Le «blues» des traders français de Londres
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Le «blues» des traders français de Londres
Par Cyrille Vanlerberghe, correspondant à Londres
21/10/2008 | Mise à jour : 15:32 | Commentaires 87 .
La capitale britannique a longtemps été un eldorado de l'argent facile pour les jeunes Européens. Aujourd'hui, ils déchantent et songent au retour.
il y a encore quelques mois , on nous affirmait qu'il fallait oser , oser aller vers l'eldorado britanique !!
Exilez vous , qu'ils disaient aux jeunes diplomés en quête d'emploi , si vous voulez du travail , si vous n'êtes pas des feignasses , partez outre Manche !
21/10/2008 | Mise à jour : 15:32 | Commentaires 87 .
La capitale britannique a longtemps été un eldorado de l'argent facile pour les jeunes Européens. Aujourd'hui, ils déchantent et songent au retour.
«Avant, Londres était un eldorado pour les Français de la finance, explique Édouard d'Archimbaud, 24 ans. Mes amis me conseillent maintenant d'aller à Dubaï ou Singapour.» En quelques heures, Édouard d'Archimbaud est devenu, dans les médias britanniques, le symbole de la fin du rêve londonien pour bien des Français.
Ce jeune polytechnicien est arrivé le lundi 15 septembre pour son premier jour de travail, au 25 Bank Street, dans le quartier d'affaires de Canary Wharf. Il descendait juste de l'Eurostar, dont il redoutait un éventuel retard. Petite appréhension qui n'était rien comparée au «lundi noir» qu'il s'apprêtait à vivre. Ce jour-là, le 25 Bank Street, siège londonien de Lehman Brothers, est sous le choc : la célèbre banque d'affaires américaine vient de faire faillite. Édouard, qui avait été embauché comme trader pour un salaire annuel de 45 000 livres (58 000 euros), n'a même pas le temps de s'asseoir à un bureau. Il est débarqué. Et, après quelques jours d'infructueuses recherches de boulot outre-Manche, il doit faire demi-tour en France. Le rêve d'une carrière à la City s'effondre. «On venait de s'installer dans notre appartement avec mon colocataire, raconte-t-il. Impossible pour moi de payer les 720 livres de loyer mensuel.»
Le jour de la chute de Lehman Brothers, sa mésaventure a été reprise par la BBC et tous les quotidiens britanniques. L'histoire est, depuis, devenue une sorte de légende que se racontent les traders en salles de marché. Depuis quelques mois, bien d'autres Français, chez Lehman et dans d'autres banques, ont fait les frais de la crise financière. Sans l'exposition médiatique d'Édouard d'Archimbaud, ils sont des dizaines, cachés anonymement derrière les chiffres de licenciement annoncés par les banques.
«Après plusieurs années de mouvements de Paris vers Londres, j'essaie de faire comprendre à mes contacts en France qu'il va y avoir un flux Londres-Paris, souligne Stéphane Rambosson, associé dans le cabinet de chasseurs de tête Veni Partners. Le flux n'est pas encore très important. On n'observe pas de vague massive de retour en France, car les gens cherchent d'abord à rester à Londres : il faut être désespéré pour partir en cours d'année quand on a des enfants scolarisés. Attendons en juin et la fin de l'année scolaire pour y voir plus clair.»
Au moins 60 000 expatriés dans la finance
D'après plusieurs estimations réalisées par des agences britanniques, l'activité dans la finance va se comprimer d'environ 50 % cette année. Ce qui va obliger les entreprises à réduire leurs coûts et leurs effectifs. Le cabinet d'études CEBR estime que la City va perdre 62 000 emplois en 2008 et 2009.
Pour diminuer les dépenses, «il n'y a pas que l'emploi, poursuit Stéphane Rambosson. Les banques font des économies dans tous les domaines, certaines ne remboursant même plus les taxis pour aller de Canary Wharf au centre de Londres. Les banquiers doivent prendre le bus ou le métro. Autre levier important, la baisse des bonus, dont l'enveloppe totale pourrait diminuer de 70 % l'année prochaine. Les sociétés feront des efforts pour les employés qu'elles veulent vraiment garder : ceux-ci ne perdront que 20 % de leurs bonus. Ceux dans la moyenne auront 50 % de primes en moins. Les autres, on leur dira, votre bonus, c'est d'avoir encore votre job !»
Les Français seraient au moins 60 000 à travailler dans les établissements financiers de la City et de Canary Wharf. Une très grosse proportion des 300 000 salariés de la finance à Londres. Stéphane Rambosson est de ceux qui n'ont pas attendu d'être licenciés pour quitter la banque et opérer un changement de carrière radical. «J'ai passé douze années en banque d'affaires, d'abord chez Schroders puis chez Citigroup, confie-t-il, confortablement installé dans un des fauteuils en cuir du Royal Automobile Club, établissement très british installé dans l'un des quartiers les plus chics de la capitale anglaise. Citigroup a énormément perdu d'argent à cause de la crise du subprime, et elle détient le triste record d'être celle qui a le plus licencié depuis un an : 23 500 suppressions de poste dans le monde !»
«J'étais fatigué de mes années de travail sur les marchés d'actions français, qui sont hypercompétitifs, et j'avais envie de changer, poursuit l'ancien banquier. Deux opportunités s'offraient à moi : ou je partais en Asie pour mettre à profit mes compétences et continuer dans la finance, ou bien je changeais de métier. J'ai choisi de devenir chasseur de tête, une activité qui m'avait toujours tenté et je suis aujourd'hui très heureux de mon choix.»
Tout le monde n'a pas eu la chance de prendre ce genre de décision dans d'aussi bonnes conditions. «Cet été, ma boîte a explosé, ce sont mes derniers jours de travail», témoigne avec franchise Antoine. Il pratiquait le private equity ( prise de participation dans les sociétés non cotées) dans un groupe britannique tombé en faillite en juillet en voulant appliquer à la finance les méthodes d'endettement massif qui avaient fait sa fortune dans l'immobilier. «Nos effectifs sont passés de 350 personnes à 50 en trois mois, mais là c'est vraiment la fin, déclare ce Français de 36 ans qui revient d'un voyage en Suisse où il a vendu les derniers actifs de l'entreprise. J'ai d'abord commencé par chercher du travail à Londres dans mon domaine. Mais, depuis quelque temps, j'ai changé mes priorités, notamment sur le plan géographique. Je regarde vers Paris et le reste de l'Europe, ainsi qu'en Asie. Je sais qu'il faut être réaliste, flexible, même si ma femme est anglaise et préférerait rester ici. Et puis même si un tiers de mes pistes sérieuses vient des Émirats et des pays du Golfe, je n'ai pas forcément envie d'aller me mettre dans la prochaine bulle spéculative.» Heureusement, après huit ans passés sur les marchés d'actions, Antoine a quelques réserves. Il «n'a pas immédiatement besoin d'un job pour manger».
«Regarder à Tokyo, Hongkong ou Dubaï»
Alexandre, spécialiste des produits dérivés chez UBS et installé à Londres avec sa famille depuis neuf ans, se demande s'il aura encore un emploi à la fin de l'année. Le type de produits complexes et très structurés sur lequel il est devenu hyperspécialisé n'a plus la cote au sein des banques. Et, de toute façon, le géant suisse UBS est en train de dissoudre de nombreuses équipes. «UBS a déjà viré beaucoup de monde, principalement des juniors, et il va y avoir une deuxième vague de licenciements avant la fin du mois d'octobre, avant la publication des résultats trimestriels, raconte Alexandre. Avec ma femme, nous réfléchissons à l'avenir en cas de perte de mon emploi. Gros problème, nous avons acheté une maison quand le marché était au plus haut. Est-ce qu'on vend maintenant pour couper nos pertes, alors que l'immobilier a déjà baissé et baisse encore, ou est-ce qu'on tient bon en attendant que le marché remonte ? Ce qui voudrait dire qu'on reste encore dix à vingt ans à Londres. J'entends souvent des gens qui disent qu'il faut revenir en France, mais pour quoi faire ? Dans mon domaine, très spécialisé, il n'y a pas de job à Paris. Je vais plutôt devoir regarder à Tokyo, Hongkong ou Dubaï.»
Les retours en France sont encore rares malgré la gravité de la crise. Les premiers à partir devraient être les plus jeunes. Ceux de 20 à 30 ans, qui n'ont pas encore eu le temps de s'enrichir et de mettre beaucoup d'argent de côté. «Pour les juniors, ça va être très difficile, constate Antoine. Les jeunes diplômés avec moins de trois ans d'expérience, peu spécialisés, n'ont à vendre que leur intelligence et leur force de travail. Je pense qu'ils rebondiront dans d'autres métiers et dans leur pays d'origine.»
«J'ai fait partie d'un licenciement massif de 1 500 personnes chez Lehman Brothers au mois de juin, indique Marc Lupianez, analyste financier de 29 ans sur le marché de l'électricité. J'étais chez Lehman depuis moins de deux ans, et j'ai fait partie des premiers qui ont été virés. Il m'a fallu du temps pour comprendre que j'avais été licencié en raison de ma faible ancienneté. Heureusement, ma femme travaille, elle est aussi dans la finance, et nous pouvons encore payer notre loyer qui est très élevé. Nous nous sommes donnés six mois pour que je trouve un boulot. Je ne ferme aucune porte. Je cherche aussi dans les secteurs du conseil et de l'industrie. Je suis prêt à rentrer à Paris, s'il le faut.»
il y a encore quelques mois , on nous affirmait qu'il fallait oser , oser aller vers l'eldorado britanique !!
Exilez vous , qu'ils disaient aux jeunes diplomés en quête d'emploi , si vous voulez du travail , si vous n'êtes pas des feignasses , partez outre Manche !
Re: Le «blues» des traders français de Londres
Ca devrait en rendre certains un peu moins arrogants, enfin au moins pour quelques temps... Cela dit, ce n'est certainement pas moi qui vais pleureur sur leur sort. Après avoir méprisé et dénigré le système qui les a (visiblement bien) formés, c'est un peu facile de jouer les fils prodigues et de rentrer chez papa en promettant qu'on ne les y prendra plus.
Octave- Maire
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