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«En classe, il faut inscrire le conflit à Gaza dans une réalité historique»

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Message  livaste Sam 17 Jan - 23:26

Education. Sébastien Ledoux, enseignant à Grigny, sur les éventuelles tensions à l’école :


Recueilli par JACKY DURAND



Comment aborder l’offensive sur Gaza et ses éventuelles répercussions en France devant une classe de collégiens ou de lycéens ? Libération a posé la question à Sébastien Ledoux, professeur d’histoire-géographie, depuis dix ans, au collège Jean-Villar à la Grande-Borne, une grande cité de Grigny (Essonne), ville au sud de la banlieue parisienne. Il est également chercheur à l’Ecole pratique des hautes études et l’auteur de Créer l’espace enseignants-élus pour construire le savoir (éd. Chronique sociale).


Avez-vous constaté des tensions dans votre établissement ?
Il n’y a aucune tension visible dans mon collège depuis le début de l’offensive à Gaza. J’ai seulement remarqué quelques élèves isolés qui portent le keffieh palestinien. En classe, les élèves n’en parlent pas. Il n’y pas non plus de tag en rapport avec l’actualité.

Vous n’en parlez pas ?
Pas spontanément. J’en parle si c’est en rapport avec le cours. En sixième, il est question du peuple hébreu, et en troisième, on aborde le conflit israélo-palestien et là, oui, je fais un éclairage par rapport à ce qui se passe aujourd’hui à la lumière de l’Histoire. En fait, j’en parle chaque année car je crois que c’est important de ne pas s’arrêter à la perspective de l’actualité. Il faut décoller les événements contemporains de l’émotion, de l’immédiateté pour les inscrire dans une temporalité précise avec des repères chronologiques. L’enjeu est d’éviter «l’essencialisation du conflit», c’est-à-dire que les élèves pensent «les Juifs et les Arabes sont des ennemis héréditaires» ou encore «Parce que tu es juif ou que tu es arabe, tu es mon ennemi».

Comment éviter ce risque ?
Le rôle du prof d’histoire-géographie, c’est d’avoir un discours historique sur le rapport d’un peuple à son territoire. J’explique que l’Etat d’Israël ne s’est pas construit comme ça, sur un coup de baguette magique, que c’est l’aboutissement d’un mouvement politique, le sionisme, comme il y a, côté palestinien, un mouvement idéologique lié au nationalisme arabe. Ce ne sont pas des détails. Il faut montrer aux élèves que les événements n’arrivent pas de façon immanente, qu’il y a toujours des processus de construction à l’œuvre. Cela leur permet d’entendre un discours plus structuré, qui dépasse les émotions, pour s’inscrire dans des termes plus objectifs. J’insiste sur la légitimité de l’Etat d’Israël comme sur celle d’un Etat palestinien. Avant tout, il faut inscrire en classe le conflit israélo-palestinien dans une réalité historique pour échapper à une vision qui reposerait sur «un choc des civilisations». Il faut aussi éviter de tomber dans le piège du «conflit de religions» comme le font certains manuels scolaires.

Comment évoquer l’antisémitisme ?
Par une position éthique. En disant : «Attention, il faut dissocier l’antisémitisme, la haine contre le Juif et une opinion sur l’Etat d’Israël et la politique israélienne.» Ça peut ne pas être très clair chez certains élèves qu’il faut mettre en garde contre le risque d’associer un individu à la politique d’un Etat. Cela peut être compliqué car il y a des phénomènes d’identification dans les communautés.

Justement comment prenez-vous en compte ces identifications ?

Pour détendre les tensions exacerbées par les phénomènes d’identification, il faut renvoyer chacun à sa part d’humanité, dire qu’un Juif, un Arabe, c’est d’abord un être humain avant les affiliations politiques. Cela peut sembler naïf mais c’est fondamental.

Des jeunes de banlieue estiment-ils partager le sort des Palestiniens ?
A la télévision, on parle de «territoires palestiniens», de «forces d’occupation». Cela peut avoir une résonance chez certains jeunes de banlieue qui se vivent comme habitants d’un ghetto où l’intrusion des forces de l’ordre est vécue comme une occupation. Après, il y a des phénomènes plus concrets à l’œuvre dans l’identification : la situation socio-économique, la sureprésentation des enfants dans les cités font que des habitants peuvent éprouver un sentiment d’injustice qu’ils comparent à ce que vivent les Palestiniens.

Que faites-vous dans ce cas ?
Mon discours va être celui du prof, de rappeler qu’il y a une égale valeur intrinsèque entre les individus. Evidemment, ce n’est pas simple quand sont à l’œuvre des slogans stigmatisant les populations arabo-musulmanes des banlieues. Mais il faut à tout prix éviter que les gens s’installent dans un discours, un sentiment victimaire. Il s’agit de tenir un discours de restauration de l’estime de soi.

Et si vous vous retrouvez en présence d’attitudes antisémites ?
Evidemment, on peut établir d’emblée une sanction. Mais ce qui m’importe d’abord, c’est de dire à l’élève concerné : ceci n’est pas une opinion mais un délit d’opinion condamné par la loi au sens juridique, mais également par la loi des hommes au sens anthropologique : puisqu’il s’agit d’une incitation à la haine, il faut rappeler la nécessité du vivre ensemble, expliquer que la diversité oblige à accepter l’autre, sa différence à côté de soi. Il faut retrouver la manière de penser cette coexistence. Je pense au dernier livre de Théo Klein, Sortir du ghetto, qui incite Israël à sortir de la tentation du repli sur soi. Cela dit, ce n’est pas tant l’antisémitisme ouvert qui m’inquiète que celui dans les têtes. Moi, ce dont j’ai peur, c’est que des élèves évitent la provocation verbale à cause de la menace du conseil de discipline, mais continuent d’avoir des pensées antisémites en silence. C’est pour cela que, face à l’incitation à la haine, la réponse ne peut pas être que la sanction. Il n’y a rien de pire que d’interdire sans parler, sans continuer à réfléchir ensemble, malgré tout.

Bravo , Monsieur le professeur !
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