La France va encadrer les bonus des traders
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La France va encadrer les bonus des traders
LE MONDE | 07.02.09 | 14h52 •
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b]La France sera-t-elle le premier pays à limiter les bonus des traders, qui ont atteint des niveaux record en 2007 ? Lors de son intervention radiotélévisée, jeudi 5 février, Nicolas Sarkozy a fustigé "le système de rémunération de ceux qu'on appelle les traders, ces jeunes gens qui jouaient à spéculer" et dont "les rémunérations étaient indexées sur la prime de risques". "Ça a conduit à la catastrophe que l'on sait, a ajouté le chef de l'Etat. C'est ça qu'il faut interdire !" Les propos virulents de M. Sarkozy pourraient être rapidement suivis d'effet. Sous l'injonction de l'Etat, qui en fait une contrepartie à son aide au secteur bancaire, les banques françaises se sont engagées à réformer le mode de rémunération de leurs "professionnels des marchés".[/b]
Le Monde a eu copie d'un accord entre les grands établissements bancaires, la direction du Trésor, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et la Commission bancaire. Il pose de nouvelles règles qui vont entrer en vigueur dès cette année pour les primes que les traders toucheront début 2010. Ce "code éthique" sera soumis dans les prochains jours à Christine Lagarde, ministre de l'économie.
Ces règles ont été élaborées au sein du Haut comité de place, think tank politico-économique rassemblant pouvoirs publics, banques et autorités de tutelle, sis à Bercy. Elles seront applicables dès 2009, pour les primes versées début 2010. Dans le champ d'application de ce code éthique figureront les traders et les salariés de la banque d'investissement, quel que soit le statut de leur employeur : banque, entreprise d'investissement, société de gestion ou de capital investissement...
L'accord, que doit encore approuver la ministre des finances, Christine Lagarde, entend s'attaquer aux excès observés ces dernières années. Il vise à modérer le poids de la part variable de la rémunération, par rapport au salaire, afin que celle-ci n'encourage des prises de risque inconsidérées.
Le texte a aussi pour but de limiter, sinon de supprimer, les bonus garantis. Cette pratique controversée, très répandue, vise à tenir compte de la compétition entre les places financières, surtout entre Paris et Londres, pour attirer les meilleurs traders. Elle permet à des traders, seniors comme juniors, de toucher des sommes records - des millions d'euros, de livres ou de dollars, selon le pays où elles sont versées -, quelles que soit leurs performances réelles et l'argent qu'ils ont, ou non, rapporté à leur banque.
Dans le détail, cet accord "de place" comporte quatre volets. Le premier porte sur "la composition de la rémunération". Il préconise de verser des salaires "suffisamment importants pour rémunérer l'accomplissement par le professionnel des obligations de son poste, le niveau de compétence, les astreintes et l'expérience".
La part variable de la rémunération, bien séparée de la part fixe, ne pourrait être versée qu'en fonction "des gains réels (dégagés) pour l'entreprise tout en tenant compte des intérêts des clients". En clair, "la pratique des bonus garantis non liés à la performance doit être prohibée, sauf en cas d'embauche ou de rétention de professionnels ayant des fonctions clefs. Dans ces cas, les bonus devront être limités à un an."
ADAPTER À LA RÉALITÉ
Le deuxième volet concerne "l'assiette et la date des versements" des bonus. Ceux-ci doivent être "cohérents avec les objectifs assignés au professionnel", mais aussi avec "ceux de son équipe et son entreprise". Tous les coûts (capital, liquidité, risque etc.) devront être intégrés, pour adapter les primes à la réalité économique des profits et plus seulement des gains comptables. Il ne sera plus question d'anticiper sur des résultats futurs. Une part "significative" des primes devra être différée dans le temps, pour "prendre en compte les résultats complets des opérations initiées durant un exercice donné". Concrètement, si des positions de marchés se révélaient perdantes, le bonus serait supprimé.
Le troisième point préconise de verser une part de la rétribution "en titres ou en options sur titres", afin que les primes soient fonction du cours de Bourse de l'entreprise.
Dans son dernier point baptisé "gouvernance", le texte prévoit d'informer le Conseil d'administration "des principes de la politique de rémunération" et "de leur déclinaison au niveau individuel", quand règne aujourd'hui l'opacité. Ainsi, certains administrateurs de la Société générale auraient découvert, stupéfaits, lors de l'affaire Kerviel, l'ampleur de certains bonus. Dans plusieurs grandes banques françaises, en 2006 et en 2007, environ un millier de salariés auraient perçu des bonus supérieurs à 100 000 euros, dont beaucoup à New York. Pour une poignée de stars, dans les activités de marchés d'actions, ces primes ont excédé les 10 millions.
Sur le papier, ces règles sont un progrès. Les traders ne seraient plus seulement associés aux profits mais aussi aux pertes. Leur objectif de profits à court terme ne nuirait plus aux intérêts à long terme des entreprises. Mais les banques l'appliqueront-elles, alors que les bonus constituent un élément de compétition ? Selon un artisan du texte, la Fédération bancaire française (FBF), représentée par Georges Pauget, par ailleurs patron du Crédit agricole, se serait montrée "fort coopérative". Cet engagement devra toutefois se confronter au principe de réalité, et à la crainte de certains établissements de voir leurs meilleurs éléments se délocaliser à Londres.
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