Trichet fait face à la crise

Nous ne pouvons pas avoir, de part notre propre structure européenne, la même chose que les Etats-Unis», a fait valoir Trichet, estimant qu'il fallait trouver quelques chose «qui est approprié pour nous».

Geste fort de la Banque centrale européenne ce jeudi, avec une baisse des taux de 0,75 point. Suffisant pour éviter la récession? L'avis de Nicolas Véron, économiste au think tank Bruegel, et Henri Sterdyniak, chercheur à l'OFCE.
La baisse des taux de la BCE est la plus importante de son histoire.

Est-ce que ce sera suffisant pour éviter la récession?

Nicolas Véron : C'était à la fois nécessaire et souhaitable. La menace d'inflation a disparu du paysage économique, du moins à court terme, ce qui permet à la BCE de privilégier la croissance par rapport à son objectif principal, la lutte contre la hausse des prix. Mais ce ne sera pas suffisant. La politique monétaire n'est pas le levier idéal quand la conjoncture tangue. Regardez ces dernières semaines: les baisses de taux des différentes banques n'ont eu que peu d'impact...

Henri Sterdyniak : C'est exact. Une politique monétaire ne peut se concevoir sans une politique budgétaire efficace. En France, le gouvernement met en oeuvre une politique budgétaire relativement expansioniste tournée vers les entreprises, notamment avec le plan de relance annoncé aujourd'hui.

Les banques voudront-elles désormais prêter plus facilement?

Nicolas Véron : Puisque la BCE baisse ses taux, les banques pourront se refinancer moins cher, ce qui ne peut être que bénéfique pour elles au vu des circonstances actuelles. Mais le vrai problème des banques aujourd'hui, c'est leur solvabilité, pas leur capacité à prêter... Et là dessus, la politique monétaire n'a pas d'impact direct. La BCE peut agir en injectant des liquidités, mais elle l'a déjà fait et cela n'a pas vraiment rétabli la confiance entre les banques.

Henri Sterdyniak : Les incertitudes n'ont pas disparu du coté des banques et des acteurs financiers. De nombreux actifs toxiques polluent encore le système financier. Les établissements bancaires hésiteront encore à octroyer des crédits, par peur de ne pas être remboursés en raison des risques importants de récession.


Une baisse si spectaculaire ne réduit-elle pas dangereusement la marge de manoeuvre de la BCE?

Nicolas Véron : C'est vrai, on ne peut pas réduire indéfiniment les taux d'intérêt. Une fois tous les outils de la politique monétaire épuisés, la balle sera dans le camp des Etats.


Henri Sterdyniak : On n'en est pas encore là ! La Fed, aux Etats-Unis, a un taux de 1% et se rapproche du plancher, mais la BCE, qui affiche un taux de 2,5%, a encore une marge de manoeuvre importante. Elle est plus faible qu'avant, mais il faut s'en réjouir, car cela participe d'un effort coordonné de tous les acteurs pour relancer l'économie mondiale. Les Etats ont fait beaucoup pour soutenir les banques et rassurer les marchés financiers.