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La crise financière : une folie collective

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Message  livaste Mer 2 Fév - 23:30

La crise financière : une folie collective
Mots clés : Crise Financière, États-Unis

Par Bertille Bayart

01/02/2011 | Mise à jour : 20:01

La Commission d'enquête sur la crise aux États-Unis vient de conclure ses travaux. Les banquiers et les autorités politiques et financières sont sur le banc des accusés.

Sept cents témoins entendus, dix-huit mois d'investigations, et plus de 650 pages de rapport. La Commission d'enquête sur la crise financière (FCIC) vient de conclure ses travaux. Ses conclusions font le récit d'une Amérique saisie d'une folie collective. De celles qui rendent sourd et aveugle devant les signaux annonciateurs de la catastrophe. C'était «comme dans Men in Black, dira à la FCIC William Martin, qui dirigeait une banque au Nevada. Vous savez, quand Tommy Lee Jones brandit un appareil et efface dans un grand clair la mémoire de toux ceux qui sont autour…»

En moins d'une décennie, le marché américain du crédit immobilier a foncé dans le mur. «C'était une nouvelle ruée vers l'or, déclarera plus tard Angelo Mozilo, le fondateur d'une société de crédit devenue tristement célèbre pendant la crise, Countrywide. Les prix de l'immobilier augmentaient si vite que les gens, les gens normaux, étaient pris d'une frénésie d'achat de logements (…) et ils faisaient de l'argent avec. »

Dans l'Amérique des années 2000, on prêtait en masse à des emprunteurs que le score (revenu, emploi, épargne…) ne rend en principe pas éligibles à l'obtention d'un crédit. Ils étaient «subprime», en dessous des «bons» emprunteurs, les «prime». Le système prend son envol après le 11 septembre 2001, quand la Réserve fédérale dirigée par le «Maestro» Alan Greenspan déverse un flot d'argent quasiment gratuit pour soutenir l'économie.

À l'époque, les courtiers en crédit, pas gendarmés, sillonnent l'Amérique à la recherche de ces emprunteurs. «Les courtiers ? C'étaient les “putains” de notre monde», lâche à la FCIC Herb Sandler, qui a fondé une société de prêts. Les pratiques douteuses ou frauduleuses explosent. En 2006, 27 % des crédits sont peu ou pas documentés («low» ou «no-doc»). Pour en contracter un, plus personne ou presque ne déclare ses dettes existantes. On constate des cas d'usurpation d'identité. Les prêts prennent des formes de plus en plus imaginatives, comme les 2/28 : deux ans à taux fixe, très bas, vingt-huit ans à taux variable. Explosif.

«Le rêve américain»
«Alors que d'innombrables Américains se joignaient à l'euphorie financière qui s'était emparée de la nation, beaucoup d'autres interpellaient le gouvernement à Washington et les autorités des États, prévenant de ce qui allait devenir un désastre humain, pas seulement une débâcle économique.» En 2004, chez New Century, un spécialiste des crédits subprimes, le département trouve des erreurs ou des preuves de pratiques non éthiques dans 25 % des crédits accordés en 2003. Ces statistiques seront effacées, et le département dissous. Il était devenu «incontrôlable», écrit à l'époque le président de l'entreprise. Fin 2005, Sabeth Siddique, à la Fed, mène en vain une enquête sur les pratiques de crédit, dont les résultats sont «très alarmants». «Ce que nous faisions, décrypte Sabeth Siddique, cela revenait pour certains à détruire le rêve américain.» Depuis Bill Clinton, Washington promeut en effet l'accès à la propriété.

Trente notes par jour
David Eisman, un des gérants de hedge funds qui ont fait fortune en pariant sur l'explosion de la bulle, raconte comment cela a fait tilt. En 2003, il embauche une nounou. «C'était une femme adorable originaire de Jamaïque. Elle m'annonce qu'elle et sa sœur possèdent six maisons dans le Queen's. Je lui demande : “Comment est-ce arrivé ?”C'était arrivé parce que, après qu'elles avaient acheté la première et que sa valeur avait monté, les prêteurs leur avaient suggéré de refinancer et d'accepter 250 000 dollars, qu'elles avaient utilisés pour acheter une deuxième maison. Puis le prix de celle-là aussi avait monté, et elles avaient répété l'expérience.»


Comment a-t-on pu autant prêter, et dans de telles conditions, pendant des années ? Les prêts passaient de main en main. Des courtiers aux sociétés de crédit spécialisées puis à Wall Street, où les banques d'affaires les emballaient dans des produits financiers commercialisés aux investisseurs du monde entier. Michael Lewis (1) a une image pour décrire les obligations hypothécaires qui faisaient alors fureur. Chacune se compare à un immeuble menacé d'inondation. Les étages élevés sont protégés (on y loge les meilleurs crédits) : ils bénéficient d'une note AAA. Le rez-de-chaussée est le plus exposé, il est BBB-. En haut, les intérêts payés sont faibles, en bas ils sont élevés.

Dans ce processus, les agences de notation ont été «placées à la place du conducteur», explique la FCIC, qui a choisi Moody's pour son étude de cas. L'agence pouvait gagner jusqu'à 850.000 dollars pour chaque instrument qu'elle notait. En 2006, elle a accordé en moyenne 30 notes AAA chaque jour ! Jerome Fons siégeait au comité qui statuait sur les notes des crédits structurés, et témoigne : «Nous parlions de tout, vous savez, mais jamais de l'éléphant qui était assis à notre table.»

Et la créature s'autoalimente. Comme les «tranches» les plus risquées, les étages bas de l'immeuble, ne sont pas toujours faciles à vendre, elles sont réemballées dans un nouvel instrument, appelé CDO (collateral debt obligation). Un travail d'alchimiste : le mauvais risque devient un bon risque. La FCIC prend l'exemple d'un CDO : à l'entrée, 45 % des composants sont bas (BBB au mieux) ; à la sortie, 85 % sont au dernier étage (AAA) ! Quand le système se désintégrera, fin 2008, plus personne ne saura qui détenait quoi. «C'était comme des spaghettis trop cuits : impossible à démêler !», expliquera à la FCIC Tim Geithner, ancien gouverneur de la Fed de New York et aujourd'hui secrétaire au Trésor.

Le dîner de cons
Certains financiers, de plus en plus nombreux, veulent, comme David Eisman, parier au contraire sur l'explosion de la bulle. Ils achètent des CDS (credit default swaps), des instruments qui donnent droit à un paiement quand l'emprunteur ne rembourse pas. Pour eux, AIG, le premier assureur du monde, sera «la poule aux œufs d'or de tout Wall Street», reconnaît Alan Frost, un de ses anciens dirigeants. La filiale londonienne du groupe américain émet des CDS à tour de bras, sans surveillance ou presque. Pendant longtemps, David Eisman n'a pas compris pourquoi tout le monde ne faisait pas comme lui. Pour le «rassurer», son «broker» de la Deutsche Bank lui organise ce qu'en France nous appellerions un «dîner de cons». Il l'invite à un séminaire de gérants. David Eisman est placé à côté d'un gérant de CDO, très satisfait d'être assis sur un portefeuille de 15 milliards de dollars «d'équivalent d'obligations hypothécaires recouvertes de trois couches de merde», selon les mots d'Eisman. Le gérant a été si bien choisi qu'à la fin du dîner Eisman est emballé et dit à son broker : «Quoi que ce type achète, je veux le shorter (parier contre lui, NDLR).»

Cette scène se déroule en janvier 2007. En fait, cela fait plusieurs mois que les pros savent que le marché s'est retourné, mais Wall Street émet toujours plus de CDO de toutes sortes. Une vraie cavalerie. Les banques se débarrassent en fait en masse de tout ce qu'elles-mêmes ont encore dans leurs livres. Certaines sont plus organisées que d'autres. Chez Goldman Sachs, quand la retraite est sonnée, toute l'armée se met en marche dans le même sens. Le patron de l'activité hypothécaire de la banque explique dans un e-mail au Français Fabrice Tourre (mis en cause avec la banque en 2010 par le gendarme de la Bourse) que ses équipes ont «structuré comme des malades, se sont défoncées et ont parcouru le monde pour faire de la limonade avec de vieux gros citrons». Lloyd Blankfein suit les opérations de près : «En fait-on assez pour vendre ?» demande-t-il en février 2007. En neuf mois, Goldman aura en tout cas mis sur le marché 25,4 milliards de dollars de CDO. D'autres groupes sont moins efficaces. Chez Citigroup, certaines unités continuent d'investir alors que d'autres ont senti le vent tourner… Certains achètent encore les yeux fermés. Jusqu'en juin 2007 pour la banque allemande IKB, ce qui en fera un des «chouchous» de Wall Street.

« Le canari dans la mine vient de mourir »

Le jeu continue donc, et les autorités restent longtemps inertes. La Securities and Exchange Commission - gendarme des marchés - avait la tutelle des «big five» de Wall Street. En janvier 2007, un mémo interne constate que le business du subprime est mort. Mais pour les cinq grands de Wall Street, il ne relève «aucune exposition significative». Il faut dire que sa surveillance était légère. Chez Bear Stearns, la SEC ne procédera à aucun contrôle sur place entre 2005 et la deuxième semaine de mars 2008 - très exactement huit jours avant son sauvetage express.

Tout au long de son rapport, la FCIC décrit cruellement le peu d'empressement des régulateurs à freiner l'inventivité de Wall Street. «Il y avait de la compétition entre les régulateurs», explique un gouverneur de la Fed, Mark Olson. Pour exemple, Countrywide, expert ès subprimes, choisit délibérément en 2005 de se placer sous la tutelle de l'OTS, le régulateur qualifié, dans des documents internes, de «moins sophistiqué et moins intrusif». John Snow, ancien secrétaire au trésor, expliquera à la FCIC : «Personne n'avait une vision à 360 degrés. La réaction de base des régulateurs, c'était : “Bon, il y a peut-être un problème. Mais ce n'est pas de mon ressort.”» Les trous béants de la régulation, l'aveuglement des autorités et des acteurs du marché auront ainsi conduit à la catastrophe. Celle-ci est souvent datée au 15 septembre 2008, date de la faillite de Lehman Brothers. Mais s'il fallait donner un point de départ à la crise financière, ce serait davantage le 15 juin 2007, quand Bear Stearns a dû geler, puis liquider, deux fonds investis en actifs hypothécaires. À l'époque, Ben Bernanke, dans le secret des débats de la Fed, évoque un cas «relativement unique». Plus perspicace, Bill Jamison, gérant chez Federated Investors, écrit à ses clients : «Le canari dans la mine vient de mourir.»

(1) «Le Casse du siècle (The Big Short)», Michael Lewis, 2010, Éditions Sonatine.


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