Une chaine culturelle

La chaîne de Martin Bouygues espérait rafler la mise en inspirant la réforme de l'audiovisuel, mais la crise et la montée de la TNT ont bouleversé ses plans.

TF1 et ses hommes, cela fait longtemps que Christian Kert, député UMP des Bouches-du-Rhône, les pratique. Et plus encore ces derniers mois. Rapporteur de la loi sur l'audiovisuel public, Kert sort du marathon parlementaire qui a supprimé la pub sur France Télévisions... Et donc favorisé les chaînes privées. Au fil des ans, des liens se sont tissés avec Jean-Michel Counillon, le «lobbyiste» officiel de la chaîne, qui a une maison dans sa circonscription et qui avait invité le député à son mariage. Or qui a déposé l'amendement crucial fixant le montant dont les chaînes privées devront s'acquit ter au profit de France Télévisions ? Kert. Plus stupéfiant encore : ce texte se trouve être le pur copié-collé d'une note de TF1, comme l'a révélé «le Canard enchaîné», documents à l'appui. La rédaction de cet amendement fait économiser 25 millions d'euros à TF1 par rapport à la version initiale. Belle victoire pour Counillon, mais Christian Kert assume : «Il est apparu à l'automne que la crise anéantissait l'effet d'aubaine de la réforme. J'ai appelé TF1, M6. Ils m'ont fait des propositions Celle de TF1 était la mieux rédigée.» Effet d'aubaine ? C'étaient les recettes publicitaires qui devaient migrer de France 2 sur TF1 et M6... et qui n'y sont jamais arrivées.
Si TF1 dispose de relais aussi efficaces au Parlement, Nonce Paolini, son patron, n'y est pour rien. Lorsqu'il est nommé en mai 2007, il n'a aucune connexion politique. Il ne maîtrise pas - comme Etienne Mougeotte, l'ex-vice-PDG - la carte électorale et le pedigree de chaque élu, mais il profite d'une stratégie définie en 2002. La chaîne avait alors listé parmi les nouveaux élus cent noms sur lesquels «investir, car il est plus facile de faire réparer une fuite quand on connaît le plombier», raconte un ancien. Les critères ? «Des gens sympas, de droite et de gauche, à l'exclusion des cons.» Ils ont eu droit à des rencontres avec Patrick Le Lay, l'ex-président de TF1, des places pour des avant-premières... «Là-dessus, il en est resté vingt vraiment utiles», décrypte le spécialiste. La chaîne leur a appris «ce qu'est la télé» : un après-midi, on les emmène découvrir la régie numérique; lors de petits déjeuners, on leur enseigne ce qu'est la vidéo à la demande, on leur ouvre le show-room ultrasécurisé où des techniciens leur présentent la télé du futur. Parmi les volontaires : Nadine Morano, Xavier Bertrand, Luc Chatel, etc. TF1 ne manque pas de nez : ces trois-là sont devenus ministres. Et, pour les membres de cabinets ministériels, dîners et, quand c'était la mode, places pour la «Star Ac».
2009 sera pire
Le temps consacré aux élus n'a pas été perdu au regard des multiples cadeaux obtenus avec la dernière loi : un allongement du temps d'antenne réservé à la publicité et le droit de couper deux fois, par des spots, films et fictions. Voilà qui aurait dû remplir les coffres... Mais la crise a tout bouleversé. En 2008, le chiffre d'affaires a baissé de 5,3%, et le bénéfice de 28,1% à 164 millions d'euros. Et 2009 sera pire : Paolini estime que son chiffre d'affaires reculera de 9%, soit 225 millions d'euros de moins dans les caisses ! Une hypothèse qui a torpillé l'action du groupe (-36,5% en Bourse, depuis le 1er janvier). «Vous regardez TF1 comme un monstre, s'exclamait, il y a peu, Alain Minc. Mais pensez que la valeur du groupe TF1 en Bourse est inférieure à ce qu'elle était en monnaie constante quand elle a été privatisée, il y a vingt-deux ans !»
Le TF1 2009, malgré ses soutiens politiques, est donc en petite forme : 26% d'audience, contre 42% dans les années 1990. Et du coup TF1 pourrait bien perdre aussi cette influence si cruciale aux yeux de son propriétaire, Martin Bouygues. Le fait de n'être plus qu'une des dix-huit chaînes de la TNT, fût-ce la première, commence à produire ses effets ravageurs. Ce désarroi, Dominique Baudis, l'ancien président du Conseil supérieur de l'Audiovisuel, l'avait prévu quand il avait poussé le dossier de la TNT en 2001. «La TNT aurait forcément existé un jour, mais cela aurait pu traîner encore des années, expliquait-il alors. On passe d'un duopole d'opérateurs privés TF1 et M6 à huit opérateurs, c'est la condition d'une démocratie réelle.» Avec opiniâtreté, Baudis avait lutté contre le monopole TF1 et Patrick Le Lay, persuadé d'arriver à «stopper la machine», selon un de ses anciens collaborateurs. En public, Le Lay dénigrait le projet avec son sens de la formule. TF1, craindre des nouvelles chaînes ? «C'est aussi crédible que de concurrencer Air France avec un fabricant de planeurs installé dans son atelier d'Issy-les-Moulineaux.» Mais, quatre ans après le lancement de la TNT, le plan Baudis a réussi, et même beaucoup plus vite qu'on imaginait. Certes, être invité au 20-heures demeure important pour un homme politique; mais jamais la chaîne ne retrouvera cette domination du paysage audiovisuel qui était unique en Europe. C'est fini : TF1 ne fait plus peur !

Article intéressant ( à prendre avec précaution toutefois )
il serait bon de citer tes sources, cela éclairerait nos idées !

Jean-Claude a écrit:Article intéressant ( à prendre avec précaution toutefois )
il serait bon de citer tes sources, cela éclairerait nos idées !

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