Italie : au moins vingt-sept morts dans un séisme dans les Abruzzes

La terre a tremblé dans les Abruzzes, au centre de l'Italie, dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 avril. Au moins vingt-sept personnes sont mortes et quarante autres disparues, selon un bilan provisoire des carabiniers. La terre a fortement tremblé peu après 3 h 30 dans tout le centre de l'Italie et des édifices se sont effondrés dans le centre historique de la ville de L'Aquila, faisant craindre que le nombre des victimes puisse augmenter.


Une résidence pour étudiants de L'Aquila (60 000 habitants) s'est partiellement effondrée. Dans la même ville, de nombreuses maisons se sont lézardées et des habitations ont été détruites.

La population de L'Aquila et de nombreuses petites villes de cette région montagneuse du centre de l'Italie est descendue dans les rues, ont précisé les carabiniers de la capitale des Abruzzes à l'agence ANSA. La secousse a été ressentie jusque dans la capitale, où les lampes se sont mises à chanceler, les meubles à vibrer et les alarmes de voitures se sont déclenchées.

Selon un communiqué de la protection civile italienne, l'épicentre du séisme d'une magnitude de 5,8 se trouvait à 5 kilomètres de profondeur sous L'Aquila. Pour l'institut géologique états-unien, le tremblement de terre serait d'une magnitude de 6,3 et l'épicentre se trouve à une profondeur de dix kilomètres.

François Thouvenot est physicien au Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique (LGIT), à Grenoble. Pour LCI.fr, il décrypte le séisme meurtrier qui a frappé les Abruzzes lundi matin.

LCI.fr : Ce n'est pas la première fois que les Abruzzes sont touchées par un séisme. A quoi se phénomène est-il dû ?
François Thouvenot : Toute l'Italie, en particulier sa partie centrale, est soumise à un risque sismique beaucoup plus important que celui qui pèse sur le territoire français. C'est dû à une poussée de la plaque Afrique qui entre en collision de la plaque Eurasie. Entre les deux, se situe la microplaque Adriatique qui pivote sur elle-même autour d'un pôle de rotation situé près de Milan. Ce mouvement est à l'origine de séismes.

Cette sismicité est un peu inquiétante car le 26 septembre 1997, dans la même région, il y avait déjà eu un séisme similaire à celui d'aujourd'hui à Colfiorito, près d'Assise et de Pérouse. Le séisme, de l'ordre d'une magnitude 6, avait fait plusieurs morts et de gros dégâts. Un mois plus tard, il avait été suivi par d'autres séismes qui avaient fait davantage de morts.

La région est touchée par ce qu'on appelle une crise sismique en essaim, c'est-à-dire que les séismes apparaissent progressivement, avec des secousses importantes qui se suivent. Alors que dans une séquence "classique" : le séisme se produit sans signes avant-coureurs puis est suivi de répliques plus faibles. Là, le séisme de ce matin avait été précédé dimanche de deux secousses de magnitude 4 et 2,5. Depuis, il y a eu des centaines et des centaines de répliques. Mais il n'est pas impossible qu'une autre secousse équivalente à celle d'aujourd'hui se produise dans les jours, les semaines ou les mois qui viennent.

LCI.fr : Ce type de sismicité est-elle plus facile à prévoir que la sismicité classique ?

F. T. : C'est très difficile à gérer, c'est pour cela qu'il y avait eu des morts en 1997. Les gens ne s'attendaient pas à une secousse aussi tardive. Le réseau italien de capteurs sismologiques est beaucoup plus dense que le réseau français : il a permis de détecter l'activité d'hier en fin de journée mais c'est difficile de prédire qu'un séisme va déboucher sur quelque chose de dramatique.
Pour Colfiorito, les chercheurs italiens avaient ré-analysé les données de l'époque et ils se sont aperçus que les signes avant-coureurs du séisme auraient pu être identifiés. Mais cette analyse n'a eu lieu qu'après coup.

LCI.fr : Par comparaison, quel est le risque sismique en France ?

F. T. : Un séisme de magnitude 6, comme celui de L'Aquila [estimé à 5,8 selon les autorités italiennes, NDLR], se produit tous les dix ans en Italie ; en France, ce serait le séisme du siècle. Dans la vallée de l'Ubaye, dans les Alpes de Haute-Provence, est apparue une sismicité en essaim, comme ce qui se produit en Italie, mais la différence est qu'il s'agit de petits séismes, de magnitude inférieure à 3.

LCI.fr : On parle souvent de la région niçoise et des Alpes mais quelles sont les principales zones sismiques en France ?

F. T. : Il y a en effet le quart Sud-Est mais on oublie que les Pyrénées sont beaucoup plus "actives" que les Alpes. Sont également concernées la plaine d'Alsace mais aussi la Bretagne et le Poitou.

Huit heures après le tremblement de terre qui a dévasté le centre de l'Italie, L'Aquila a l'aspect d'une ville bombardée. Des dizaines de maisons se sont écroulées dans la très centrale rue du 20 Septembre. Des centaines d'habitants, surpris par le tremblement de terre durant leur sommeil, errent encore dans les rues en pyjama avec des couvertures sur les épaules. La protection civile tente actuellement de les faire converger vers le stade, car les répliques qui se succèdent depuis la première secousse de 3 heures 32 risquent de faire s'écrouler les édifices déjà endommagés. À 9 h 30, une des répliques a provoqué une vague de panique dans la population. Les secours se concentrent désormais autour de la Maison des étudiants, où sept victimes sont toujours sous les décombres. L'hôpital de L'Aquila, qui a été lui-même touché, est privé d'eau. Les patients sont transférés dans une église voisine dans l'attente de la construction d'un hôpital de campagne. Tous les hôpitaux de la région sont en alerte.

Berlusconi annule tout

La situation semble encore plus dramatique dans les villages d'Onna et de Paganica, où plus de la moitié des maisons se sont écroulées. Les secours ont toutes les peines du monde à y parvenir, car toutes les routes ont aussi été endommagées. Le bilan actuel - 40 morts - devrait rapidement s'aggraver dans les heures qui viennent. Le président Berlusconi, qui a annulé un voyage à Moscou, est en vol et devrait arriver sur place dans la matinée.

Mais déjà, la polémique fait rage. Au centre de toutes les attentions : Giampaolo Giuliani. Ce chercheur, membre du Laboratoire national de physique, a alerté, au cours des dernières semaines, les autorités sur le regain d'activité sismique dans la région de L'Aquila. Il affirmait alors avoir mis au point une machine permettant de prévoir les tremblements de terre "de 6 à 24 heures avant qu'ils ne surviennent". Dans une interview accordée le 24 mars au blog donnedemocratiche.it, il estimait que cela pouvait annoncer un "tremblement de terre de grande amplitude", des propos qui lui ont valu une inculpation pour "diffusion de fausses nouvelles alarmantes", et qui ont été retirés du site pour laisser place à un plus consensuel "Je pense pouvoir tranquilliser mes concitoyens".
Peu après, dans une autre interview accordée à une chaîne de télévision locale, le chercheur décrivait sa machine, basée sur l'étude du "comportement" de l'élément chimique radon, et évoquait également l'épisode sismique de ces derniers jours, "non exceptionnel", mais "légèrement plus intense" que les autres années, "suffisamment pour être ressenti par la population"...

C'est le pire tremblement de terre dans la Péninsule depuis plus de 10 ans. Bilan provisoire : au moins 150 morts, 1.500 blessés et plus de 50.000 sans abri. Le nombre de victimes du violent séisme, qui secoué tôt lundi la province montagneuse des Abruzzes, dans le centre de l'Italie, ne cesse de s'alourdir. D'une magnitude de 6,3 sur Richter, la secousse a frappé la région de L'Aquila, une ville de 68.000 habitants, en pleine nuit.

Les images en boucle des télévisions montrent des toits effondrés, des routes jonchées de pierre tombées de la montagne. Au total, plus de dix mille maisons et édifices ont été endommagés. Craignant des répliques, beaucoup des habitants de cette ville à l'architecture médiévale du XIIIe siècle, bourgeoise et commerçante, ont par la suite quitté les lieux rapidement. Une partie d'un hôpital de la ville a du également être évacuée car elle menaçait de s'effondrer en cas de réplique.

Les prières du pape

Les secours sont évidemment à pied d'œuvre. Une course contre la montre s'est engagée pour sauver les personnes sous les décombres. Equipes de sauveteurs avec des chiens et des engins lourds, construction d'un village de tente pouvant abriter jusqu'à 20.000 personnes, des hommes et pompiers en renfort...

Dans la matinée, le Premier ministre Silvio Berlusconi a décrété l'urgence nationale. Le numéro 1 du gouvernement a par ailleurs renoncé son déplacement en Russie. Selon le chef de la protection civile Guido Bertolaso, coordonnateur des secours, il faudra "beaucoup de temps" pour faire disparaître les traces de cette catastrophe.

Tandis que le pape Benoît XVI prie "pour les victimes", de nombreux pays ont immédiatement offert de l'aide à l'Italie. Pour l'instant, "nous n'en avons pas besoin", a affirmé le responsable de la protection civile. Les présidents américain et russe ont présenté leurs condoléances aux victimes. Nicolas Sarkozy a assuré Silvio Berlusconi de sa "profonde sympathie", et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lui a "adressé ses condoléances".

20 millions d'Italiens concernés

La secousse a été ressentie dans tout le centre de l'Italie, de l'Adriatique à la mer Thyrénienne, et notamment dans la capitale où elle a réveillé de nombreux romains. C'est le séisme le plus meurtrier en Italie depuis celui qui avait fait 2.735 morts en 1980 en Campanie, dans le sud du pays.

L'ensemble du territoire italien, qui s'étend sur plusieurs plaques tectoniques, est fortement exposé aux risques de tremblements de terre. Vingt millions d'Italiens sont "potentiellement exposés au risque sismique", selon la protection civile.

Après le séisme meurtrier qui s'est produit dans la nuit de dimanche à lundi, une nouvelle forte secousse a été ressentie mardi vers 19 h 45 aussi bien dans les Abruzzes que dans la capitale où les immeubles ont tremblé plusieurs secondes. La réplique, qui est la plus forte depuis le séisme de lundi matin, est d'une magnitude située entre 5,5 et 5,7 sur l'échelle de Richter, selon la chaîne de télévision Sky TG-24.


Le séisme de lundi était de 5,8 sur la même échelle. La secousse a provoqué de nouveaux dégâts à L'Aquila où des bâtiments déjà endommagés se sont écroulés dans le centre de la ville, selon l'agence Ansa.



Au moins 228 morts

L'Italie est meurtrie par la catastrophe qui l'a frappée en début de semaine. Le tremblement de terre de lundi a fait au moins 228 morts dont les corps sont entreposés à la morgue de L'Aquila, au coeur de la zone sinistrée. 17.000 personnes sont privées d'abri.

Le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a annoncé que 20 camps de tentes équipés de 16 cuisines de campagne allaient être installés d'ici mardi soir pour accueillir «14.500 personnes».

Les opérations de secours, auxquelles participent plus de 7.000 pompiers, militaires et policiers, prendront fin dans «48 heures, quand nous aurons la certitude» qu'il n'y a plus personne sous les décombres, a-t-il indiqué.

Beaucoup de quartiers de L'Aquila n'ont plus l'électricité ni l'eau, et les services de secours n'ont pas encore eu la possibilité d'installer partout des des WC chimiques. Les fêtes de Pâques ont été annulées. Plus de 10.000 maisons et édifices ont été endommagés dans cette zone riche en monuments baroques, dont plusieurs églises et un château du XVe siècle.

Selon une première estimation gouvernementale, 1,3 milliard d'euros seront nécessaires pour la reconstruction des édifices et des maisons. Avant celui de lundi, le séisme récent le plus meurtrier en Italie s'était produit le 23 novembre 1980 et avait fait 2.916 morts et 20.000 blessés dans la région de Naples (sud).

Toutes les manifestations sportives de mercredi à dimanche débuteront avec une minute de silence en hommage aux victimes.

Onze ans après le séisme qui avait provoqué l'effondrement de la voûte de la basilique d'Assise, le patrimoine culturel des Abruzzes est à son tour durement touché.

Dans toute la région du massif du Gran Sasso, dont les sommets enneigés dominent la capitale des Abruzzes, aucune église n'a été épargnée par le tremblement de terre. C'est la mort dans l'âme que l'évêque de L'Aquila, Mgr Giuseppe Molinari, réfugié dans un couvent faute de pouvoir accéder au siège de l'épiscopat, a égrené les noms des trésors gravement endommagés ou perdus à jamais.
Six églises majeures de L'Aquila figurent sur cette liste. La basilique de Saint-Bernard a perdu son abside et son campanile. Une banque régionale s'est déjà offerte pour reconstruire l'édifice qui héberge la relique du saint patron de L'Aquila.
Les églises des Âmes Saintes en plein centre-ville, Saint-Sylvestre, Sainte-Maria du Suffrage sont également touchées : coupoles éventrées, nefs effondrées, façades lézardées ou à moitié démolies. D'hélicoptère, le regard ne voit que des toits béants laissant les maîtres autels sans protection. La pluie glaciale tombée lundi soir n'a fait qu'accentuer les dégâts et a rendu les structures encore plus bringuebalantes.
Le parvis en porphyre de la cathédrale est entièrement détruit. Sentinelle insolite d'une cité désormais déserte, le carillon d'un dôme continue de sonner tous les après-midi à cinq heures.
Dans les parages, la très belle basilique de Collemaggio, l'un des chefs-d'œuvre les plus marquants de l'art roman en Italie, dont la coupole avait été dessinée par l'architecte Giuseppe Valadier, n'existe plus. Seule sa façade, encagée dans des échafaudages d'acier pour être restaurée, est encore debout, mais il est à craindre qu'elle ne s'effondre bientôt.
Les dégâts sont aussi importants dans le village de Fossa : la délicieuse église de Santa Maria Assunta a perdu son campanile. Dans la vallée de Sant'Elia, plus aucune église n'a de clocher. À Paganica, le couvent a été écrasé comme par un gigantesque coup de poing. Une sœur y a trouvé la mort.
Jusqu'aux thermes romains de Caracalla



Également rasée, la préfecture de L'Aquila installée dans un couvent franciscain du XVIIe. La massive forteresse espagnole qui domine la ville a perdu son troisième étage. Les murs d'enceinte datant du XVIe ont été en partie détruits. Porta Napoli, la plus vieille entrée de la ville, a été réduite à l'état de ruine.
La secousse a été ressentie dans toute l'Italie centrale. À Rome, il a accentué une faille provoquée par les pluies de cet hiver sur une paroi des prestigieux thermes de Caracalla. «Rien de grave toutefois», assure au Figaro le superintendant de la capitale aux biens archéologiques Angelo Bottini. Le musée ethnographique Pigorini a également dû être fermé.
Le ministre de la Culture, Salvo Bondi, est attendu à L'Aquila pour un inventaire détaillé des dégâts. Il devra définir les opérations de restauration du patrimoine qui pourront être entreprises.

Homme d'affaires richissime avant de devenir politicien, Silvio Berlusconi possède au moins quatre villas luxueuses, dont une sur le lac de Côme, et une propriété de 50 hectares en Sardaigne.

Le séisme des Abruzzes a fait environ 28.000 sans-abri. 18.000 sont pour l'instant hébergés dans de grandes tentes bleues installées à la périphérie de L'Aquila. Même si Silvio Berlusconi a comparé mercredi cette situation à un "week-end au camping" (lire notre vidéo : "Berlusconi : "les sinistrés font du camping'"), les conditions y sont difficiles en raison du manque d'eau chaude, de douches, de toilettes chimiques et d'électricité. Les autres vivent dans leur famille ou sont invités par des voisins, voire des inconnus, qui leur proposent leur toit.

Vendredi, après la cérémonie d'hommage aux victimes -289 selon le dernier bilan, encore provisoire-, Silvio Berlusconi envisage de mettre à disposition ses maisons. "Beaucoup de personnes ont déjà offert leurs maisons pour aider les sans-abri du tremblement de terre, et moi aussi je vais faire ce que je peux en offrant certaines de mes demeures", explique le Premier ministre.

L'Italie veut faire barrage à la mafia dans le marché juteux de la reconstruction d'après le séisme du 6 avril. Lundi, le procureur national antimafia a annoncé qu'un pool de magistrats spécialisés dans la criminalité organisée veillerait sur la reconstruction des zones détruites. Ces quatre magistrats spécialisés dans la lutte contre la mafia auront pour objectif de vérifier si les entreprises participant aux appels d'offre sont contrôlées par des organisations criminelles ou ont des liens avec la mafia, selon Piero Grasso, cité par l'agence Ansa.

"Nous devons agir en amont, afin d'éviter (d'en arriver) aux procès. Nous voulons éviter que des chacals s'en prennent aux caisses de l'Etat. Nous voulons que l'argent de la reconstruction revienne à qui de droit", a-t-il expliqué.

Le séisme de magnitude 5,8 a causé la mort de 295 personnes et détruit ou endommagé près d'un tiers des bâtiments et maisons, selon les experts. Le nombre de sans-abris est évalué à près de 58.000 personnes, dont 34.000 actuellement logées sous des tentes. Le président du Conseil, Silvio Berlusconi avait assuré peu après le séisme que la reconstruction serait supervisée par le gouvernement dans la "transparence la plus totale".