Un pédophile, récidiviste présumé, laissé libre

Mis en examen pour «viol, corruption de mineur, proxénétisme» et laissé libre. Telle est la décision prise mercredi dernier par un magistrat du tribunal de grande instance de Douai et qui fait aujourd'hui scandale. Contre l'avis du parquet, un juge des libertés a en effet préféré placer sous contrôle judiciaire un homme de 46 ans déjà condamné en 1997 à une peine de 15 ans de réclusion criminelle pour des faits de pédophilie. Pour les parents de la victime, aujourd'hui âgée de 15 ans, cette décision est choquante car, selon eux, le suspect s'en serait pris à leur fils, Adrien (1), peu après sa sortie de prison en 2004. Laissé en liberté, ce dernier réside par ailleurs à quelques kilomètres de chez eux.

Cette nouvelle affaire de pédophilie a été révélée par l'adolescent, abusé pendant quatre ans par cet homme qui se faisait passer pour un éducateur. La semaine dernière, il a fini par révéler à son grand frère ce que lui infligeait son soi-disant protecteur. Adrien a raconté qu'il avait été violé mais aussi violenté et enfermé dans un cagibi s'il résistait. Il aurait par ailleurs été livré à d'autres hommes moyennant finance. Un long calvaire infligé loin du regard des parents. D'origine modeste, ces derniers avaient en effet placé leur fils chez cet homme. «C'était commode, car ce dernier résidait juste à côté du collège d'Adrien. Mon petit frère était également turbulent et, en le confiant à cet éducateur, on pensait que ça l'aiderait. Et puis cet homme était devenu le parrain de mon frère», raconte Nicolas, 22 ans.


«Risque de pression»

Pour le procureur de Douai qui a aussitôt fait appel de la décision du juge des libertés, il y a tout lieu de prendre au sérieux l'affaire. «Des éléments matériels confortent les déclarations de la victime», indique Luc Frémiot. Ainsi, le médecin qui a examiné l'enfant a constaté les sévices sexuels. D'autre part, un autre mineur a lui aussi porté plainte contre le même auteur présumé qui, de son côté, nie farouchement les faits.

La décision du juge des libertés risque d'avoir des conséquences sur l'enquête. Des investigations sont en effet en cours pour vérifier les déclarations du mineur qui évoque d'autres agresseurs. Les enquêteurs cherchent à les identifier. «J'avais requis la détention en raison du risque de pression sur les victimes et sur les témoins», fait observer le procureur qui, au vu des éléments du dossier, considère le suspect «comme dangereux». «Qu'en est-il du risque de réitération ?», s'interroge pour sa part Me Emmanuel Riglaire, avocat du jeune Adrien. Ce ne serait pas la première fois que ce juge des libertés se distingue par ce genre de mesures. Le même jour que l'affaire de pédophilie, il a ainsi relâché plusieurs suspects impliqués dans une affaire d'escroquerie où nombre d'investigations étaient prévues. À commencer par des perquisitions qui, du coup, ont toutes échoué, murmure-t-on dans les couloirs du palais de justice. Le 3 octobre, la chambre d'instruction se prononcera sur le sort du pédophile présumé.