Vingt ans après , les affiches communistes

Vingt ans après la fin du bloc soviétique, une exposition à Sofia d'affiches de propagande de l'époque communiste rencontre un succès inattendu, provoquant parfois l'hilarité du public.

Aujourd'hui victimes, comme leurs voisins, de la crise capitaliste, les Bulgares se surprennent à savourer l'ironie désuète de slogans comme "Camarades, n'abîmez pas la propriété communiste, c'est notre héritage!", ou encore "Battons le blé avec un zèle patriotique!".

"Je les aime bien. Mon slogan favori était: "La main d'oeuvre sur pied!", ricane Kostadinka Miladinova, une visiteuse.

Omniprésents à l'époque de la dictature communiste, en affiches ou en dazibaos, ces slogans ont longtemps été synonymes de répression et de contrôle social dans ce pays alors considéré comme l'allié le plus fidèle de Moscou.

"L'USSR, symbole de la paix!", "Lénine, drapeau de la jeunesse!", étaient alors des leitmotivs inlassablement claironnés.

"J'en ai vu pas mal: durant mon service militaire, je devais moi-même en réaliser", se souvient l'artiste Rossen Markovski.

Loin de tout objectif comique ou nostagique, l'exposition "PolitProp" se voulait à l'origine simplement destinée à attirer l'attention de jeunes dessinateurs et peintres sur la valeur esthétique des affiches.

"Par un pas en arrière, nous avons voulu inciter les gens à faire deux pas en avant car une telle qualité graphique manque de nos jours", confie le commissaire, Andrean Nechev.

"La communication est si claire, stricte et puissante... elle devait inspirer de la soumission" et non, évidemment, le rire comme l'autorise le contexte vingt ans plus tard, relève-t-il.

"Si on fait abstraction du contenu, on trouve ici des solutions graphiques intéressantes", reconnaît un enseignant d'arts plastiques, venu avec sa classe, en désignant notamment un profil de Lénine en noir et rouge portant juste l'année 1917 de la révolution d'Octobre.

Tirées du fonds privé d'un ancien ouvrier de l'imprimerie d'Etat "Septembre" chargée des matériaux de propagande pendant les 45 ans du pouvoir communiste, l'exposition présente également de nombreux sujets internationaux qui n'évoquent souvent plus rien pour les plus jeunes visiteurs.

Agés de 18 ans, Gergana et Gueorgui s'interrogent devant la représentation d'une Noire à coupe afro portant le titre "Liberté pour Angela": ils n'ont jamais entendu parler de la militante communiste américaine Angela Davis, accusée d'avoir tenté de tuer un gardien de prison, puis acquittée en 1972.

D'autres trouvent franchement "cool" un nuage noir d'explosion atomique, en forme de champignon, traversé par un ruban rouge portant l'appel "Moratoire!".

"Quels que soient leur âge, et qu'ils apprécient ou non ces oeuvres, les gens se sentent interpellés. Certains demandent même où voir l'intégralité du fonds", indique Leda Patacheva, une porte-parole.