les goinfres n'ont qu'à bien se tenir. Et certains à se préparer au régime sec.