La blogueuse de La Havane
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La blogueuse de La Havane
La blogueuse de La Havane
Adrien Jaulmes, envoyé spécial à Cuba
18/06/2008 | Mise à jour : 09:26 | .
Adrien Jaulmes, envoyé spécial à Cuba
18/06/2008 | Mise à jour : 09:26 | .
» Le blog de Yoani Sanchez, Generation YAvec son blog consulté dans le monde entier, Yoani Sanchez, 32 ans, est devenue la bête noire du régime castriste. Cette jeune Cubaine a été classée parmi les cent personnes les plus influentes de l'année 2008 par le magazine américain Time.
Elle n'aurait jamais pensé que son blog la rendrait célèbre. «C'est une surprise», dit Yoani Sanchez en souriant, comme si elle venait de jouer un bon tour. C'est d'ailleurs ce que cette frêle jeune femme vient de faire aux autorités cubaines, prises au dépourvu par le succès de son journal en ligne. Son blog Generacion Y est lu par des millions de personnes à travers le monde, et ses commentaires, à la fois drôles, élégants et poignants sur la réalité de la vie quotidienne sur l'île, infligent un démenti cinglant aux mensonges de la gérontocratie castriste. Yoani Sanchez se dit pourtant apolitique. «Je ne suis pas une opposante, et je n'ai pas de couleur politique, explique cette diplômée de philologie. Je suis une personne normale, une simple citoyenne.»
Lorsqu'elle crée Generacion Y en avril 2007, c'est pour témoigner de la vie d'une «mère cubaine ordinaire». Mais les quelques lignes de son préambule donnent le ton : «Ce blog est inspiré par des gens comme moi, avec des prénoms qui commencent par un Y, nés à Cuba dans les années 1970 et 1980, marquéspar les séjours aux classes vertes, les dessins animés russes, les sorties illégales de l'île et la frustration.»«Cette génération est une génération qui se tait, ou qui a fui», dit Yoani Sanchez. Elle-même a été tentée par l'exil. En 2002, elle profite d'un séjour touristique en Europe pour y rester : «J'ai vécu deux ans en Suisse. Mais j'ai choisi de revenir à Cuba pour des raisons familiales. Alors je suis rentrée, pleine d'énergie.»
Et décidée à ne plus se taire. Ses réflexions quotidiennes sont en apparence anodines. Yoani ne fait jamais référence à des concepts abstraits, comme la liberté d'expression ou la démocratie. Mais, dans un monde de mensonges, rien n'est plus subversif que la vérité. À Cuba, île assommée par cinquante ans de slogans révolutionnaires toujours plus éloignés de la réalité, ses descriptions sans équivoque des tracas quotidiens, de l'ennui pesant de la vie dans le système communiste et des espoirs déçus sont plus terribles que les réquisitoires des adversaires du régime. Quand elle remarque la disparition à Cuba de la courtoisie la plus élémentaire, comme demander pardon aux gens qu'on bouscule dans la rue, Yoani réfléchit à la façon dont le régime castriste traite ses propres citoyens : «Nous sommes en fait les meilleurs élèves d'un gouvernement qui, durant presque cinquante années de danses solitaires sur la piste de notre politique, n'a jamais demandé d'excuses pour quoi que ce soit. Nous attendons toujours leur mea culpa pour l'offensive révolutionnaire de 1968, l'atrocité des meetings antidissidents, pour la dépendance soviétique, pour les successifs et désastreux projets économiques qui nous ont conduits à l'asphyxie.»
L'immobilisme de la politique cubaine la navre. «Toute ma vie, j'ai eu le même président, écrit-elle. Pas seulement moi, mais ma mère et mon père nés respectivement en 1957 et en 1954 ne se souviennent pas de quelqu'un d'autre. Plusieurs générations de Cubains ne se sont jamais posé la question de qui allait les gouverner par la suite.» Les autorités n'ont jamais vraiment su comment réagir devant ce franc-parler. «Au début, le gouvernement m'a ignorée. Pour eux, je n'existais pas», raconte Yoani. Mais le succès de Generacion Y ne cesse d'augmenter. Lorsque Yoani Sanchez reçoit, en avril 2008, le prix Ortega y Gasset, la plus prestigieuse récompense du journalisme en langue espagnole, remis par le quotidien El Pais, son blog est alors visité par 4 millions d'internautes. «J'ai demandé un visa pour aller recevoir mon prix à Madrid, dit Yoani Sanchez. On m'a répondu que ce n'était pas possible pour le moment.» Le mois suivant, les visites sur Generacion Y doublent, jusqu'à atteindre 8 millions de connexions. Le blog est hébergé sur un serveur allemand. «Les autorités ne peuvent pas le couper. La technologie va plus vite que la censure», confie-t-elle. Reste l'auteur.
«Depuis que la presse internationale s'est intéressée à moi,la répression directe est devenue plus difficile à exercer, explique la jeune femme. Alors le régime a cherché à me discréditer,à dire que je n'étais pas une vraie Cubaine, que je n'étais pasle véritable auteur, des choses comme ça.» Yoani Sanchez ne s'en émeut pas. Mariée et mère d'un enfant, elle continue à vivre en donnant des leçons d'espagnol et en étant guide touristique indépendante à La Havane. «C'est comme si j'avais une vie réelle et une vie virtuelle séparées. Je sais que mon existence virtuelle est immense, même si je n'en connais pas la taille», s'amuse-t-elle.
Car Yoani Sanchez n'a pas accès à son blog. La page ne s'ouvre plus dans les cybercafés de l'île. Elle continue donc à bloguer, «en aveugle», à partir des ordinateurs des hôtels pour étrangers, où elle pénètre en prenant l'air d'une touriste et un accent européen. «J'ai des amis en Allemagne auxquels j'envoie par mail les entrées de mon blog. Ils me répondent en m'adressant les commentaires que j'ai reçus, que je charge sur une clef USB. Puis j'y réponds sur mon ordinateur.» Ses lecteurs se débrouillent aussi avec les moyens du bord lorsqu'ils vivent dans l'île. «À Cuba, Internet fonctionne différemment parce que l'accès est difficile. Donc les gens copient les pages sur des mémoires flash, et se les passent de la main à la main», affirme Yoani.
Pour elle, le principal succès de son blog est de donner enfin la parole à un individu, dans une société où son existence est systématiquement niée au profit d'entités abstraites comme le peuple. «Je ne suis pas un groupe de gens ou un internaute anonyme. Je signe de mon nom et publie ma photo», dit-elle.
Yoani veut à présent développer la blogosphère cubaine. Son site, desdecuba.com, est conçu pour héberger d'autres blogs. «Il s'agit d'offrir un espace où les gens pourraient enfin s'exprimer comme des citoyens. Les Cubains ont besoin d'un espace public de discussion. Comme cet espace ne peut pas exister dans le monde réel, je l'ai inventé dans un univers virtuel.»
Re: La blogueuse de La Havane
Son blog est effectivement excellent, j'aime beaucoup le lire.
Elle a bien du courage pour s'atteler à ça, parcequ'internet à Cuba, c'est la croix la bannière.
Je ne parle même pas de la rareté des connexions ou de leur lenteur antédiluvienne, mais du contrôle absolu des contenus entrants et sortants...Calqué sur celui du courrier.
Elle a bien du courage pour s'atteler à ça, parcequ'internet à Cuba, c'est la croix la bannière.
Je ne parle même pas de la rareté des connexions ou de leur lenteur antédiluvienne, mais du contrôle absolu des contenus entrants et sortants...Calqué sur celui du courrier.
Invité- Invité
Re: La blogueuse de La Havane
Yoani veut à présent développer la blogosphère cubaine. Son site, desdecuba.com, est conçu pour héberger d'autres blogs. «Il s'agit d'offrir un espace où les gens pourraient enfin s'exprimer comme des citoyens. Les Cubains ont besoin d'un espace public de discussion. Comme cet espace ne peut pas exister dans le monde réel, je l'ai inventé dans un univers virtuel.»
Ca c'est une bonne idée !
En tout cas dommage que je ne comprenne rien à l'espagnol car ça m'a vraiment donné envie de lire ses textes.
zongo- Maire
- Nombre de messages : 843
Date d'inscription : 12/06/2008
Re: La blogueuse de La Havane
Cool c'est en anglais en fait ! Bien vu ! Merci pour le lien Livaste, je garde et je vais faire tourner.
zongo- Maire
- Nombre de messages : 843
Date d'inscription : 12/06/2008
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