La vraie nature de Daniel Cohn-Bendit

L’homme qui, le 7 juin, a fait un retour spectaculaire sur la scène politique française porte un nom familier à tous. Depuis quarante ans Daniel Cohn-Bendit, Dany le Rouge, est le symbole de Mai 68. Et pourtant, connaît-on vraiment l’ex-leader étudiant devenu eurodéputé, l’ancien révolutionnaire devenu réformiste ? En France, peu savent que c’est en Allemagne qu’il a fait l’essentiel de sa carrière.


L’opposant numéro un

Du Montauban de son enfance à Francfort où il vit avec sa femme, Ingrid, et son fils Bela, de Mai 68 à ses engagements actuels, notre journal a enquêté sur les traces de Dany Cohn-Bendit. En se penchant sur la vraie nature du leader écolo, on découvre les ingrédients d’un bon roman : de petits et de grands secrets, des parents juifs allemands réfugiés en France pour fuir le nazisme, une échappée clandestine en voiture avec une jolie actrice en 1968, un passé controversé d’éducateur de jeunes enfants et, à 64 ans, une ascension politique qui se poursuit.
Depuis son succès aux élections européennes (16 %, juste derrière le PS), Cohn-Bendit affole les sondages et les médias. Les magazines lui consacrent leurs unes, Canal + en fera jeudi soir le rédacteur en chef de son « Grand Journal », certains sondages en font l’opposant numéro un et Nicolas Sarkozy le recevra jeudi matin à l’Elysée. Il va peser sur les prochaines échéances électorales. Mais l’intéressé répète qu’il ne veut plus être candidat en France, et jure qu’il n’ambitionne en aucun cas la présidentielle de 2012. Il ne pourrait d’ailleurs pas se présenter, assure-t-il, puisqu’il n’a pas la nationalité française. Sauf que… il admet qu’il songe à la demander, sous l’insistance de son fils de 18 ans. Alors que l’opposition est en morceaux, Dany le Vert peut-il se cantonner à l’Europarlement ? Chez les sympathisants de gauche, l’envie est forte de le voir reprendre le flambeau.

Découvrez l'intégralité de nos 9 pages d'enquête dans le journal Parisien de ce mardi 16 juin. L'histoire de la famille Cohn-Bendit pendant la guerre, la jeunesse allemande de Dany le Rouge, son passé d'éducateur, les réseaux de l'eurodéputé, son engagement politique en images.

1 La nationalité française
Si Daniel Cohn-Bendit a pris la nationalité allemande à 14 ans, il n’est toujours pas citoyen français. A 18 ans, il a failli le devenir, « mais on a mal joué, explique son frère. On a donné son adresse en Allemagne alors qu’il devait justifier de cinq ans de présence en France ».

Aujourd’hui, il n’envisage pas de demander un passeport français… à moins qu’il finisse par céder à la pression de son fils. Depuis quelque temps, Bela le pousse à faire les démarches, avec un objectif simple : si son père devient Français, lui aussi pourra le devenir… « Le plus drôle », ajoute Gabriel Cohn-Bendit, « c’est que si mon frère fait ça, ce sera forcément interprété comme un pas vers la présidentielle… »

2 Bela, le fils protégé
Père sur le tard, à plus de 45 ans, l’homme entretient une véritable « relation fusionnelle » avec son fils qu’il protège farouchement des médias. Malgré son activité au Parlement européen, il met un point d’honneur à passer les fins de semaine avec lui à Francfort. Agé aujourd’hui de 18 ans, le garçon vient de passer son bac. Amateur de football (comme son père), supporteur inconditionnel des Bleus (comme son père), il n’est pas dit qu’il suive ses traces en politique. Mais il semble plutôt fier d’être le « fils de », puisqu’il vient de prendre son nom alors qu’il portait jusqu’à présent celui de sa mère.

3 Barbara et les femmes de sa vie
C’est pour les beaux yeux de Barbara Koster que Daniel Cohn-Bendit décida de rester en Allemagne au début des années 1970. Une grande blonde, au caractère bien trempé, féministe jusqu’au bout des ongles. L’histoire dure, mais le couple finit pourtant par se séparer. Il rencontre Beate, une Allemande toujours, puis Ingrid Apel, la mère de son fils, avec qui il partage son quotidien. Point commun entre les trois amours de sa vie : « Toutes ont fait partie du mouvement libertaire d’après 68 », glisse un ami. Ingrid et Barbara étaient même très amies.

4 Retour à la vie en communauté
A 64 ans, Daniel Cohn-Bendit n’aura vécu qu’une vingtaine d’années « comme tout le monde », dans un appartement seul avec femme et enfant. Le reste de sa vie, il l’a passé en communauté. Dans les années 1970, ils squattent à 25 ou 30 les maisons de Bockenheimer menacées par la spéculation immobilière, avant de poursuivre l’expérience, en toute légalité cette fois, jusqu’au début des années 1990. Depuis son installation avec Ingrid, on croyait qu’il avait tourné la page. Pas du tout. D’ici la fin du mois de juin, les Cohn-Bendit vont rejoindre trois autres couples d’amis dans une maison écolo de Francfort.

5 Le beau-père de Julien
Coupat comme vieux copain Michel Lévy, le père d’Yldune Lévy, la compagne de Julien Coupat (soupçonné d’actes de sabotage sur des voies SNCF), fait partie des proches de Dany. Ils se seraient rencontrés en 1968, dans les mouvements libertaires et, en 1978, Michel Lévy est l’un des plus actifs pour demander le retour de Cohn-Bendit en France. Plus discrètement, le leader politique a appelé à la libération du futur gendre de son vieil ami.

6 Ecolo sur le tard
Lorsqu’il entre chez les Verts au début des années 1980, le trublion de 1968 n’a rien d’un écologiste. « C’était un déçu de la gauche radicale. L’écologie a été un moyen de se lancer en politique, précise Wolfgang Kraushaar, chercheur à l’institut de recherches sociales de Hambourg. A l’époque, on le traite de réaliste, une insulte pour un Vert des années 1980. » C’est sur le tard qu’il s’est converti à l’écologie.

7 La présidence européenne du foot
Joschka Fischer, Cohn-Bendit et leurs copains ont depuis longtemps l’habitude de jouer au football dans un parc de Francfort. Mais cette passion pourrait nourrir un autre objectif. Selon Johnny Klinke, un vieux copain, qui « ne l’imagine pas président de la République française », Cohn-Bendit rêverait d’être « à la tête de l’UEFA ». Il ne lui reste plus qu’à négocier avec Michel Platini, l’actuel patron du foot européen.